Maternité et protection contre le licenciement

Publié le 29/10/2007 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:20 dans Licenciement.

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« La femme enceinte est protégée contre le licenciement ». Certes… Mais dans la pratique, savez-vous à partir de quand la protection commence à s’appliquer ? Jusqu’à quand ? Y a-t-il des exceptions ? Autant de problématiques à anticiper si vous êtes confronté à cette situation…

Pour qu’une femme puisse bénéficier de la protection spécifique contre le licenciement, elle doit vous avoir communiqué un certificat médical attestant de sa grossesse et, selon les cas :

  • de la date présumée de son accouchement ;
  • ou de la date effective de celui-ci, ainsi que, s’il y a lieu, la durée prévisible de son état pathologique rendant nécessaire un allongement du congé de maternité.

Dès ce moment, elle est protégée à deux niveaux :
  • pendant sa grossesse et pendant une période de 4 semaines après la fin de son congé de maternité : l’interdiction du licenciement est alors qualifiée de « relative », car celui-ci ne pourra être envisagé que pour deux motifs ;
  • pendant son congé de maternité : l’interdiction de la licencier est absolue, c’est-à-dire qu’il n’existe aucune exception à ce principe.


Avant le congé de maternité et 4 semaines après sa fin : licenciement possible dans deux cas seulement

La protection contre le licenciement, si elle est absolue pendant le congé de maternité (voir ci-dessous), est plus « souple » avant et après ce congé.

Sont plus précisément concernées les périodes suivantes :
  • de la date d’expédition du certificat médical de grossesse jusqu’au début du congé de maternité ;
  • durant les 4 semaines suivant la fin du congé de maternité.

Notez-le : Le père et la mère sont protégés de la même façon pendant les 15 jours qui suivent la fin de leur congé d’adoption.

Seuls deux motifs peuvent, pendant ces périodes, justifier un licenciement, à condition qu’ils soient absolument étrangers à la grossesse.

Licenciement pour faute grave

Vous pouvez licencier la salariée pendant cette période de protection en invoquant une faute rassemblant deux conditions :
  • il doit s’agir d’une faute grave, c’est-à-dire d’une gravité telle qu’elle ne peut pas permettre le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant son préavis ;
  • la faute de la salariée doit être indépendante de son état de grossesse ou du fait qu’elle vient d’accoucher ou d’adopter.

La protection s’applique également pendant toute la durée de l’absence de la mère et/ou du père pendant leur congé d’adoption.
Ainsi, de fréquents retards peuvent difficilement être dissociés d’une récente maternité, alors que le fait de ne plus se présenter à son poste de travail sans fournir de justificatif peut être considéré comme une faute grave indépendante de la maternité.

Pour plus de précisions sur la notion de faute grave et des exemples de faits reconnus comme tels, vous pouvez vous reporter à notre lettre d’actualité n° 6 du 19 février 2007.

Si la salariée a bien commis une faute grave non liée à son état de grossesse, à son accouchement ou à l’adoption, vous pouvez lui notifier son licenciement pendant sa période de protection, sans lui devoir d’indemnités de licenciement, ni d’indemnité de préavis.

L’impossibilité de maintenir le contrat de travail

Vous pouvez également licencier la salariée s’il vous est impossible de maintenir son contrat de travail.

Concrètement, les cas envisageables sont assez limités et se réduisent le plus souvent à des hypothèses de suppression de poste pour motif économique, sans possibilité de reclassement de la salariée. On peut également envisager l’hypothèse où une salariée refuse un changement de ses conditions de travail.

Exemple :
Le licenciement peut être justifié :
  • par la fermeture de l’établissement où la salariée travaillait, du fait de difficultés économiques ;
  • par une suppression d’emploi suite à une réorganisation des services ;
  • par le refus d’une mutation ne modifiant pas un élément essentiel du contrat de travail ;
  • par le refus d’un nouvel horaire lié à la réorganisation de l’entreprise.

Attention, c’est à vous qu’il revient de prouver que vous ne pouvez pas maintenir le contrat de la salariée enceinte.

Que se passe-t-il si vous notifiez son licenciement à une salariée dont vous ignoriez l’état de grossesse ?

Dans ce cas, la salariée a 15 jours (à compter de la notification de son licenciement) pour vous demander d’annuler son licenciement.

Elle devra alors vous faire parvenir, par lettre recommandée avec accusé de réception, un certificat médical de grossesse, ou une attestation administrative justifiant de l’arrivée d’un enfant adopté dans les 15 jours.

Cette possibilité ne vaut ni si le licenciement est justifié par l’un des deux motifs visés ci-dessus (faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat), ni pendant la période d’essai.


Pendant le congé de maternité : interdiction absolue de licencier

A partir du moment où la femme enceinte part en congé de maternité, il est absolument interdit de la licencier, et ce, pour quelque motif que ce soit, sans exception.

Cette interdiction s’applique pendant toute la période où la salariée a droit à son congé de maternité, c’est-à-dire y compris s’il est allongé pour des raisons pathologiques ou du fait de l’hospitalisation de l’enfant.

Dans la pratique, cette interdiction vaut donc jusqu’au retour de la salariée dans l’entreprise.

Rappel. La durée légale du congé de maternité est de :

Nombre d’enfants
à charge
Durée du congé
prénatal
Durée du congé
postnatal
Durée totale
du congé
0
6 semaines
10 semaines
16 semaines
1
6 semaines
10 semaines
16 semaines
2 8 semaines 18 semaines 26 semaines

La salariée attend
des jumeaux

12 semaines 22 semaines 34 semaines

La salariée attend
des triplés

24 semaines 22 semaines 46 semaines

Ces durées peuvent être aménagées ou prolongées par votre convention collective, pensez à la consulter.

Cas particuliers. En pratique, différents cas de figure peuvent se présenter :
  • si une salariée a passé un entretien préalable de licenciement avant de partir en congé de maternité, vous ne pourrez pas lui notifier son licenciement pendant son absence. Si vous le faites, le licenciement sera nul, c’est-à-dire sans effet juridique, et la salariée pourra demander sa réintégration dans l’entreprise ;
  • si la salariée s’était vu notifier son licenciement avant son congé et avait commencé à effectuer son préavis, celui-ci se trouve suspendu par le congé de maternité et la salariée reprendra le cours de son préavis à son retour ;
  • vous pouvez tout à fait convoquer la salariée à un entretien préalable de licenciement alors qu’elle est en congé de maternité, mais vous ne pourrez pas lui notifier son licenciement tant que son droit à congé n’aura pas pris fin.

Contrat à durée déterminée. Si vous avez embauché votre salariée en contrat à durée déterminée (CDD) et qu’elle est en congé de maternité lorsque le CDD arrive à son terme, la protection ne joue pas : le CDD se termine normalement, il n’est pas prolongé jusqu’à la fin de la période de protection.

Attention cependant : si le contrat comporte une clause de renouvellement, vous ne pourrez pas refuser ce renouvellement en invoquant l’absence de la salariée.

Période d’essai. De la même manière, si la salariée part en congé de maternité alors qu’elle est encore en période d’essai, vous ne pourrez pas vous baser sur son absence pour rompre l’essai. Tout autre motif, à partir du moment où il n’est pas discriminatoire, est en revanche valable.

Notre conseil : Vous avez tout intérêt à indiquer par écrit les motifs qui vous poussent à mettre fin à la période d’essai d’une femme enceinte, même si vous n’avez aucune obligation en la matière. Cela lèvera tout doute sur les raisons de votre décision.


Conséquences d’un licenciement nul

Les conséquences d’un licenciement nul sont principalement financières :
  • vous devrez payer à la salariée les rémunérations qui lui étaient dues jusqu’à la fin de sa période de protection, c’est-à-dire jusqu’à la fin des 4 semaines suivant son retour de congé de maternité (ou 15 jours en cas d’adoption) ;
  • la salariée pourra demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Ce sera alors au juge d’en apprécier le montant ;
  • si le licenciement est annulé pour ne pas avoir respecté le régime protecteur de la femme enceinte, ayant accouché ou adopté, vous vous exposez à une amende pénale de 1.500 euros au maximum (3.000 euros en cas de récidive).

Si vous proposez spontanément à la salariée de la réintégrer dans l’entreprise et que celle-ci refuse, c’est elle qui sera tenue pour responsable de la rupture du contrat de travail. Elle n’aura en conséquence pas droit aux dommages et intérêts.
Les peines les plus lourdes s’appliquent à un licenciement discriminatoire, c’est-à-dire qui serait fondé sur l’état de grossesse : vous risquez alors jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.

En outre, la salariée pourra demander sa réintégration dans l’entreprise.


A. Ninucci