Loi travail : la procédure d’inaptitude physique est profondément modifiée

Publié le 18/08/2016 à 08:34, modifié le 11/07/2017 à 18:28 dans Licenciement.

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Nouvelle procédure pour reconnaitre un salarié inapte, harmonisation des règles de reclassement concernant l’inaptitude professionnelle et non professionnelle, nouvelles modalités de contestation de l’avis du médecin du travail, voilà les principaux changements qui vont être apportés par la loi travail en matière d’inaptitude.

Inaptitude physique : nouvelle procédure de constatation

Actuellement, l’inaptitude physique est prononcée par le médecin du travail après deux examens médicaux espacés d’un délai minimum de deux semaines.

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Il existe toutefois deux exceptions dans lesquelles le prononcé peut se faire après un seul examen : le maintien du salarié à son poste de travail lui fait courir un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celle des tiers ; une visite de pré-reprise a eu lieu dans les 30 jours précédents.

La loi travail réécrit cette procédure. Le médecin du travail prononce l’inaptitude s’il constate que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste et qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation de poste de travail n’est possible. Il doit au préalable y avoir :

  • une étude du poste du salarié, effectuée par le médecin du travail ou un membre de l’équipe pluridisciplinaire ;
  • un échange entre le médecin du travail, le salarié et l’employeur.

Le médecin du travail doit également recevoir le salarié pour échanger avec lui sur l’avis, les indications et les propositions qu’il pourrait adresser à l’employeur.

Un décret devrait préciser les modalités pratiques de cette nouvelle procédure, notamment la nécessité ou non d’organiser plusieurs rendez-vous et les conditions éventuelles de délai.

Il est désormais également imposé au médecin du travail d’éclairer son avis d’inaptitude par des conclusions écrites assorties d’indications relatives au reclassement. Le médecin du travail peut éventuellement proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire ou celui d’un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en œuvre les indications ou propositions qu’il formule.

Notez-le
Comme auparavant, cet avis assorti des conclusions du médecin du travail, s’impose à vous. Si vous refusez d’appliquer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail, vous devez dorénavant en informer le salarié et le médecin par un écrit motivé.

Inaptitude physique : contestation de l’avis

Le salarié ou l’employeur peuvent contester un avis médical d’aptitude ou d’inaptitude en adressant un recours à l’inspection du travail dans un délai de 2 mois et en en informant l’autre partie.

Dorénavant, si ce sont des éléments médicaux justifiant les avis, propositions ou conclusions du médecin du travail qui sont contestés, c’est le conseil des prud’hommes qui doit être saisi en référé.

Ce référé permet de demander la désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel. Attention, des frais d’expertise seront facturés au demandeur. Toutefois, la formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante.

Inaptitude physique : harmonisation des règles de reclassement

Des règles différentes s’appliquaient jusqu’à présent concernant l’obligation de reclassement selon que l’inaptitude avait une origine professionnelle ou non.
La loi travail unifie les règles à suivre. Plusieurs règles réservées à l’inaptitude professionnelle s’appliquent ainsi désormais en cas d’inaptitude suite à un accident ou une maladie non professionnel :

  • la consultation préalable des délégués du personnel avant la proposition de reclassement ;
  • l’information écrite du salarié, lorsqu’aucun reclassement n’est possible, en lui indiquant les motifs qui s’opposent à son reclassement ;
  • le fait que le médecin du travail formule des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté ;
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Pour l’inaptitude professionnelle, cette règle n’existait initialement que pour les entreprises d’au moins 50 salariés mais la loi travail a supprimé cette condition d’effectif.
  • la dispense de recherche de reclassement lorsque le médecin du travail indique expressément que le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable pour sa santé ou bien – nouveauté issue de la loi travail - que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non, la rupture du contrat sera dorénavant possible lorsque l’employeur justifie :

  • soit de son impossibilité de proposer un poste de reclassement ;
  • soit du refus par le salarié du poste de reclassement ;
  • soit de la mention expresse, dans l’avis du médecin du travail, que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
    Ces règles s’appliquant également aux CDD.

Inaptitude physique : étendue de l’obligation de reclassement

La loi travail précise que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur propose au salarié un emploi dans les conditions requises (emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé), après avis des DP, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Notez-le
Il semble donc désormais qu’une seule proposition de reclassement conforme aux exigences légales suffise à l’employeur pour remplir son obligation de reclassement. Si le salarié la refuse, son licenciement est possible. Jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait qu’il fallait épuiser toutes les offres de reclassement possibles. A suivre !

Enfin, le Code du travail a été réécrit de façon à ce que l’obligation de reclassement s’applique quel que soit le moment où l’inaptitude est prononcée (autrement dit même si le contrat de travail du salarié n’est pas suspendu).

Notez-le
Toutes ces mesures ne prendront effet qu’une fois publiés les décrets d’application nécessaires et au plus tard le 1er janvier 2017.

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Anne-Lise Castell

Loi n° 2016–1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, art. 102, Jo du 9