Pouvez-vous contester en justice les questions-réponses publiées par les autorités publiques ?
Temps de lecture : 4 min
Contenu ancien
Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Les autorités publiques émettent de nombreux documents de droit « souple » sans force contraignante. C’est le cas par exemple des questions-réponses du ministère du Travail. Vous pouvez néanmoins solliciter l’annulation de ceux qui ont une portée générale s'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur vos droits ou votre situation. Il en est ainsi de ceux qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.
La suite du contenu est réservée aux abonnés à l'Actualité Premium
Essayez l'Actualité Premium
À partir de 9,90€ / mois- Déblocage de tous les articles premium
- Accès illimité à tous les téléchargements
La création d’un droit « souple » par les autorités publiques
En droit du travail, une multitude de normes vous imposent des obligations : Constitution, loi, convention et accord collectif, contrat de travail, etc. Pour en savoir plus sur les différentes sources de droit du travail, nous vous recommandons notre documentation « Gestion du personnel simplifiée ».
A côté de ce droit dit « dur » existe un droit « souple », sans valeur contraignante. Mais néanmoins susceptible de produire des effets juridiques. Il est notamment alimenté par les autorités publiques. Elles émettent en effet de nombreux documents, matérialisés ou non, qui sont destinés à leurs services ou aux administrés. Il peut notamment s’agir de circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations, ou d’interprétations du droit en vigueur.
Le ministère du Travail publie ainsi un certain nombre de documentations sur son site Internet. Notamment des questions - réponses, relatives à différentes thématiques relevant du droit du travail (le bonus-malus de l’assurance chômage, la rupture conventionnelle collective, la rémunération des apprentis, etc.).
Le Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS) rassemble pour sa part la réglementation et la doctrine administrative ministérielle opposable en matière de cotisations et contributions sociales.
Ils peuvent parfois revêtir une portée générale et être susceptibles d'avoir des effets notables sur vos droits ou votre situation. Notamment lorsqu’ils ont un caractère impératif ou le caractère de lignes directrices.
Dans ces conditions, la question peut se poser de savoir si vous pouvez les contester en justice en vue de leur annulation. Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur cette question récemment à propos d’une question – réponse publiée sur le site de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
La possible contestation judiciaire des documents produits par les autorités publiques
Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, la CNIL avait publié sur son site Internet une série de « questions – réponses sur les lignes directrices et la recommandation “cookies et autres traceurs” ». L’une d’entre elle indiquait qu’il était nécessaire d’obtenir le consentement des personnes utilisant des liens affiliés pour pouvoir mettre en place les traceurs nécessaires à la facturation des opérations d'affiliation.
Un syndicat national et un collectif ont saisi le juge administratif pour solliciter l’annulation de cette question - réponse. La CNIL considérait cette demande irrecevable. Selon elle, cette question – réponse (tout comme son refus de la retirer) ne pouvait pas faire l’objet d’une demande d’annulation.
Le Conseil d’Etat a émis un tout autre avis. Selon lui, les documents de portée générale émanant d'autorités publiques (tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif) peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir, qu’ils soient matérialisés ou non.
Mais seulement lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents éventuellement chargés de les mettre en œuvre. Il considère qu’ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. Et tel était bien le cas de la question – réponse contestée.
Le juge doit alors examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document. En tenant compte de sa nature et de ses caractéristiques, ainsi que du pouvoir d'appréciation de l'autorité dont il émane. Le recours doit ainsi être accueilli notamment :
- s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence ;
- si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ;
- ou s'il est pris en vue de la mise en œuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a considéré que la CNIL disposait bien de la compétence nécessaire pour élaborer cette question - réponse. Et celle-ci ne contrevenait pas aux dispositions de la loi informatique et libertés. La question – réponse n’a donc pas été annulée.
Vous pouvez télécharger la décision ci-dessous.
Conseil d'État, 10ème - 9e chambres réunies, 8 avril 2022, n° 452668 (les demandes d’annulation de documents de portée générale émanant d'autorités publiques peuvent être examinés par le juge administratif lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.)
Juriste en droit social
- Evaluation des salariés : tout savoir sur l’entretien annuelPublié le 10/01/2025
- Fin de CDD : quels documents remettre et quelle indemnité verser ?Publié le 23/12/2024
- CDD : l’absence d’un paraphe sur une page n'entraîne pas l’irrégularité du contrat signéPublié le 06/12/2024
- Tout savoir sur la période d’essai des cadresPublié le 25/11/2024
- Emploi des seniors : ce qu’il faut retenir du projet d’ANI du 14 novembre 2024Publié le 21/11/2024