Preuve des heures supplémentaires : pensez à consigner le temps de travail de vos salariés

Publié le 03/02/2016 à 08:09, modifié le 11/07/2017 à 18:27 dans Rémunération BTP.

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Les heures supplémentaires impayées effectuées par les salariés demeurent l’une des principales demandes en cas de contentieux. Aussi, vous devez conserver tous les éléments permettant d’établir le temps de travail réellement effectué par vos salariés. La Cour de cassation revient sur cette problématique dans deux décisions.

Les heures supplémentaires : rappels

Les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail de 35 heures. Entre la 36e et la 43e heure, ces heures bénéficient d’une majoration de 25 %. Les heures effectuées au-delà sont majorées de 50 %.

Les heures supplémentaires sont à effectuées à la demande de l’employeur ou au moins avec son accord implicite. En aucun cas un salarié ne peut réclamer le bénéfice d’heures supplémentaire qu’il a effectuées de sa propre initiative et en dehors de toute nécessité de service.

Le nombre d’heures supplémentaires devra être contrôlé pour connaître le dépassement ou non du contingent annuel d’heures supplémentaires (ouvrant droit à des contreparties obligatoires en repos notamment).

Dans le BTP, il est parfois difficile de remplir les cahiers des charges et de respecter les délais de chantiers avec une durée de travail de 35 heures. L’itinérance des métiers du Bâtiment impose bien souvent d’effectuer plus de 35 heures de travail hebdomadaires. Il est d’ailleurs courant que les entreprises du secteur continuent d’appliquer une durée du travail de 39 heures.

Dans tous les cas, le temps de travail des salariés doit être consigné par vos soins.

Au-delà des litiges qui peuvent naître sur ce fondement, sachez qu’en cas de contrôle, vous devrez être en mesure de justifier du temps de travail de vos salariés : plannings, feuilles de pointage, etc. Aucun formalisme n’est imposé mais il vous sera reproché de ne pouvoir rapporter la preuve des heures effectuées par votre personnel.

Il paraît d’autant plus important de justifier du temps de travail effectué dans le BTP : en effet, les équipes de travail peuvent avoir une certaine autonomie dans leurs déplacements sur les chantiers et le régime applicable aux temps de trajet peut parfois amener les salariés à contester les heures effectuées.

Il vous est donc recommandé de mettre en place des plannings hebdomadaires avec le nom du salarié, sa qualité de conducteur du véhicule ou non, le lieu de chantier, la date, l’heure d’arrivée sur chantier, l’heure de départ, s’il y a un passage à l’entreprise obligatoire l’heure d’arrivée au siège. Ces plannings devront être remplis par les salariés eux-mêmes ou par vos chefs d’équipe. Dans tous les cas, il sera indispensable de faire signer chacun des salariés afin de diminuer le risque de contestation et de prouver votre bonne foi en cas de litige.

Preuve des heures supplémentaires : par tous moyens, pourvu qu’il y ait une preuve valable

Les heures supplémentaires se prouvent par tous moyens. Cela signifie que lorsqu’un salarié réclame (ou un employeur conteste) des heures supplémentaires, il pourra en rapporter la preuve par des éléments de toute nature : plannings établis personnellement, agendas, témoignages par exemple.

En pratique c’est au salarié qui réclame le paiement d’heures supplémentaires qu’il revient d’apporter des premiers éléments de preuve. C’est ensuite à vous d’y répondre en apportant vos propres éléments. Une règle qu’illustrent deux décisions récentes de la Cour de cassation.

Dans la première affaire, bien que l’entreprise disposait d’une « pointeuse », le salarié qui réclamait des heures supplémentaires avait de son côté consigné dans un agenda dactylographié ses heures de travail. La Cour de cassation déboute toutefois le salarié et confirme la position de la cour d’appel qui avait jugé qu’il n’avait pas effectué d’heures supplémentaires. Elle se fondait notamment sur les éléments rapportés par l’employeur : temps de travail enregistrés mais également sur les bulletins des autres salariés qui faisaient bien apparaître que ce dernier payait toujours ce qui était dû à ses employés.

Dans la seconde affaire, un salarié chef d’équipe réclamait un rappel d’heures supplémentaires impayées en s’appuyant notamment sur les disques chronotachygraphes du véhicule utilisé au cours de la période litigieuse dont il avait conservé une copie. L’employeur quant à lui, ne versait aucun élément de preuve.
La cour d’appel rejetait la demande du salarié en indiquant que ce dernier avait apporté des éléments inexploitables et en précisant qu’il ne démontrait pas les temps de trajet qui ne lui avaient pas été payés malgré des heures supplémentaires figurant sur ses bulletins de salaire.

La Cour de cassation casse la décision d’appel. Le salarié avait en effet produit tous les disques chronotachygraphes du véhicule utilisé au cours de la période litigieuse à l’appui du décompte des heures de travail qu’il prétendait avoir réalisées. Aussi, l’employeur pouvait répondre à ces éléments.

Ces deux décisions donnent un éclairage du traitement de la preuve des heures supplémentaires. La seconde décision pourra sans doute vous convaincre de conserver toutes preuves utiles.

Pour tout savoir sur l’accomplissement des heures supplémentaires notamment sur le contingent conventionnel dans lequel vous êtes libre de demander à vos salariés d’effectuer des heures supplémentaires, les Editions Tissot vous recommandent « Social Bâtiment ».


Charlène Martin

Cour de cassation, chambre sociale, 15 décembre 2015, n° 14–10.146 (un agenda dactylographié, des attestations, rédigées en termes identiques, et les bulletins de salaire d’autres salariés qui mettent en évidence que l’employeur leur payait des heures supplémentaires peuvent permettre au juge d’estimer que les heures supplémentaires ne sont pas prouvées)
Cour de cassation, chambre sociale, 8 décembre 2015, n° 14–14.011 (lorsque le salarié produit les disques chronotachygraphes du véhicule utilisé au cours de la période litigieuse à l’appui d’un décompte de ses heures, l’employeur doit répondre à ce commencement de preuve)