Loi de financement de la Sécurité sociale 2023 : de nouveaux moyens pour lutter contre la fraude sociale

Publié le 12/12/2022 à 10:37 dans Rémunération.

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En 2023, de nouveaux outils juridiques seront mis à la disposition des agents pour détecter les fraudes sociales. Ainsi, des informations obtenues dans le cadre d’un contrôle pourront être utilisées dans une autre entreprise appartenant au même groupe. La loi de financement de la Sécurité sociale ouvre le droit de communication de renseignements détenus par des tiers aux agents de contrôle. Elle dote également ces derniers de moyens d’investigations adaptés à l’économie numérique.

Proportionnalité des sanctions en cas de travail dissimulé dans le cadre de la solidarité financière des donneurs d’ordre (art. 6)

Le donneur d’ordre qui ne remplit pas ses obligations de vigilance est tenu solidaire avec son sous-traitant de payer ses sanctions, y compris les annulations d’exonérations et de réductions de cotisations sociales. Il se voit également appliquer cette annulation, une seconde fois, en propre, en tant que donneur d’ordre sans que cette sanction ne soit adaptée à la gravité des faits commis par le sous-traitant lorsque ce dernier bénéficie d’une modulation.

Partant de ce constat, la loi de financement de la Sécurité sociale 2023 prévoit de moduler la pénalité destinée au donneur d’ordre, en intégrant un élément de gravité dans la méconnaissance de son obligation de vigilance et dans le montant de la fraude :

  • lorsqu’il n’a été procédé à aucune annulation contre le donneur d’ordre dans les 5 ans qui précède le manquement : le plafond de la pénalité encourue par le donneur d’ordre est réduit à 15 000 euros pour une personne physique et à 75 000 euros pour une personne morale, voire sous certaines conditions, le montant ne pourra pas dépasser le montant de l’annulation de la réduction ou d’exonération de cotisation mis à sa charge au titre de la solidarité financière ;
  • en cas de récidive, les plafonds ne s’appliqueraient plus. La sanction serait strictement proportionnée au montant mis à sa charge au titre de la solidarité financière (Code de la Sécurité sociale, art. L. 133-4-5).

Utilisation des informations obtenues dans le cadre du contrôle d’entreprises appartenant à un même groupe (art. 6)

Dans le souci d’éviter les demandes successives ou redondantes, les agents qui contrôlent une entreprise appartenant au même groupe qu’une entreprise déjà contrôlée pourront utiliser les informations obtenues à l’occasion de ce premier contrôle. L’agent sera tenu d’informer la personne contrôlée de la nature et de l’origine des documents ou informations obtenus. Sur la demande de la personne contrôlée, l’agent communique une copie des documents dans un délai et dans des conditions qui seront fixés par décret.

Pérennisation de la limitation de la durée du contrôle dans les entreprises de moins de 20 salariés (art. 6)

Depuis 2015, la durée des contrôles URSSAF est encadrée dans les entreprises de moins de 10 salariés et pour les travailleurs indépendants. Sauf exception, cette durée ne peut s’étendre sur une période supérieure à 3 mois. Ce délai pouvant être prorogé une fois à la demande expresse de l’employeur ou de l’URSSAF et atteindre 6 mois au plus.

Attention

Aucune limite de temps s’applique lorsqu’il est établi au cours du contrôle l’une des situations suivantes :

  • travail dissimulé  ;
  • obstacle au contrôle  ;
  • abus de droit  ;
  • constat de comptabilité insuffisante ou documentation inexploitable.

Depuis août 2018, cette limitation de durée est appliquée, à titre expérimental, aux entreprises de moins de 20 salariés.

La phase d’expérimentation a pris fin cet été même si en pratique, l’initiative a été maintenue et qu’elle est toujours mentionnée dans la charte du cotisant contrôlé aujourd’hui.

La loi de financement de la Sécurité sociale pérennise la mesure et prévoit que cette durée maximale du contrôle ne s’applique pas :

  • en cas de constat de comptabilité insuffisante ou de documentation soit inexploitable, soit transmise ou remise plus de 15 jours après la réception de la demande faite par l’agent de contrôle ;
  • en cas de report, à la demande de la personne contrôlée, d’une visite de l’agent chargé du contrôle.

Prolongation de la durée de la période contradictoire pour le régime agricole (art. 6 II)

Dans le cadre d’un alignement des dispositions applicables au régime général et au régime agricole, la durée de la période contradictoire peut être prolongée de 30 jours supplémentaires à la demande de la personne contrôlée avant l’expiration du délai initial de 30 jours. Cette demande n’est pas autorisée en cas d’abus de droit et de travail dissimulé.

Rappel

La période contradictoire commence lors de la communication des observations de l’agent de contrôle aux personnes contrôlées et les invitant à répondre pendant un délai déterminé.

Renforcer les outils juridiques de la lutte contre la fraude sociale (art. 98)

Pour renforcer la lutte contre la fraude sociale, la loi prévoit de renforcer les outils juridiques à disposition des administrations et d’intégrer de nouveaux intervenants dans cette lutte.

Aujourd’hui, l’autorité judiciaire est habilitée à communiquer aux organismes de protection sociale des éléments qu’elle recueille, lors de ses procédures, et qui sont de nature à faire présumer une fraude sociale ou compromettent notamment le recouvrement des cotisations sociales.

La loi autorise les greffiers des tribunaux de commerce de communiquer également ce type de renseignement et document de nature à faire présumer de telles fraudes ou telles manœuvres.

Dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, la loi de financement de la Sécurité sociale ouvre également le droit de communication par des tiers, comme les établissements bancaires, de renseignement aux agents des organismes sociaux du recouvrement (URSSAF, MSA). Cela permettra d’obtenir des informations et des documents sans qu’il leur soit opposé le secret professionnel.

La loi prévoit également d’attribuer des prérogatives de police judiciaire aux organismes de protection sociale (CNAV, CNAF, CNAM, Pôle emploi) et de l’Inspection du travail. Les agents spécialement dotés de prérogatives judiciaires pourraient notamment sous pseudonyme sans être pénalement responsables :

  • participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
  • extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve.

La loi de financement de la Sécurité sociale 2023 a été définitivement adoptée le 2 décembre par l’Assemblée nationale. Elle ne sera applicable qu’après sa publication au Journal officiel et sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel qui a été saisi par des sénateurs et des députés.

Loi de financement de la Sécurité sociale 2023 définitivement adoptée le 2 décembre par l’Assemblée nationale

Isabelle Vénuat

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot