Pour recourir au travail de nuit, suffit-il de s’appuyer sur sa convention collective ?

Publié le 10/02/2020 à 12:50 dans Conventions collectives.

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Recourir au travail de nuit est possible sous strictes conditions. Afin de veiller à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, ce recours est encadré. Mais avant tout, il doit être justifié. Les juges peuvent être amenés à contrôler cette condition et à retoquer les employeurs qui seraient hors des clous.

Conventions collectives : des salariés de supermarché employés de nuit

Un exploitant de supermarché avait été cité devant le tribunal de police pour recours illégal au travail de nuit. L’inspection du travail avait en effet constaté qu’au sein de certains de ses supermarchés, à Paris, des salariés avaient été employés, sur plusieurs mois, après 21 heures.

Pour mémoire, le Code du travail prévoit que le recours au travail de nuit est exceptionnel et prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.

Dans ce cadre, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention collective ou un accord collectif de branche peut mettre en place le travail de nuit ou l’étendre à de nouvelles catégories de salariés, en respectant un certain nombre de conditions.

Dans cette affaire, l’entreprise se défendait en estimant qu’elle n’avait fait qu’appliquer les dispositions de la convention collective sur ce thème. La convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (art. 5-12) autorise en effet certains salariés à travailler de nuit « pour les raisons suivantes :

  • nécessité d'assurer le respect de la sécurité alimentaire et d'approvisionner les points de vente afin qu'ils soient prêts avant l'ouverture au public ;
  • nécessité de préparer les marchandises, notamment alimentaires et le magasin en général avant l'ouverture au public ; horaires d'ouverture adaptés à l'accueil du public dans des conditions optimales ;
  • nécessité d'assurer, de manière continue, le fonctionnement des systèmes d'information et des services d'utilité sociale ».

Conventions collectives : le recours au travail de nuit doit pouvoir être justifié !

Pour les parties civiles, la réalité du terrain n’était pas en phase avec les justifications conventionnelles. En effet, dans cette affaire, les salariés de nuit étaient chargés de permettre le maintien de l’ouverture à la clientèle du magasin aux heures de soirée, ce qui ne correspondait pas aux préconisations de la convention collective.

Les parties civiles soulignaient également que l’ouverture d’un supermarché à des horaires tardifs, même à supposer qu’elle permette la satisfaction des besoins de certains consommateurs, ne correspond pas à un service d’utilité sociale au sens de la loi.

Des arguments qui n’avaient pas convaincu les premiers juges. Ceux-ci avaient jugé régulier le recours au travail de nuit au sein des supermarchés concernés. Ils avaient ainsi relevé que la convention collective prévoyait bien des justifications du recours au travail de nuit conformes au Code du travail, tenant à diverses nécessités d’ordre technique et économique clairement énumérées.

Les juges avaient également pointé le fait que la convention collective envisageait le travail de nuit comme étant celui qui se déroule entre 21 heures et 7 heures du matin. Or, l’utilité sociale d’un commerce alimentaire ouvrant après 21 heures dans une grande métropole où de nombreux travailleurs finissent leur activité professionnelle très tard le soir et doivent entreprendre de longs trajets pour rentrer chez eux, répond à un besoin profond des consommateurs.

L’affaire est arrivée devant la Cour de cassation, qui a adopté un point de vue différent de celui des juges du fond.

La Cour rappelle ainsi que l’existence d’une convention collective, dût-elle être présumée valide, ne suffit pas à établir que les conditions de recours au travail de nuit sont réunies.

En substance, la Cour reproche donc aux juges de ne pas avoir vérifié si le recours au travail de nuit au sein des supermarchés était, d’une part, exceptionnel et, d’autre part, justifié.

Cela signifie que l’affaire devra repasser devant de nouveaux juges, qui devront se pencher sur la question.


Cour de cassation, chambre sociale, 7 janvier 2020, n° 18-83.074 (le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travaux et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale. L’ouverture d'un supermarché à des horaires tardifs, même à supposer qu'elle permette la satisfaction des besoins de certains consommateurs, ne correspond pas à un service d'utilité sociale au sens de la loi)