Mise à pied disciplinaire : vous n’avez pas à recueillir l’accord du salarié protégé

Publié le 23/12/2024 à 09:08 dans Sanction et discipline.

Temps de lecture : 4 min

En principe, pour toute modification du contrat de travail et des conditions de travail d’un salarié protégé, vous devez recueillir son accord. La question se posait alors au sujet de la mise à pied disciplinaire. S’agit-il d’une modification nécessitant l’accord du salarié protégé ? 

Sanction disciplinaire : vous devez recueillir l'accord du salarié protégé si elle entraîne une modification de son contrat ou ses conditions de travail

En principe : 

  • la modification du contrat de travail se caractérise par la révision d’un élément essentiel de la relation de travail, et ne peut se faire qu’avec l'accord exprès du salarié. C’est le cas par exemple d’une modification de la rémunération, de la durée du travail ou de la qualification.

  • le changement des conditions de travail se caractérise, lui, par une révision d’un élément accessoire du contrat de travail que vous pouvez réaliser sans l’accord du salarié. C’est le cas par exemple d’une modification des horaires de travail, des heures supplémentaires ou d’une mutation dans un même secteur géographique.

Cependant, les salariés investis de mandats représentatifs bénéficient d’une protection particulière qui s’applique tant pour la rupture du contrat qu’en cours d'exécution du contrat.

Un salarié protégé ne peut ainsi se voir imposer aucune modification de son contrat de travail ni aucun changement de ses conditions de travail.

Si le salarié protégé donne son accord, les modifications apportées au contrat de travail s'appliquent.

S’il refuse la proposition de modification, vous devez alors choisir entre les 2 options suivantes :

  • maintenir le salarié dans les conditions de travail actuelles ;
  • mettre en place une procédure de licenciement prévue pour les salariés protégés.

L’accord du salarié s’impose notamment en cas de sanction disciplinaire, dès lors qu'elle entraîne une modification de son contrat de travail ou un changement dans ses conditions de travail. 

Cependant, une décision notable rendue par la Cour de cassation le 11 décembre 2024 est venue atténuer la position jusqu’alors établie.

Sanction disciplinaire : vous n’avez pas à recueillir l'accord du salarié protégé pour une mise à pied disciplinaire

En l’espèce, un délégué syndical sollicitait l’annulation de la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre, au motif que cette sanction avait entraîné une modification de son contrat de travail (modification de sa rémunération et modification de la durée du travail pendant la période de mise à pied).

La cour d’appel annule la mise à pied disciplinaire, en retenant que :

  • aucune modification du contrat de travail et des conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé, sans qu'il n'y ait lieu de distinguer selon que la modification est temporaire ou permanente ;

  • il appartenait à l'employeur d'aviser le salarié de la possibilité de refuser sa mise à pied disciplinaire.

La Cour de cassation sanctionne ce raisonnement, retenant, en ces termes : "la mise à pied disciplinaire du salarié protégé, qui n'a pas pour effet de suspendre l'exécution du mandat de représentant du personnel et n'emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail, n'est pas subordonnée à l'accord du salarié".

Ainsi, la Haute juridiction décide que la mise à pied disciplinaire ne constitue ni une modification du contrat de travail, ni un changement dans les conditions de travail du salarié protégé, qui nécessiterait l’accord du salarié.

Concrètement, le salarié protégé ne peut plus refuser une mise à pied disciplinaire.

La Cour de cassation a aussi rappelé que la mise à pied disciplinaire du salarié protégé n'a pas pour effet de suspendre l'exécution du mandat de représentant du personnel.

Notez le

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, une mise à pied disciplinaire ne peut être prononcée que si elle est prévue par le règlement intérieur.

Cette décision met fin à la possibilité pour le représentant du personnel de refuser la mise à pied disciplinaire prononcée à son encontre.

Cette décision met également fin à la difficulté que vous pouviez rencontrer en vous retrouvant face au refus d’une sanction par le salarié protégé et que vous deviez alors choisir entre renoncer à la sanction envisagée ou bien engager une procédure de licenciement.

Pour toutes vos questions sur la procédure disciplinaire et les différentes étapes à respecter, les Editions Tissot vous conseillent la documentation « Gérer le personnel ACTIV ».


Cour de cassation, chambre sociale, 11 décembre 2024, n° 23-13.332 (la mise à pied disciplinaire du salarié protégé, qui n'a pas pour effet de suspendre l'exécution du mandat de représentant du personnel et n'emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail, n'est pas subordonnée à l'accord du salarié)

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Tiphaine Mollier

Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot