Maladie et congés payés : le seuil de l'inconstitutionnalité n'a pas été franchi
Temps de lecture : 7 min
Saisie, depuis le 15 novembre dernier, de deux QPC sur le thème de l’acquisition des congés pendant la maladie, le Conseil constitutionnel vient de rendre son verdict. Et celui-ci est pour le moins limpide : les dispositions du Code du travail sont conformes à la Constitution. Au législateur, désormais, de prendre officiellement le relai.
Acquisition de congés payés durant la maladie : anatomie d’un big bang
L’historique sur ce sujet est dorénavant connu de tous, ou presque.
Le 13 septembre 2023, le Cour de cassation a procédé à une vigoureuse mise en conformité du droit français avec le droit européen. Après dix ans de contradictions connues et entretenues, l’évènement était devenu plus que prévisible.
Pour mémoire, le Code du travail dispose, en vertu de ses articles L. 3141-3 et L. 3141-5 5°, qu’un salarié :
ne se constitue aucun droit à congés si son absence résulte d’une maladie ou d’un accident d’origine non professionnelle ;
se constitue des droits à congés, dans la limite d’une durée ininterrompue d'un an, si son absence est causée par une maladie professionnelle ou un accident du travail.
Rappel
Les conventions collectives peuvent prévoir des dispositions plus favorables.
La Haute juridiction juge ainsi, depuis cette date, qu’un salarié absent pour maladie se forme des droits à congés payés, et ce, quelle que soit l’origine de sa maladie et la durée de son absence.
Ce qui, concrètement, induit la possibilité pour ce dernier, dès lors qu’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer son droit à congé, de revendiquer une pose reportée voire le paiement d’une indemnité compensatrice.
Bon à savoir
La Cour de cassation a également précisé que le délai de prescription de l'indemnité de congés payés ne pouvait commencer à courir que si l’employeur avait permis au salarié d'exercer effectivement son droit. Une analyse qui, naturellement, a soulevé une nouvelle et oppressante interrogation : où situer précisément la limite de cette rétroactivité ? Le Conseiller doyen de la chambre sociale, Jean-Guy Huglo, a évoqué, à de multiples occasions, que le salarié pourrait reporter ses demandes jusqu’au 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
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Acquisition de congés payés durant la maladie : anatomie d’un big bang
L’historique sur ce sujet est dorénavant connu de tous, ou presque.
Le 13 septembre 2023, le Cour de cassation a procédé à une vigoureuse mise en conformité du droit français avec le droit européen. Après dix ans de contradictions connues et entretenues, l’évènement était devenu plus que prévisible.
Pour mémoire, le Code du travail dispose, en vertu de ses articles L. 3141-3 et L. 3141-5 5°, qu’un salarié :
ne se constitue aucun droit à congés si son absence résulte d’une maladie ou d’un accident d’origine non professionnelle ;
se constitue des droits à congés, dans la limite d’une durée ininterrompue d'un an, si son absence est causée par une maladie professionnelle ou un accident du travail.
Rappel
Les conventions collectives peuvent prévoir des dispositions plus favorables.
La Haute juridiction juge ainsi, depuis cette date, qu’un salarié absent pour maladie se forme des droits à congés payés, et ce, quelle que soit l’origine de sa maladie et la durée de son absence.
Ce qui, concrètement, induit la possibilité pour ce dernier, dès lors qu’il se trouve dans l’impossibilité d’exercer son droit à congé, de revendiquer une pose reportée voire le paiement d’une indemnité compensatrice.
Bon à savoir
La Cour de cassation a également précisé que le délai de prescription de l'indemnité de congés payés ne pouvait commencer à courir que si l’employeur avait permis au salarié d'exercer effectivement son droit. Une analyse qui, naturellement, a soulevé une nouvelle et oppressante interrogation : où situer précisément la limite de cette rétroactivité ? Le Conseiller doyen de la chambre sociale, Jean-Guy Huglo, a évoqué, à de multiples occasions, que le salarié pourrait reporter ses demandes jusqu’au 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
Les vagues d’inquiétudes, soulevées par cette jurisprudence et sa transposition décomplexée, ont continuellement déferlé sur les pouvoirs publics.
Et cette forte pression ne s’est pas estompée lorsque la Cour de cassation, en saisissant le Conseil constitutionnel, a fixé un nouveau rendez-vous juridictionnel avec cette thématique.
Acquisition de congés payés durant la maladie : aucune contrariété à la Constitution n’est à signaler
Le 15 novembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a, en effet, accepté de transmettre les deux QPC suivantes au Conseil constitutionnel :
faut-il considérer que les articles L. 3141-3 et L. 3141-5 5° du Code du travail portent atteinte au droit à la santé et au repos tels que garantis par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?
faut-il considérer que l'article L. 3141-5 5° du Code du travail porte atteinte au principe d'égalité tel que garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 ?
A l’issue d’une audience qui s’est tenue le 30 janvier dernier, les Sages de la rue Montpensier ont jugé que ces dispositions, en ce qu’elles ne méconnaissaient aucun droit et liberté garantis par la Constitution, devaient être déclarées conformes à celle-ci.
Première QPC : l'atteinte au droit au repos n'est pas caractérisée
Sur ce premier sujet de questionnement, le Conseil constitutionnel rappelle, à titre liminaire, que son pouvoir général d'appréciation et de décision est d’une nature différente de celui du Parlement.
De ce fait, il n’est pas en mesure de rechercher si les objectifs assignés par le législateur auraient pu être atteints différemment, dès lors que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé.
S’appuyant, plus précisément, sur la loi édictant les règles applicables aux salariés absents en raison d’une maladie professionnelle ou d’accident du travail, les Sages indiquent que l’objectif du législateur était d’éviter que le salarié, déjà victime d’un évènement résultant de son activité professionnelle, ne perde, de surcroît, tout droit à congé payé au cours de cette période.
Ces derniers en concluent alors qu’au regard de cette finalité, le législateur avait tout loisir pour :
assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an ;
et ne pas étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle.
Seconde QPC : l'atteinte au principe d'égalité n'est pas caractérisée
Sur ce second sujet de questionnement, le Conseil constitutionnel précise d’emblée que le principe d’égalité ne s’oppose :
ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ;
ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général.
Partant, les Sages précisent que la maladie professionnelle et l’accident du travail, « qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié ».
Elle en déduit donc que le législateur était en droit de prévoir des règles d’acquisition différentes pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail.
Acquisition de congés payés durant la maladie : et demain ?
Par cette décision, le Conseil constitutionnel dénoue, au moins pour un temps, le volet juridictionnel de cette saga sur les congés payés et ouvre, définitivement, son volet législatif.
Pour autant, force est de constater qu’en instituant une dissonance « conformité constitutionnelle/non-conformité conventionnelle », elle l’introduit dans un climat de légère confusion.
De quoi remettre en cause l’intervention du législateur ? Certainement pas. Au contraire, celle-ci est rendue d’autant plus nécessaire.
En cours de préparation depuis fin 2023, les grandes lignes de cette mesure devraient être prochainement présentées.
Pour rappel, l’ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, avait indiqué le 30 novembre dernier, que la mise en conformité du droit français avec le droit européen surviendrait « au cours du 1er trimestre 2024 » et que l’impact de la jurisprudence de la Cour de cassation serait réduit au maximum.
Un remaniement plus tard, la nouvelle ministre du Travail, Catherine Vautrin, a annoncé à l’Assemblée nationale, le 17 janvier dernier, que la décision du Conseil constitutionnel serait un « élément important dans la réflexion » du Gouvernement qui, toutefois, ne remettra pas en cause le fait que la France « se mettra (…) en conformité avec la législation européenne », et ce, « dans le délai le plus court possible ».
Jusqu’ici, les pistes privilégiées par le Gouvernement sont les suivantes :
mobilisation de la prochaine loi DDADUE ;
limitation des droits à congés payés durant la maladie à 4 semaines ;
création d’une limite au report des congés à 15 mois.
Les Editions Tissot ne manqueront pas de vous présenter les mesures qui seront officiellement arrêtées par le législateur.
Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-1079 QPC du 8 février 2024
Cour de cassation, chambre sociale, 15 novembre 2023, n° 23-14.806
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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