Prise d’acte : peut-elle être justifiée par l’absence de paiement d’un mois de salaire ?

Publié le 08/08/2022 à 07:28, modifié le 24/09/2024 à 12:16 dans Rupture du contrat de travail.

Temps de lecture : 3 min

Vos salariés peuvent prendre acte de la rupture de leur contrat de travail à vos torts. Ils doivent pour cela invoquer des manquements suffisamment graves de votre part. Ce peut être le cas si vous ne versez pas leur salaire à vos salariés. Mais ce manquement doit-il être répété ? Et vos salariés doivent-ils vous en alerter en amont ? La Cour de cassation vient de répondre à ces interrogations.

Prise d’acte : principes

Si vous manquez à vos obligations, vos salariés peuvent prendre acte de la rupture de leur contrat de travail. Cela a pour effet de rompre immédiatement leur contrat de travail, sans préavis. Vous devez alors leur remettre dans les meilleurs délais leurs documents de fin de contrat.

Ces salariés devront ensuite saisir le conseil de prud’hommes. C’est lui qui déterminera souverainement si vos manquements sont suffisamment graves pour justifier une prise d’acte.

Si vos manquements justifient une prise d’acte, elle produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul dans certaines situations (par ex. en cas de discrimination, de harcèlement, ou si le salarié est protégé). Vous devrez alors verser aux salariés concernés des indemnités de rupture du contrat, ainsi que des indemnités réparant le caractère injustifié de la rupture.

Si vos manquements ne justifient pas une prise d’acte, elle produira les effets d’une démission. Vous ne devrez alors verser aucune indemnité aux salariés concernés.

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Mais qu’en est-il de l’absence de paiement d’un mois de salaire ? S’agit-il d’un manquement suffisamment grave pour justifier une prise d’acte ? Le salarié doit-il attendre un certain délai avant de pouvoir prendre acte de la rupture de son contrat pour ce motif ? Doit-il vous alerter en amont ? Réponse de la Cour de cassation.

Prise d’acte : elle peut être justifiée par l’absence de paiement d’un mois de salaire

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un salarié n’avait pas reçu son salaire du mois de mai à la date du 10 juin. Alors qu’il était exigible au 31 mai. Il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur. Et avait par la suite saisi le conseil de prud’hommes.

Après avoir été rejetée en première instance, la demande du salarié a finalement été accueillie en appel. La cour a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat du salarié devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur contestait cette décision. Il ne considérait pas que le manquement invoqué par le salarié était suffisamment grave pour empêcher la poursuite de son contrat de travail. Car le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat en raison de l’absence de paiement de son salaire seulement 11 jours après sa date d’exigibilité. Et sans l’avoir alerté sur l’absence de versement de cette somme.

Il soutenait ainsi qu’un manquement n’est pas suffisamment grave pour justifier une prise d’acte lorsqu’il est ponctuel. Ou lorsque le salarié a agi de manière prématurée, sans permettre à l'employeur de régulariser la situation.

Mais cela importe peu pour la Cour de cassation. Le salaire du mois de mai n’avait pas été payé à la date de la prise d’acte le 10 juin. Et ce manquement était imputable à l'employeur. La cour d’appel avait donc pu en déduire qu'il avait empêché la poursuite du contrat de travail.

Vous pouvez télécharger la décision en intégralité ci-dessous.

Cour de cassation, chambre sociale, 6 juillet 2022, n° 20-21.690 (l’absence de paiement d’un mois de salaire imputable à l’employeur peut justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat par le salarié)

Amélie Gianino

Juriste en droit social