Licenciement : peut-il reposer sur un motif non fautif après une procédure disciplinaire ?

Publié le 25/03/2022 à 15:31, modifié le 28/03/2022 à 11:13 dans Sanction et discipline.

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Vous pouvez licencier un salarié pour différents motifs personnels, liés ou non à des fautes. Mais le licenciement peut-il être prononcé pour un motif non fautif si vous avez mené une procédure disciplinaire en amont ? Ou doit-il nécessairement être motivé par des fautes ? Qu’en est-il lorsque vous avez par ailleurs proposé sa rétrogradation au salarié et que celui-ci l’a refusée ? La Cour de cassation vient de répondre à ces questions.

Licenciement : les procédures qui reposent sur un motif personnel

Vous pouvez licencier un salarié pour des motifs qui tiennent à sa personne. Vous devez pour cela respecter une procédure particulière (notamment convoquer le salarié à un entretien préalable).

Le licenciement pour motif personnel est possible y compris en l’absence de faute. Cela pourra notamment être le cas lorsque vous constatez l’insuffisance professionnelle d’un salarié. Ce motif implique que votre salarié est dans l’incapacité d’effectuer correctement son travail, sans que cela ne soit volontaire.

Attention

Le licenciement pour insuffisance professionnelle n’est donc pas fautif. Si vous licenciez un salarié pour motif disciplinaire en évoquant son insuffisance professionnelle, son licenciement sera donc dénué de cause réelle et sérieuse.

Vous pouvez également licencier un salarié en raison de fautes commises. Cela pourra être le cas si un de vos salariés effectue un travail de mauvaise qualité de manière délibérée. Vous devez dans ce cas respecter des exigences supplémentaires (engagement de la procédure avant la prescription des faits, notification du licenciement dans un délai maximal).

Pour en savoir plus sur les procédures de licenciement pour motif personnel, nous vous recommandons notre documentation « Gérer le personnel ACTIV ». Elle inclut plusieurs procédures interactives relatives aux différents types de licenciement.

Lorsque vous engagez une procédure disciplinaire à l’encontre d’un salarié, vous demeurez libre de le sanctionner ou non à l’issue de l’entretien. Vous êtes également libre quant au choix de la sanction prononcée (sous réserve de prononcer une sanction proportionnelle à la faute commise).

Vous pouvez notamment proposer au salarié sa rétrogradation, c’est-à-dire un changement d'affectation accompagné d'une perte de responsabilité ou d'un changement de classement. Nous vous proposons à cet égard d’utiliser notre modèle de courrier.

 

 

Proposition de rétrogradation disciplinaire

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S’agissant d’une modification de son contrat de travail, le salarié est en droit de la refuser. Vous pourrez dans ce cas prononcer une autre sanction à l’encontre du salarié. Y compris un licenciement.

Mais ce licenciement doit-il alors nécessairement être disciplinaire ? Ou pouvez-vous prononcer un licenciement pour un motif non disciplinaire, comme une insuffisance professionnelle ? La Cour de cassation a récemment répondu à cette question.

Licenciement : son éventuel caractère disciplinaire est déterminé par le motif mentionné dans la lettre de licenciement

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un directeur d’exploitation générale avait été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire. A l’issue de cet entretien, son employeur lui avait proposé une rétrogradation sur un poste de directeur d'exploitation sectorielle avec une rémunération réduite. Il avait refusé cette sanction.

Son employeur l’avait alors convoqué à un nouvel entretien préalable puis licencié pour insuffisance professionnelle. Le salarié avait alors saisi le conseil de prud’hommes pour contester cette rupture.

La cour d’appel avait considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Au motif que l’employeur n’était pas resté sur le terrain disciplinaire en licenciant le salarié pour insuffisance professionnelle. Ce qu’il aurait dû faire selon elle comme une rétrogradation avait été proposée en amont au salarié à titre de sanction disciplinaire. Elle avait alors condamné l’employeur à verser des dommages et intérêts au salarié à ce titre (224 000 euros !).

La Cour de cassation a donné tort à la cour d’appel. Elle considère que « c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement ». Solution logique car la lettre de licenciement doit en préciser les motifs, et elle fixe les limites du litige. Les juges sont donc tenus par les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.
Elle ajoute qu’il importe peu que l’employeur ait proposé sa rétrogradation au salarié à titre disciplinaire en amont, et qu’il l’ait refusée.

Il résulte de cette décision que vous n’êtes pas obligé de licencier un salarié pour motif disciplinaire après avoir engagé une procédure disciplinaire. Et ce, même si vous avez proposé à votre salarié une rétrogradation qu’il a refusée.

Les juges apprécieront au regard du motif indiqué dans la lettre de licenciement s’il revêt un caractère disciplinaire ou non. Et ils apprécieront par conséquent le bien-fondé du licenciement au regard du motif invoqué.


Cour de cassation, chambre sociale, 9 mars 2022, n° 20-17.005 (c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement. Même si l’employeur a initié en amont une procédure disciplinaire au terme de laquelle il a proposé au salarié une rétrogradation qu’il a refusée. Cela ne contraint pas l’employeur à licencier pour un motif disciplinaire. Le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle n’est donc pas dénué de cause réelle et sérieuse de ce simple fait)

Amélie Gianino

Juriste en droit social