Prise d’acte : un risque en cas de retard dans le paiement des salaires ?

Publié le 14/05/2021 à 07:39 dans Rupture du contrat de travail BTP.

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Lorsque vous commettez des manquements suffisamment graves, le salarié peut obtenir la rupture du contrat de travail à vos torts. On parle de prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Ce dispositif peut-il être actionné si vous avez du retard de quelques jours pour verser les salaires ?

Prise d’acte : un quitte ou double

La prise d’acte peut intervenir lorsque le salarié décide de rompre son contrat de travail et estime, à tort ou à raison, que l’employeur en est responsable car il a commis des manquements. Pour autant il ne souhaite pas démissionner, car s’il le faisait, il perdrait son emploi sans toucher d’indemnités, et sans bénéficier d’allocations chômage, alors qu’il estime que tout est de la faute de l’employeur.

Ici, le salarié ayant des reproches à faire à son employeur, va entamer une action pour faire valider la prise d’acte en justice.

Les juges auront deux possibilités :

  • reconnaître que l’employeur a commis des manquements suffisamment graves justifiant la prise d’acte : cela produira alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (le salarié recevra les indemnités de licenciement, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis et de congés payés) ;
  • ou estimer que la prise d’acte n’est pas justifiée. Dans ce cas cela produira les effets d’une démission (le salarié n’aura pas d’indemnité ni même de droit à l’assurance chômage et il pourra même être condamné à une indemnité compensatrice de préavis).

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail entraine la cessation immédiate du travail.

Prise d’acte : le cas des retards de paiement du salaire

En matière de prise d’acte il est difficile d’établir une règle générale sur tel ou tel manquement. Tout va dépendre de la situation. Ainsi s’agissant d’un retard de paiement des salaires les juges ont déjà admis une prise d’acte mais ils l’ont aussi rejeté.

Dans une affaire de 2018, la Cour de cassation a admis qu’un retard de salaire pouvait justifier la prise d’acte. Dans cette affaire, l’employeur avait à 2 reprises sur une période de 5 mois, payé le salaire plus d'un mois après le précédent, en dépassant de quelques jours le délai maximum d'un mois devant séparer le paiement de chaque rémunération. Pour sa défense, il avait tenté de démontrer que les 2 retards de paiement étaient dus à des difficultés liées à la reprise de l'activité et qu’ils avaient concerné l’ensemble du personnel. Cet argument n’a pas été retenu (voir notre article « Salaire : quelques retards de paiement peuvent justifier la prise d’acte »).

A l’inverse dans une affaire récente la demande du salarié a été rejetée par les juges du fond. En l’espèce les retards, quand ils sont démontrés par les chèques remis au salarié, étaient le plus souvent de l’ordre d’une semaine et le salarié ne s’était jamais plaint de cette situation dans les années précédant la prise d’acte. Il n’y avait pas là une gravité suffisante pour justifier une prise d’acte. Dans cette affaire la prise d’acte a été requalifiée en démission et le salarié a été condamné à une indemnité compensatrice de préavis (qui devait s’élever à 2 semaines en application de la convention collective régionale des ouvriers du Bâtiment de la région parisienne).

Pour en savoir plus sur les situations dans lesquelles la prise d’acte a été reconnue par les juges, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Droit du travail et sa jurisprudence commentée ».


Cour de cassation, chambre sociale, 31 mars 2021, n° 19-20.883 (en l’absence de gravité suffisante du manquement, la prise d’acte est requalifiée)