Limite au report des congés payés : est-ce que la CJUE apporte la solution ?
Temps de lecture : 8 min
Au tour de la CJUE de se pencher sur la question du report des congés payés. En effet, le conseil de prud’hommes d’Agen lui a posé 3 questions préjudicielles notamment celle de savoir quelle est la durée raisonnable de report des congés payés en présence d’un période d’acquisition d’une année ? Et, est-ce qu’à défaut de disposition nationale, réglementaire ou conventionnelle, l’application d’un délai de report illimité n’est pas contraire au droit européen ?
Congés payés : jurisprudence de la Cour de cassation au 13 septembre 2023
Depuis le 13 septembre 2023, le sujet des congés payés fait couler beaucoup d’encre. La Cour de cassation a écarté l'application de la législation française pour se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne. Ainsi, elle reconnaît désormais que les salariés en arrêt maladie, quelle que soit leur origine (professionnelle ou non), acquièrent des congés payés.
Un salarié qui n’a pas pu prendre ses congés payés pendant la période prévue à cet effet pour cause de maladie peut :
reporter ses congés payés ;
prétendre, si son contrat de travail est rompu, à une indemnité financière.
Mais le Code de travail ne prévoit aucun délai maximal de report des congés payés et pour la Cour de cassation, il n’appartient pas au juge de fixer cette limite. Mais ce report est-il possible pour une durée illimitée ? Est-ce que cette réponse sera obtenue grâce au conseil de prud’hommes d’Agen ?
En effet, ce dernier a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en raison d’un litige qui oppose un employeur privé, titulaire d’une délégation de service public et qui refuse à des salariés qui avaient été en arrêt maladie le bénéfice du report de leurs congés payés acquis (ou le versement d’une indemnité pour les salariés qui avaient quitté l’entreprise).
Dans cette affaire, les salariés avaient fait l’objet d’arrêts de travail pour maladie de plus d’un an. Leur demande concernait des congés payés acquis moins de 15 mois après la fin de la période de référence d’un an ouvrant droit aux congés payés. Leurs demandes étaient limitées aux seuls droits acquis tout au plus sur deux périodes de référence consécutives.
L’employeur opposait un refus aux différentes demandes sur le fondement de l’article L. 3141-5 : les arrêts de travail auraient perduré au-delà d’une année et n’auraient pas été causés par une maladie professionnelle.
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Congés payés : jurisprudence de la Cour de cassation au 13 septembre 2023
Depuis le 13 septembre 2023, le sujet des congés payés fait couler beaucoup d’encre. La Cour de cassation a écarté l'application de la législation française pour se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne. Ainsi, elle reconnaît désormais que les salariés en arrêt maladie, quelle que soit leur origine (professionnelle ou non), acquièrent des congés payés.
Un salarié qui n’a pas pu prendre ses congés payés pendant la période prévue à cet effet pour cause de maladie peut :
reporter ses congés payés ;
prétendre, si son contrat de travail est rompu, à une indemnité financière.
Mais le Code de travail ne prévoit aucun délai maximal de report des congés payés et pour la Cour de cassation, il n’appartient pas au juge de fixer cette limite. Mais ce report est-il possible pour une durée illimitée ? Est-ce que cette réponse sera obtenue grâce au conseil de prud’hommes d’Agen ?
En effet, ce dernier a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en raison d’un litige qui oppose un employeur privé, titulaire d’une délégation de service public et qui refuse à des salariés qui avaient été en arrêt maladie le bénéfice du report de leurs congés payés acquis (ou le versement d’une indemnité pour les salariés qui avaient quitté l’entreprise).
Dans cette affaire, les salariés avaient fait l’objet d’arrêts de travail pour maladie de plus d’un an. Leur demande concernait des congés payés acquis moins de 15 mois après la fin de la période de référence d’un an ouvrant droit aux congés payés. Leurs demandes étaient limitées aux seuls droits acquis tout au plus sur deux périodes de référence consécutives.
L’employeur opposait un refus aux différentes demandes sur le fondement de l’article L. 3141-5 : les arrêts de travail auraient perduré au-delà d’une année et n’auraient pas été causés par une maladie professionnelle.
Notez le
Dans l’un des arrêts rendus le 13 septembre, la Cour de cassation avait écarté une partie de l’article L. 3141-5, laissant de côté la limite d’un an pour l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie d’origine professionnelle. Pour plus de précisions, voir l’article : Acquisition des droits à congés payés pendant un arrêt maladie d’origine professionnelle : levée de la limitation dans le temps.
Les salariés requérants estimaient que ce refus était contraire au droit de l’Union européenne notamment à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88.
Congés payés : les demandes du conseil de prud’hommes d’Agen
Première question
La première question préjudicielle posée porte sur l’applicabilité directe de l’article 7 § 1 de la directive européenne 2003/88/CE concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Est-ce qu’elle doit être interprétée comme étant d’application directe dans les rapports entre l’employeur et ses salariés.
Sans surprise, la CJUE répond que la directive n’a pas, en principe, vocation à être invoquée dans un litige entre particuliers. Mais que cette question doit être examinée également au regard de la Charte des droits fondamentaux de l’UE qui concrétise le droit fondamental à une période annuelle de congés payés (art. 31 §2).
La Charte garantit le droit à tout travailleur à une période annuelle de congés payés et la directive européenne 2003/88/CE fixe cette durée à 4 semaines minimum.
Pour la CJUE, la Charte se suffit à elle-même, elle a un caractère impératif et inconditionnel. Pas besoin de texte de transposition qu’il soit européen ou national. La Charte, d’effet direct, peut être invoquée dans un litige entre personnes privées.
De plus, pour la CJUE, la juridiction nationale doit écarter la réglementation qui porte atteinte au principe selon lequel le travailleur ne peut pas être privé de ses droits acquis au titre des congés payés à la fin de la période de référence quand le travailleur n’est pas en mesure de prendre ses congés.
Ainsi, les salariés français qui ont saisi le conseil de prud’hommes d’Agen sont fondés à invoquer leur droit au congé annuel payé consacré par la Charte et concrétisé par la directive. Le conseil de prud’hommes d’Agen devrait donc laisser inappliquée la réglementation nationale contraire aux dispositions de l’UE.
Notez le
Le fait que l’employeur soit une entreprise privée n’a aucune importance.
Cette réponse de la CJUE ne devrait pas avoir d’impact sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Puisque depuis le 13 septembre 2023, la Cour de cassation juge que le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l'Union européenne. Et que selon l’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux, tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés. En vertu de l’effet direct de la Charte, elle juge que les dispositions du droit français contraire doivent être écartées.
Deuxième question
La deuxième question du conseil de prud’hommes est liée au fait que le droit français ne prévoit pas expressément de durée de report pour les droits aux congés payés acquis au cours d’un arrêt maladie. Il pose donc la question à la CJUE afin de savoir quelle durée de report raisonnable pourrait être retenue pour une période de référence égale à une année ?
Réponse de la CJUE : il appartient aux Etat de définir, dans leur réglementation interne, les conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé, en précisant les circonstances concrètes dans lesquelles les travailleurs peuvent en faire l’usage.
Ce n’est pas à la CJUE de définir la durée de report applicable aux congés payés. Cela revient à l’Etat membre. Mais elle peut toutefois examiner si cette durée de report fixée par l’Etat n’est pas de nature à porter atteinte à ce droit au congé annuel payé.
Troisième question
La troisième question qui était posée à la CJUE était de savoir si, en l’absence de disposition nationale réglementaire ou conventionnelle délimitant la durée de report, un délai de report illimité serait conforme au droit de l’Union européenne. En effet, la législation française ne prévoit actuellement rien en matière de report et donc aucune durée où celui-ci serait possible.
Pour la CJUE, la directive ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale prévoit les modalités d’exercice et de perte du droit au congé annuel payé à la fin de la période de référence ou d’une période de report à condition que le travailleur qui a perdu ses droits ait eu la possibilité de prendre ses congés payés.
La CJUE rappelle que le droit au congé annuel payé poursuit une double finalité :
permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail ;
disposer d’une période de détente et de loisirs.
Si le salarié cumule des droits à congé annuel payé de façon illimitée, les droits au congé annuel ne répondraient plus à la finalité de repos mais seulement à celle de détente et les loisirs.
Le droit au congé annuel doit conserver la qualité de temps de repos pour le travailleur et le report ne doit pas être de nature à exposer l’employeur au risque d’un cumul trop important de période d’absence du travailleur.
Des limitations peuvent ainsi être apportées au droit fondamental au congé annuel payé. Mais la fixation d’une période de report des congés non pris à la fin d’une période de référence fait partie des conditions d’exercice et de mise en œuvre du droit au congé annuel payé. Pour la CJUE, cela relève, en principe, de la compétence des États membres.
Ainsi pour la CJUE, la directive 2003/88 ne s’oppose pas à une législation ou pratique nationale qui, en l’absence de disposition nationale prévoyant une limite temporelle expresse au report de droits à congé annuel payé acquis et non exercés en raison d’un arrêt de travail pour maladie de longue durée, permet de faire droit à des demandes de congé annuel payé introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives.
Pour rappel, cela correspond à la demande des salariés qui ont saisi le conseil de prud’hommes d’Agen. Des congés payés acquis moins de 15 mois après la fin de la période de référence d’un an ouvrant droit aux congés payés. Elle était limitée aux seuls droits acquis tout au plus sur deux périodes de référence consécutives.
Ainsi, la législation française qui ne prévoit pas, pour le moment, de limite dans le temps du report des congés payés, n’est pas contraire au droit européen si en application de celle-ci les salariés peuvent obtenir le droit à congé ou le versement d’une indemnité pour ceux qui ont quitté l’entreprise.
CJUE, aff. C-271/22 à C-275/22, 9 novembre 2023
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
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