Prévoyance : mutualisation des garanties au 1er juin 2015

Publié le 01/06/2015 à 07:00, modifié le 11/07/2017 à 18:26 dans Rupture du contrat de travail.

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La portabilité de la prévoyance est mutualisée au 1er juin 2015, ce qui signifie qu’à compter de cette date, tout salarié quittant l’entreprise et indemnisé par Pôle emploi bénéficie gratuitement de cette garantie. Quel est l’impact de cette nouveauté sur les formalités à accomplir ? Cette évolution a-t-elle une conséquence sur vos contrats d’assurance ? Petit retour sur un dispositif déjà ancien.

C’est quoi déjà, la portabilité de la prévoyance ?

A l’origine, la loi Evin

La portabilité de la prévoyance et de la mutuelle est l’aboutissement d’une réflexion sociale et politique visant à garantir aux personnes perdant leur emploi, un accès aux garanties collectives contre les risques de la vie.

La loi Evin est le premier dispositif mettant en œuvre cette approche. Elle garantit pour les salariés qui quittent l’entreprise et bénéficient d’un revenu de substitution (indemnisation par Pôle emploi, pension de retraite ou rente d’incapacité ou d’invalidité), l’accès au maintien des garanties de mutuelle dont ils bénéficiaient dans l’entreprise. La loi Evin crée ainsi un droit d’accès préférentiel aux mêmes garanties, mais à des tarifs qui peuvent être plus élevés (sans dépasser une majoration de 50 %) par rapport aux primes négociées entre l’employeur et l’assureur. Ce dernier ne peut en tout cas refuser d’assurer le salarié qui souhaite accéder à cette offre.

Puis survint l’ANI du 11 janvier 2008

En 2008, les partenaires sociaux franchissent une étape supplémentaire en signant le 11 janvier un accord national interprofessionnel (ANI). Ce texte, qui n’a pas de traduction dans le Code du travail ou de la Sécurité sociale, prévoit qu’un salarié qui quitte l’entreprise et bénéficie d’une indemnisation de Pôle emploi (sauf cas de licenciement pour faute lourde), peut bénéficier, s’il le souhaite, des mêmes garanties de prévoyance et de mutuelle que celles accessibles chez son ancien employeur, aux mêmes tarifs que celui appliqué lorsqu’il était salarié. Ces garanties étaient limitées à 9 mois au maximum et pouvaient être financées, au choix de l’employeur, par un cofinancement, le salarié payant au maximum 50 % des primes, ou par mutualisation du coût si un accord collectif le prévoyait.

Issue d’un accord collectif, cette garantie ne concerne que les salariés d’entreprises relevant de son champ d’application, ce qui exclut, dans les faits, de nombreux secteurs d’activité (notamment les professions libérales, VRP, professions agricoles, économie sociale ou enseignement privé sous contrat). Certains d’entre eux ont pu néanmoins négocier des dispositions spécifiques.

Consécration législative avec la loi de sécurisation de l’emploi

La loi de sécurisation de l’emploi a renforcé la portabilité de la prévoyance et de la mutuelle en l’inscrivant dans le Code de la Sécurité sociale.

Elle définit deux dates phares :

  • le 1er juin 2014 marquant la mutualisation de la portabilité des garanties liées aux frais de santé (mutuelle), lorsque l’entreprise les a mises en place. Rappelons qu’au 1er janvier 2016, toutes les entreprises devront avoir mis en place une mutuelle avec des garanties minimales, financée au moins à 50 % par l’employeur ;
  • le 1er juin 2015, date à partir de laquelle la mutualisation est étendue aux garanties des risques graves de la vie (prévoyance) : longue maladie, invalidité et décès.


Depuis le 1er juin 2014, coexistent donc deux dispositifs de portabilité : celui issu de la loi de sécurisation de l’emploi pour les garanties de mutuelle, plus favorable que celui issu de l’ANI du 11 janvier 2008, qui a continué à s’appliquer, pour les garanties de prévoyance, jusqu’au 30 mai 2015.

La loi de sécurisation de l’emploi a par ailleurs étendu de 9 à 12 mois la durée maximale pendant laquelle un salarié peut bénéficier de la portabilité de la prévoyance et de la mutuelle.

Prévoyance : qu’est-ce qui change au 1er juin 2015 ?

Avant le 1er juin 2015

Avant le 1er juin 2015, la portabilité de la mutuelle était mutualisée, mais pas celle de la prévoyance.

Aussi, si le contrat de travail du salarié a été rompu avant cette date pour licenciement (sauf pour faute lourde), adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle, plan de sauvegarde de l’emploi, rupture conventionnelle, fin de CDD à échéance ou par accord de rupture anticipée, vous étiez tenu de lui proposer de bénéficier :

  • de la portabilité de la mutuelle sans aucun coût à sa charge, en application de la loi de sécurisation de l’emploi ;
  • de la portabilité de la prévoyance à titre onéreux (participation maximale à hauteur de 50 % de la prime), par application de l’ANI du 11 janvier 2008, à moins qu’un accord collectif plus avantageux vous oblige déjà à pratiquer la mutualisation pour ces garanties.

Vous deviez donc l’informer et lui proposer la portabilité avant qu’il quitte l’entreprise, au moyen des documents suivants :

  • une notice explicative du dispositif de portabilité ;
  • un accusé de réception de l’information sur ce dispositif, à faire dater et signer par le salarié ;
  • une notice d’information sur le contrat et les garanties de prévoyance et le cas échéant de mutuelle en œuvre dans l’entreprise ;
  • un formulaire d’acceptation ou de renonciation expresse à adhérer à ce dispositif ;
  • des formulaires d’adhésion à la prévoyance et à la mutuelle dans le cadre de la portabilité.

Le salarié disposait d’un délai de 10 jours après la fin de son contrat de travail, pour renoncer à la portabilité. Faute de réponse, il était réputé avoir accepté et vous était redevable des primes dues pour la portabilité de la mutuelle.

Depuis le 1er juin 2015

Depuis le 1er juin 2015, l’adhésion du salarié à la prévoyance dans le cadre de la portabilité est mutualisée en application de la loi de sécurisation de l’emploi, comme l’est l’affiliation à la mutuelle depuis le 1er juin 2014.

C’est la date de notification de la rupture du contrat de travail qui fait foi pour appliquer ces nouvelles dispositions.

Les garanties sont dorénavant financées exclusivement par les primes payées par l’employeur et, le cas échéant, par les salariés pendant l’exécution du contrat de travail. Tout salarié qui quitte l’entreprise en ayant droit à l’indemnisation de Pôle emploi, bénéficie donc gratuitement de la portabilité.

Vous n’avez donc plus à lui proposer ce dispositif, mais devez simplement l’informer de ce droit. Vous êtes tenu de lui remettre les mêmes documents d’information que précédemment lorsqu’il quitte l’entreprise, mais il n’est plus nécessaire de lui soumettre un formulaire d’acception ou de renonciation. Pensez également à supprimer sur les documents d’information, toute mention d’un coût à charge du salarié. Enfin, vous devez mentionner sur le certificat de travail le maintien des garanties dans le cadre de la portabilité (Code séc. soc., art. L. 911–8).

Pour vous aider à insérer dès à présent cette nouveauté dans vos certificats de travail, téléchargez notre modèle personnalisable :

Modèle de certificat de travail (doc | 2 p. | 84 Ko)

Ce qui ne change pas

Le salarié n’a droit à la portabilité que pour les garanties qu’il a acquises pendant sa période de présence en entreprise. Certaines entreprises n’ont pas encore mis en place de mutuelle ou ne permettent d’en bénéficier qu’après quelques mois d’ancienneté du salarié (6 au maximum). Dans ce cas, notamment si le salarié n’a pas acquis l’ancienneté suffisante pour bénéficier de la mutuelle, il ne peut prétendre qu’à la portabilité de la prévoyance.

Si votre salarié bénéficiait des garanties de prévoyance et de mutuelle, il doit accéder à la portabilité des deux garanties, sans qu’il soit possible de les dissocier.
La durée de la portabilité est calculée en fonction du nombre de mois passés par le salarié dans l’entreprise, en arrondissant à l’entier supérieur, sans pouvoir dépasser 12 mois. Par exemple, un salarié qui a travaillé moins d’un mois a droit à un mois de portabilité. Elle s’applique à compter de la date de sortie des effectifs.

Si le salarié retrouve un emploi avant la fin de la période de portabilité, il doit vous en informer, afin que vous mettiez fin aux garanties dont il bénéficie. Si vous êtes informé de façon indirecte de sa nouvelle situation, ne prenez pas l’initiative de résilier son affiliation : vous pouvez le mettre en demeure par courrier de justifier de l’actualité de sa prise en charge par Pôle emploi.

Concrètement, comment ça se passe avec l’assureur ?

L’accès mutualisé à la portabilité génère mécaniquement une augmentation du nombre d’adhésions des salariés concernés. Par ailleurs, le financement par mutualisation amène à intégrer le coût de la portabilité dans les primes payées en cours de contrat de travail.

Par conséquent, les taux de prime de mutuelle ont augmenté en moyenne de 5 % en 2014 du fait de la mutualisation de la portabilité des garanties de frais de santé et l’on prévoit une augmentation similaire en 2015 du fait de la mutualisation des garanties de prévoyance.

Votre compagnie d’assurance doit vous adresser un avenant intégrant cette modification du fonctionnement de votre contrat d’assurance et le cas échéant, l’augmentation de prime associée.

Que se passe-t-il si je ne propose pas la portabilité de la prévoyance et de la mutuelle ?

Si l’un de vos anciens salariés remplissant les conditions n’a pu accéder par votre faute à la portabilité, vous devez absolument l’informer et l’affilier au plus vite.

En effet, le simple défaut d’information du salarié sur le bénéfice de la portabilité, vous rend redevable de dommages et intérêts. Il est donc important de continuer à faire remplir, dater et signer par vos salariés, un accusé de réception de cette information.

En outre, s’il subit un évènement déclenchant les garanties de prévoyance ou de mutuelle auxquelles il devrait avoir droit, vous pourriez lui être redevable de la prise en charge de ses frais en lieu et place de l’assureur.

Si le salarié est par exemple victime d’un grave accident appelant le versement d’une rente d’invalidité, le coût financier peut alors être considérable pour l’entreprise.

Rappel des obligations en matière de portabilité prévoyance et de la mutuelle

Obligation Portabilité de la mutuelle Portabilité de la prévoyance
Avant le 1er juin 2014 Proposition avec possibilité au choix de l’employeur, de financement par mutualisation (gratuit pour le salarié) ou par cofinancement (participation du salarié limitée à 50 %).
Choix du salarié d’adhérer ou de renoncer.
(entreprises entrant dans le champ d’application de l’ANI 2008)
Du 1er juin 2014 au 30 mai 2015 Proposition avec mutualisation obligatoire (gratuit pour le salarié). Proposition avec possibilité au choix de l’employeur, de financement par mutualisation (gratuit pour le salarié) ou par cofinancement (participation du salarié limitée à 50 %).
Si cofinancement, choix du salarié d’adhérer ou de renoncer.
(entreprises entrant dans le champ d’application de l’ANI 2008)
Au 1er juin 2015 Information obligatoire du salarié sur son droit à portabilité de la prévoyance et le cas échéant à la mutuelle, sur les garanties et la durée de la portabilité.