Mieux payer les nouveaux embauchés : le point sur les règles de droit
Temps de lecture : 4 min
Un sujet récurrent alimente en ce moment les discussions autour des machines à café de nombreuses entreprises : le salaire proposé aux nouveaux embauchés. Pourquoi le nouveau s’est vu proposer une rémunération supérieure à la mienne alors que j’occupe déjà le poste depuis deux ans ? Au-delà de l’analyse économique, managériale, RH ou même morale, nous nous proposons ici d’analyser juridiquement la situation d’une différence de traitement salarial en faveur des nouveaux embauchés.
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Fixation du salaire à l’embauche : les principes juridiques directeurs
En matière de fixation du salaire, trois principes directeurs majeurs s’affrontent sur le plan juridique. Il y a une liberté assortie de deux contraintes. Et leurs existences conjointes sont sources d’incompréhension, de mésententes et, donc, de contentieux entre salariés et employeur.
Premier principe : la libre fixation du salaire par l’employeur.
L’employeur est ainsi libre de proposer le montant de rémunération de son choix au candidat lors de son recrutement. Le salarié restant maître d’accepter ou non l’offre. Ici, pas de contrainte pour l’employeur à part celle de proposer un montant au moins égal au SMIC ou au minimum conventionnel.
Second principe : le principe de non-discrimination.
Lors de la fixation de la rémunération d’un salarié, l’employeur ne peut pas prendre en compte un élément considéré comme discriminant. La liste des éléments discriminants figure aux articles L. 1121-2 , L. 1132-1 à L. 1132-2-3-2 du Code du travail. Sont listés par exemple l’âge, l’état de santé, l’apparence physique, la grossesse, etc.
Notez le
Ces deux premiers principes directeurs ne rentrent pas en compte dans une analyse juridique comparative entre nouvel embauché et salarié déjà en poste.
Troisième principe : le principe d’égalité de traitement. Les juges ont depuis longtemps affirmé que des salariés occupant une fonction comparable doivent être rémunérés de façon identique. Pour déterminer si deux salariés sont dans une situation comparable, il est possible de s’appuyer sur l’article L. 3221-4 du Code du travail : « sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».
Important
A travers l’application du principe « à travail égal salaire égal », un nouvel embauché peut demander à être payé au même niveau qu’un salarié déjà présent dans l’entreprise. Et un salarié déjà présent peut aussi demander à être augmenté pour que son salaire rattrape celui versé à un nouveau embauché. Par contre, un salarié ne peut pas demander de rappel de salaire s’il est aujourd’hui bien rémunéré au salaire du nouvel embauché mais que son salaire à l’embauche il y a quelques années était inférieur.
Fixation du salaire à l’embauche : la comparaison avec les salariés déjà en poste
Deux salariés amenés à occuper des postes à valeur égale doivent donc par principe avoir le même salaire. Sur cette base, un salarié arrivant dans l’entreprise pour occuper un poste donné doit avoir le même salaire que le salarié déjà présent dans l’entreprise sur ce poste.
Des dérogations restent possibles permettant des différences de traitement entre un nouvel embauché et un salarié déjà en poste ayant vocation à réaliser un travail similaire, sur un même lieu de travail et possédant un même niveau de diplôme ou d’expérience. Deux situations les plus fréquentes méritent une attention particulière.
Situation 1 : l’employeur met en place une différence de traitement reposant sur un élément objectif, à savoir l’ancienneté. En s’appuyant sur l’ancienneté, il est donc possible de rémunérer de façon plus favorable le salarié déjà en poste. Mais cela ne peut pas permettre de rémunérer de façon plus élevée le nouveau embauché.
Situation 2 : l’employeur met en place une différence de traitement reposant sur un élément objectif, à savoir la difficulté de procéder à un recrutement. Dès lors que l’employeur dispose de preuves de cette difficulté de recrutement, il est donc possible juridiquement de verser une rémunération plus élevée à un nouvel embauché. Voire de justifier une rémunération plus haute obtenue par un salarié déjà en poste par rapport à un nouveau salarié au regard de la situation du marché de l’emploi au moment du recrutement du salarié le plus ancien.
Conseil
Juridiquement, il est donc à titre dérogatoire permis de rémunérer de façon plus avantageuse un nouvel embauché par rapport à ses collègues possédant déjà une certaine ancienneté. Fin de la discussion dans le contexte actuel de pénurie de candidatures sur certains postes ! Néanmoins, cela pose des difficultés en matière de climat social dans l’entreprise, et bon courage pour les évolutions à venir de la politique salariale ! Plusieurs entreprises optent pour des techniques « originales » afin de contourner le principe d’égalité de traitement, en créant par exemple des intitulés et des fiches de postes légèrement différentes pour les nouveaux recrutés… Le risque juridique semble toutefois toujours présent. Sous forme de demande en justice de rappels de salaire sur 3 ans. La simple différence de fiche de poste ne saurait à elle-seule suspendre toute application du principe d’égalité de traitement.
Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr
Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …
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