Licenciement pour faute grave : la gravité appelle à la réactivité
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Un licenciement pour faute grave doit, en raison de l’intensité des manquements le justifiant, être engagé dans un délai restreint. Les contours pratiques de cette exigence ont été récemment affinés par la Cour de cassation.
Licenciement pour faute grave : la procédure doit être engagée dans un délai restreint
En tant qu’employeur, vous disposez d’une liberté significative dans la mise en œuvre de votre pouvoir disciplinaire.
Ainsi, il vous appartient, en connaissance d’un manquement d’un salarié, d’apprécier si :
premièrement : l’attitude de ce dernier est constitutive d’une faute disciplinaire ;
deuxièmement : une sanction doit être prononcée en conséquence.
Votre analyse de la situation peut donc vous conduire à constater l’existence d’une faute grave. C’est-à-dire d’une faute qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Dans cette circonstance, le licenciement se présente logiquement comme une sanction mobilisable. Mais attention, si vous envisagez son recours, vous devrez faire preuve d’une particulière réactivité.
La jurisprudence exige, en effet, que la mise en œuvre de la procédure de licenciement, matérialisée par la convocation du salarié à l’entretien préalable, intervienne dans un délai restreint après votre prise de connaissance des faits fautifs et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
En d’autres termes, la gravité de la faute justifie, de fait, le rétrécissement des délais maximums normalement applicables pour agir.
Rappel
Par principe, vous êtes tenu d’engager des poursuites disciplinaires dans un délai de 2 mois à compter de la révélation des faits fautifs. En outre, la notification du licenciement ne saurait intervenir moins de 2 jours et plus d’1 mois après le jour de l’entretien préalable.
Votre attentisme pourrait, à l’inverse, fonder le salarié à contester l’intensité de son manquement. Dès lors, si ce dernier parvenait à en obtenir la requalification, il pourrait prétendre à une indemnité de licenciement ainsi qu’à une indemnité compensatrice de préavis, indues en principe dans le cadre d’un licenciement pour faute grave.
Ce faisant, il revient au juge d’apprécier concrètement l’attitude adoptée par l’employeur.
Au fil des contentieux, la Cour de cassation a notamment pu considérer que la faute grave :
ne pouvait être retenue si l’employeur avait convoqué le salarié plus de 3 semaines après sa prise de connaissance des faits ;
pouvait être retenue si l’employeur avait immédiatement notifié au salarié sa mise à pied conservatoire, et ce, même s’il avait accordé à ce dernier des indemnités auxquelles il n'aurait normalement pas pu prétendre ;
pouvait être retenue si l’employeur avait tenté d’aboutir, dans un premier temps, à un départ négocié ;
pouvait être retenue si le salarié était absent de l’entreprise en raison de la suspension de son contrat de travail.
Grâce à cette nouvelle affaire, la Haute juridiction a eu l’opportunité de partager une nouvelle illustration positive.
Licenciement mis en œuvre dans un délai restreint : nouvelle illustration
En l’espèce, un employeur est informé, le 2 juin 2016, de la commission de faits fautifs par un salarié.
Le 13 juin 2016, soit 8 jours ouvrables plus tard, il convoque ce dernier à un entretien préalable le 23 juin 2016 et lui notifie sa mise à pied à titre conservatoire. Le 30 juin 2016, il prononce son licenciement pour faute grave.
Réfutant le caractère de gravité de sa faute, le salarié saisit le juge prud’homal.
Sa demande est accueillie favorablement à hauteur d’appel. La cour d’appel de Lyon considère, en l’occurrence, que le délai séparant la découverte des faits de la notification du licenciement, soit 4 semaines, neutralisait l’invocabilité de la faute grave.
L’employeur forme un pourvoi en cassation. D’après ce dernier, le délai écoulé entre l’engagement de la procédure de licenciement et sa notification ne pouvait justifier le retrait du caractère de gravité de la faute dans la mesure où :
la lettre de convocation à l’entretien préalable avait été adressée dans un court délai à compter de la prise de connaissance des faits ;
le salarié était déjà absent de l’entreprise au cours de cette période en vertu de sa mise à pied conservatoire.
Sans surprise, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Et pour cause, en ayant convoqué et mis à pied à titre conservatoire le salarié dans les 8 jours ouvrables suivants sa prise de connaissance des faits, l’employeur avait effectivement agi dans un délai restreint.
Par conséquent, la réalité de la faute grave ne pouvait aucunement être remise en cause.
L’affaire devra donc être rejugée devant la cour d’appel de Lyon.
Pour en savoir davantage sur la mise en œuvre d’un licenciement pour motif disciplinaire, pensez à consulter notre documentation « Tissot Social Entreprise ACTIV » dans laquelle vous pourrez retrouver la procédure interactive « Sanctionner un salarié : de l'avertissement au licenciement disciplinaire ».
Cour de cassation, chambre sociale, 8 novembre 2023, n° 22-10.167 (la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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