Message obscène adressé à une cliente : vie privée ou vie professionnelle ? Le salarié peut-il être sanctionné ?
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La frontière entre fait relevant de la vie privée et relevant de la vie professionnelle peut être ténue. Quand un de vos salariés adresse des messages déplacés voire injurieux à la salariée d’un partenaire commercial, quelles dispositions pouvez-vous prendre ? Pouvez-vous rompre le contrat de votre salarié pour ce motif ?
Un de mes salariés drague une cliente et lui adresse des messages à connotation sexuelle, ce qui occasionne des relations tendues avec ce partenaire commercial. Puis-je sanctionner mon salarié pour de tels faits qui, selon lui, relèvent de sa vie personnelle et non professionnelle ?
En principe, un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié ne peut pas caractériser une faute ni justifier la rupture du contrat de travail de celui-ci sauf s’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail ou s’il peut être rattaché à sa vie professionnelle.
Draguer avec insistance et adresser des messages à connotation sexuelle à une cliente ou un partenaire commercial est-il un fait tiré de la vie privée qui empêche de rompre le contrat de travail du salarié auteur de ce comportement ?
La Cour de cassation a répondu à cette question. Dans cette affaire, le salarié avait été licencié pour avoir adressé des messages à connotation sexuelle à une salariée d'une société cliente.
Le salarié, contestant son licenciement, a saisi le juge prud’homal. En effet, selon lui, un fait de la vie personnelle, même s'il occasionne un trouble dans l'entreprise, ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail. Pour le salarié, le fait reproché était étranger à ses fonctions de chef d'équipe, relevait de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations professionnelles, de sorte qu'il ne pouvait justifier une sanction disciplinaire.
La cour d’appel, dont la décision a été confirmée par la Cour de cassation, n’a pas suivi le raisonnement du salarié et l’a débouté de ses demandes. Les magistrats ont en effet retenu que :
- le salarié licencié s'était trouvé en relation avec une salariée d’une entreprise cliente dont il avait eu connaissance des coordonnées téléphoniques professionnelles dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et dont il avait fait un usage abusif en adressant à celle-ci des messages à caractère obscène ;
- les propos à caractère sexuel à l'égard de cette cliente, avec laquelle il était en contact exclusivement en raison de son travail, ne relevaient pas de sa vie personnelle ;
- ces messages avaient entraîné un trouble caractérisé dans l'entreprise puisqu’il s'était vu interdire l'accès au site de l'entreprise cliente.
De ce fait, un tel comportement injurieux à l’égard d’un partenaire commercial rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait le licenciement du salarié.
Cour de cassation, chambre sociale, 12 juillet 2022, n° 21-14.777 (un motif de la vie personnelle ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail)
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