Port du voile en entreprise : les conditions de l’interdiction

Publié le 20/03/2017 à 07:19, modifié le 11/07/2017 à 18:28 dans Sanction et discipline.

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La Cour de justice de l’Union européenne vient de rendre 2 décisions sur le port de voile en entreprise. Ainsi, le port de signe visible de nature religieuse peut être interdit dans les entreprises. Mais cette mesure est encadrée, l’objectif doit être légitime et respecter le principe de proportionnalité.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) admet que le port de signes religieux au travail peut être restreint, voire interdit mais cette mesure doit respecter le principe de proportionnalité afin d’éviter toute discrimination.

Dans les 2 affaires jugées par la CJUE, les salariées ont été licenciées suite à leur refus de retirer leur voile au travail. Toutefois, ces 2 affaires se différencient par l’origine de l’interdiction. Dans la première, l’interdiction est prévue par le règlement intérieur et concerne les salariés en relation avec la clientèle. Dans la seconde affaire, l’employeur répond au souhait d’un client qui ne veut pas qu’une salariée porte le voile lorsqu’elle intervient dans son entreprise.

Port du voile en entreprise : interdit par le règlement intérieur

Dans la première affaire, une entreprise belge interdit à ses employés de porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses et d’accomplir tout rite afférent à ces convictions. Ce principe de neutralité est inscrit dans son règlement intérieur. Une salariée persiste à porter un foulard islamique. Elle est licenciée. Elle conteste son licenciement.

Premièrement, pour la CJUE, l’interdiction de porter un foulard islamique qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions.

Deuxièmement, cette interdiction peut constituer une discrimination indirecte s’il est établi que l’obligation en apparence neutre entraine un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée par un motif légitime.

Pour cela, les juges nationaux doivent être vigilant sur :

  • la condition relative à l’existence de l’objectif légitime. Le principe de neutralité est légitime si seuls les travailleurs supposés entrer en contact avec les clients doivent afficher une image de neutralité ;
  • le caractère approprié de la règle interne. Cette règle de neutralité doit être poursuivie de manière cohérente et systématique. Les juges doivent notamment vérifier si préalablement au licenciement de la salariée, l’entreprise avait établi une politique générale et indifférenciée d’interdiction du port de signes notamment religieux à l’égard des membres du personnel en contact avec la clientèle ;
  • le caractère nécessaire de l’interdiction. C’est-à-dire qu’elle se limite au strict nécessaire pour atteindre le but poursuivi et donc qu’elle vise uniquement les salariés en relation avec la clientèle.

Pour la CJUE, les juges nationaux doivent également vérifier, si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans qu’elle subisse une charge supplémentaire, un reclassement de la salariée à un poste sans contact visuel avec la clientèle aurait été possible.

Port du voile en entreprise : interdiction suite à la demande d’un client

Dans la seconde affaire, une entreprise française demandait à une salariée de retirer son foulard islamique lorsqu’elle allait en mission auprès d’un client. Cette interdiction tenait compte des souhaits de ce dernier.

Il faut savoir que des différences de traitement sont autorisées si les restrictions à la liberté religieuse sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Ainsi, pour des raisons de sécurité, une interdiction du voile peut être légitime.

Mais des considérations subjectives comme la prise en compte des souhaits particuliers d’un client ne répondent pas à cette exigence. Les souhaits d’un client ne justifient pas une différence de traitement. Ils ne répondent pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante.


CJUE, 14 mars 2017, C-157/15
CJUE, 14 mars 2017, C-188/15