Protection du salarié lanceur d’alerte : étendue aux manquements à des obligations déontologiques
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Protection du salarié qui témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime
Un salarié ne peut pas être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une discrimination pour avoir relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait été informé dans l’exercice de ses fonctions (Code du travail, art. L. 1132-3-3).
Ainsi si un salarié est licencié pour avoir témoigné de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, ce licenciement est nul, et ce, même si les faits ne sont pas confirmés par la suite. Mais le salarié doit être de bonne foi.
Dans ces conditions, le salarié a le droit d’être réintégré dans son emploi.
Protection du droit d’expression du salarié qui alerte sur des faits pouvant caractériser une infraction pénale
La Cour de cassation va plus loin. La protection ne s’applique pas aux seuls faits constitutifs d’un délit ou d’un crime.
En effet, dans le prolongement des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, elle considère que les sanctions prises à l’encontre de salariés ayant critiqué le fonctionnement d’un service ou divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur leur lieu de travail constituent une violation de leur liberté d’expression.
Le licenciement (ou toute mesure de rétorsion) porte ainsi atteinte à une liberté fondamentale du salarié. Il est donc nul.
Cette protection s’applique aux faits qui seraient de nature à caractériser une infraction pénale dont les délits, les crimes, ainsi que les contraventions.
La Cour de cassation étend également cette protection lorsque le salarié relate ou témoigne de bonne foi de faits qui seraient de nature à caractériser des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement.
Dans cette affaire jugée le 19 janvier, le salarié était expert-comptable et commissaire aux comptes. Il avait alerté son employeur sur une situation de conflit d'intérêt entre ses missions d’expert-comptable et celles de commissaires aux comptes. Il avait également indiqué à son employeur qu’à défaut de pouvoir discuter avec lui de cette question déontologique, il saisirait la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC).
Quelques jours après avoir saisi la CRCC, le salarié a été licencié pour faute grave. Dans sa lettre de licenciement, son employeur lui reprochait expressément d'avoir menacé de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes afin de l’informer de l'existence dans la société d'une situation de conflit d'intérêts.
Le licenciement a été annulé pour violation d'une liberté fondamentale. Le salarié relatait des faits, dont il avait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser une violation du Code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes. Ainsi, la Cour de cassation étend le périmètre de protection aux manquements aux règles déontologiques sans qu’ils caractérisent nécessairement une infraction pénale.
L'employeur ne soutenait également pas que le salarié était de mauvaise foi et qu’il dénonçait des faits qu’il savait erronés. Conclusion, licenciement annulé.
Cour de cassation, chambre sociale,19 janvier 2022, n° 20-10.057 (le licenciement d'un salarié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques est nul)
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
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