Quel type de contenu souhaitez-vous chercher ?

Licenciement pour un fait tiré de la vie privée : quand le retour d’un salarié incarcéré trouble le bon fonctionnement de l’entreprise

Publié le 02/05/2023 à 17:15 dans Rupture du contrat de travail.

Temps de lecture : 3 min

Au-delà de sa faible fréquence, l’incarcération d’un salarié impacte nécessairement la vie de l’entreprise. Les nombreuses interrogations qu’elle soulève prennent alors une couleur particulière lorsque les faits réprimés se sont déroulés en dehors des temps et lieu de travail. A travers une récente décision, la Cour de cassation s’est exprimée sur le licenciement d’un salarié dont le retour en entreprise avait dégénéré en raison des faits à l’origine de sa condamnation.

Licenciement pour un fait tiré de la vie personnelle du salarié : admis par exception

Le licenciement d’un salarié ne peut intervenir au mépris de la frontière séparant sa vie personnelle de sa vie professionnelle. En effet, le droit au respect de sa vie privée vous empêche de mobiliser des faits survenus en dehors du temps et du lieu de travail pour acter la rupture de son contrat de travail. A défaut de quoi, le licenciement notifié sera injustifié et sanctionné par sa réintégration ou son indemnisation.

Il s’avère toutefois que cette frontière n’est pas exempte de failles. Instituées par la Cour de cassation, il est admis, par exception, qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié puisse justifier un licenciement :

  • disciplinaire : si le comportement de celui-ci révèle un manquement à une obligation de son contrat de travail (ex : obligation de loyauté, obligation de sécurité) ;

  • non disciplinaire : si le comportement de celui-ci crée un trouble caractérisé au bon fonctionnement de l’entreprise.

Cette nouvelle décision en témoigne, la Cour de cassation est régulièrement amenée à étayer les circonstances susceptibles de fonder une mesure de licenciement. La présente affaire reposait néanmoins sur des faits particulièrement sensibles.

Retour d’un salarié incarcéré : à l’origine d’un trouble caractérisé au sein de l’entreprise

Un vigneron-tractoriste est incarcéré, de 2013 à 2016, pour des faits d’agressions sexuelles sur mineurs survenus à l’occasion d’une activité extra-professionnelle. A sa sortie, il retourne une première fois dans l’entreprise avant d’être placé, dès le lendemain, en arrêt maladie. A son second retour, la situation se conflictualise avec d’autres salariés. Il est alors licencié la semaine suivante pour trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise.

Ce dernier conteste le caractère réel et sérieux de son licenciement et sollicite à ce titre une indemnisation.

Sa demande est rejetée en appel, sa condamnation pénale était bien à l’origine d’un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise.

Pour rendre cette décision, les juges d’appel constatent tout d’abord que les faits à l’origine de son incarcération ont suscité un émoi durable et légitime à l’échelle de la ville entière.

Ils détaillent ensuite les désordres engendrés par son retour. En l’occurrence, une quarantaine de salariés avaient exprimé le souhait de ne plus travailler avec lui. Afin d’être entendus, ils avaient engagé différentes actions allant de l’organisation de manifestations jusqu’à l’exercice de leur droit de grève.

Au soutien de sa demande, le salarié met en avant que :

  • les manifestations à son encontre avait été orchestrées par l’employeur ;

  • la cour d’appel devait tenir compte de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise pour apprécier la réalité du trouble objectif.

Mais là encore, son raisonnement n’est pas suivi. La Cour de cassation confirme la solution rendue par la cour d’appel. Au regard des faits présentés, l’employeur était en droit de procéder à son licenciement.

Pour en savoir davantage sur le licenciement motivé par un fait de la vie privée ou les conséquences attachées à l’incarcération d’un salarié, nous vous conseillons notre documentation « Gérer le personnel ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 13 avril 2023, n° 22-10.476 (la condamnation pénale du salarié peut créer un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse)

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot