Peut-on licencier un salarié pour des faits relevant de sa vie privée ?
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Le salarié a droit au respect de sa vie privée. Un fait tiré de sa vie personnelle peut-il justifier la rupture du contrat de travail ? Oui, dans certains cas, le salarié peut être licencié.
Un de mes salariés sort de plusieurs années de prison suite à une agression sexuelle et les autres salariés de mon entreprise ne souhaitent pas travailler avec lui. Ils se sont mis en grève. Puis-je licencier le salarié concerné pour trouble objectif ?
Licenciement pour un fait tiré de la vie privée
En principe, un fait commis par l’un de vos salariés en dehors de l’entreprise dans le cadre de sa vie privée ne constitue pas une faute et ne peut donc justifier un licenciement disciplinaire.
Néanmoins, lorsque ce fait cause un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise, il peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Un comportement qui crée un trouble caractérisé
Dans une affaire portée à l’appréciation de la Cour de cassation, un salarié incarcéré 3 ans pour des faits de nature pénale (agression sexuelle sur mineurs commis dans le cadre de ses activités d’entraîneur du club local de football) commis dans sa vie privée a, après être sorti de prison, été licencié suite à sa reprise du travail avec dispense de préavis pour trouble objectif causé au bon fonctionnement de l’entreprise. Lors de sa reprise du travail, ses collègues avaient manifesté leur refus de travailler avec lui, en faisant notamment 2 jours de grève. L’employeur avait fait constaté la situation par un huissier.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux motifs qu’il ne peut être procédé au licenciement d'un salarié pour une cause tirée de sa vie privée et qu'il n'en est autrement que lorsque le comportement de l'intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière.
La cour d’appel avait retenu que le retour de l'intéressé dans ses fonctions initiales n'était plus possible compte tenu du trouble objectif causé au bon fonctionnement de la société, une quarantaine de salariés ayant manifesté leur refus de travailler avec lui, n'hésitant pas à faire grève pour être entendus par leur employeur.
La Cour de cassation a confirmé le jugement d’appel et a rappelé que si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée du salarié, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise. Dans cette affaire, elle a considéré que la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise et justifié le licenciement pour cause réelle et sérieuse.
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Cour de cassation chambre sociale, 13 avril 2023, n°22-10.476 (la condamnation pénale du salarié peut créer un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier son licenciement)
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