Licenciement disciplinaire : l’influence de la décision de relaxe devenue définitive
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La faute commise par un salarié protégé peut, dans certaines circonstances, aboutir à la saisine simultanée des juridictions civiles, pénales et administratives. Par une récente décision, la Cour de cassation a précisé la position que le juge prud’homal devait adopter lorsqu’une autorisation administrative de licenciement et une décision de relaxe définitives étaient fondées sur des faits identiques.
Principe de l’autorité de la chose jugée : rappel
La prise de connaissance d’un fait fautif commis par un salarié vous autorise à actionner votre pouvoir de sanction dans le cadre d’une procédure de licenciement.
Ce faisant, si votre salarié est protégé, votre démarche ne pourra aboutir sans le recueil d’une autorisation administrative de licenciement.
De surcroît, il se peut que le manquement de celui-ci, en raison de sa nature infractionnelle, vous permette d’engager parallèlement une procédure pénale à son encontre.
Bon à savoir
Quid du droit à la présomption d’innocence ? Dans un arrêt de 2017, la Cour de cassation a indiqué que la procédure disciplinaire étant indépendante de la procédure pénale, l’employeur ne méconnaissait pas ce droit en exerçant son pouvoir de sanction pour des faits identiques à ceux visés par une procédure pénale.
Ce dédoublement des procédures pourra alors déboucher, si le salarié conteste son licenciement devant le conseil de prud’hommes, sur l’application du principe de l’autorité, au civil, de la chose jugée au pénal.
Ce qui, concrètement, induit que le juge prud’homal ne pourra nullement faire fi de la décision définitivement rendue par le juge pénal s’agissant :
de l'existence du fait incriminé ;
de sa qualification ;
et de la culpabilité ou de l'innocence du salarié.
La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion d’indiquer, par le passé, que le licenciement fondé sur des faits ayant donné lieu :
à une condamnation définitive était justifié ;
à une décision définitive de relaxe était privé de cause réelle et sérieuse.
Notez le
Les classements sans suite ainsi que les ordonnances de non-lieu sont dépourvus de l'autorité de la chose jugée. Dans ces hypothèses, il reviendra au juge prud’homal d’apprécier souverainement la réalité des faits invoqués dans la lettre de licenciement.
A travers une récente décision, la Haute juridiction s’est prononcée sur une affaire dont la singularité reposait sur le concours du juge civil, pénal et administratif.
Rappel des faits : une affaire pendante devant trois juridictions
L’affaire soumise à la Cour de cassation reposait sur les faits suivants.
Un salarié est licencié pour faute grave le 23 octobre 2009. Employé en qualité d’ingénieur marketing senior, il était également investi d’un mandat de délégué syndical et d’élu au comité d’entreprise.
Son licenciement avait été autorisé par le ministère du Travail, à l’issue d’un recours hiérarchique, le 7 octobre 2009.
Pour justifier sa mesure, l’employeur mettait en avant que le salarié avait frauduleusement majoré une note de restauration afin d’obtenir un remboursement indu. Il avait alors mobilisé ces mêmes faits pour déposer une plainte pour escroquerie, faux et usage de faux.
Le salarié saisit le tribunal administratif ainsi que la juridiction prud’homale pour contester son licenciement.
Intéressés tous trois à ce litige, les juge civil, administratif et pénal vont progressivement statuer en parfaite autonomie.
Le 4 avril 2013, la cour administrative d’appel de Lyon rejette la requête du salarié et juge que les faits reprochés constituaient une faute d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
Le 26 octobre 2017, le salarié est relaxé par la chambre des appels correctionnels de Lyon pour l’ensemble des chefs d’accusation précités. Les juges considèrent, en effet, qu’aucun élément ne venait remettre en cause, avec certitude, tant l’origine des notes et des factures que le montant des prestations fournies.
Le 24 février 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette l’appel du salarié et juge son licenciement justifié dans la mesure où :
le caractère fautif des faits avait été retenu par la décision du ministre du travail et les juridictions administratives ;
le jugement de relaxe ne permettait pas de remettre en cause la réalité de ces faits.
Relaxe pénale définitive : nouvelle illustration de l’autorité de la chose jugée
Le salarié forme un pourvoi en cassation et mobilise, avec succès, le principe de l’autorité, au civil, de la chose jugée au pénal.
Pour motiver sa décision, la Cour de cassation va, au-delà de mobiliser ce principe, l’articuler avec le fait que le juge judiciaire, malgré une autorisation administrative de licenciement définitive, reste compétent pour apprécier le degré de la faute du salarié.
Partant, elle en déduit que le juge prud’homal ne pouvait retenir la qualification de faute grave alors que les faits, tout en ayant fondé une autorisation administrative de licenciement, avaient donné lieu à une décision de relaxe devenue définitive.
L’affaire devra donc être rejugée.
Pour en savoir davantage sur le licenciement disciplinaire, les Editions Tissot vous suggèrent leur documentation « Gérer le personnel ACTIV » dans laquelle vous pourrez retrouver la procédure interactive « Sanctionner un salarié : de l'avertissement au licenciement disciplinaire ».
Cour de cassation, chambre sociale, 6 décembre 2023, n° 22-18.635 (lorsque les faits pour lesquels l'autorisation administrative de licenciement a été définitivement accordée ont fait l'objet de poursuites pénales à la suite desquelles le salarié a bénéficié d'une relaxe, le juge prud'homal ne peut pas qualifier ces mêmes faits de faute grave)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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