Licenciement économique : vos choix de gestion ne sont pas soumis à l’appréciation du juge
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Si vous envisagez de procéder à un licenciement économique, vous devez veiller à ce que votre mesure soit justifiée par un cause économique réelle et sérieuse. La Cour de cassation vient de rappeler que pour en apprécier la réalité, les juges ne pouvaient pas, par principe, prendre en considération vos choix de gestion.
Licenciement économique : conditions de mise en œuvre
Le licenciement économique est un licenciement qui, par définition, repose sur un motif étranger à la personne du salarié.
Sa mise en œuvre suppose donc :
que l’entreprise, d’une part, dépende d’un contexte économique particulier ;
et que cette conjoncture, d’autre part, justifie l’adoption de mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail du salarié.
Autrement dit, il faut que la rupture du contrat de travail résulte d’une suppression d’emploi, d’une modification d’emploi ou d’une proposition de modification du contrat de travail refusée par le salarié, consécutive notamment à :
l’existence de difficultés économiques (ex : pertes d'exploitation, dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation) ;
des mutations technologiques ;
une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
une cessation totale et définitive de l’activité de l’entreprise.
Le licenciement prononcé en méconnaissance de ces exigences se retrouvera, de fait, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Important
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification du contrat de travail s'apprécie dans le périmètre de l'entreprise. Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de l’entreprise si elle n'appartient pas à un groupe. Dans le cas contraire, elles s’apprécient au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Dans une récente décision, la Cour de cassation a eu l’opportunité de revenir sur l’étendue du contrôle devant être opéré par les juges du fond s’agissant de la cause économique du licenciement.
Choix de gestion de l’employeur : exclus du contrôle juridictionnel
L’affaire soumise à la Haute juridiction débute le 9 janvier 2018. Une directrice commerciale, alors visée par une procédure de licenciement économique, accepte de conclure un contrat de sécurisation professionnelle.
Rappel
Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) est un dispositif destiné à favoriser le retour accéléré vers l’emploi d’un salarié concerné par une procédure de licenciement économique. L’adhésion au CSP emporte la rupture du contrat de travail à l’issue du délai de réflexion, de 21 jours, dont dispose le salarié.
Sa lettre de licenciement évoque, précisément, la baisse d’activité subie par la société en raison de l’accroissement de la concurrence. Motif alors caractérisé par la négativité des résultats constatés pour l’année 2016 mais également pressentis pour l’année 2017.
Cette dernière décide de saisir la juridiction prud’homale afin de contester la cause économique à l’origine de la rupture de son contrat de travail.
Elle obtient gain de cause à hauteur d’appel. La cour d’appel de Versailles juge, en effet, que les difficultés économiques invoquées étaient factices et résultaient, en réalité, de diverses opérations comptables et fiscales effectuées par l’entreprise à la suite de la fusion-absorption d’une autre société, structurellement déficitaire.
Elle expose, au soutien de son argumentaire :
que la baisse du résultat d’exploitation et du résultat net, établie dans le bilan comptable de l’année 2016, découle essentiellement de la dotation aux amortissements sur immobilisation qui est passée de 95 498,90 € en 2015 à 596 943,22 € en 2016 ;
qu’il n’existe, à l’exception de cette dotation, aucun motif justifiant la différence entre les résultats d’exploitation de 2015 et de 2016 ;
que la dotation aux amortissements sur immobilisation est passée à 827 688,01 € en 2017 ;
que l’entreprise a connu, en 2017, une augmentation de ses impôts, taxes et versements assimilés à hauteur de 62 454,58 € ainsi qu’une augmentation de ses intérêts et charges assimilés de 15 000,39 €. Des montants qui, concrètement, justifient 70 à 75 % de la baisse des résultats nets d’exploitation entre 2016 et 2017.
La Cour de cassation casse, sans surprise, la solution rendue par les juges du fond.
Dans la droite lignée de sa jurisprudence (ass. plén., 8 décembre 2000, n° 97-44.219 et soc., 4 mai 2017, n° 15-28.188), elle rappelle que :
s’il incombe au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement et de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail du salarié ;
il ne lui appartient pas, en revanche, et sauf faute de l’employeur, de contrôler les choix de gestion de ce dernier et leurs conséquences sur l'entreprise.
Notez le
La faute de l’employeur, pour être constituée, doit outrepasser l’erreur de gestion. Sa légèreté blâmable peut être également invoquée le cas échéant.
Or, présentement, la cour d’appel avait injustement contrôlé les derniers choix de gestion et de réorganisation de l’employeur.
L’affaire devra, par conséquent, être rejugée.
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Cour de cassation, chambre sociale, 22 novembre 2023, n° 22-19.589 (s'il incombe au juge de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne lui appartient pas de contrôler les choix de gestion de ce dernier et leurs conséquences sur l'entreprise quand ils ne sont pas dus à une faute)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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