Puis-je interdire à une salariée de porter le foulard islamique ?
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Une de mes salariées, vendeuse au sein de ma boutique de prêt-à-porter, se présente désormais avec un voile qui couvre ses cheveux, ses oreilles et son cou. Puis-je lui demander de ne pas le porter car je crains que cela n’ait un impact sur certains clients. Si celle-ci refuse, puis-je la licencier ?
Restrictions religieuses : conditions à respecter
Dans une affaire soumise à son appréciation le 14 avril 2021, une vendeuse engagée au sein d’un magasin de détail d’habillement s’est présentée à son poste de travail avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. Son employeur lui a demandé de le retirer et, suite au refus de celle-ci, l’a licenciée pour cause réelle et sérieuse, invoquant l’atteinte à l’image de marque et à la politique commerciale de son entreprise, fondée sur les attentes présumées de sa clientèle.
S’estimant victime de discrimination, la salariée avait saisi le conseil de prud’hommes, sollicitant l’annulation de son licenciement.
Après les célèbres arrêts Baby Loup de 2013 (et Micropole de la CJUE), la Cour de cassation vient de rappeler que :
- les restrictions à la liberté religieuse doivent :
- être justifiées par la nature de la tâche à accomplir ;
- répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante ;
- être proportionnées au but recherché.
- le règlement intérieur d’une entreprise ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
L’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.
Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a relevé qu’aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise. De ce fait, l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée.
Restrictions religieuses : exigence professionnelle essentielle et déterminante
La justification de l’employeur tenait en l’image de l’entreprise au regard de l’atteinte à sa politique commerciale, laquelle serait selon lui susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise par le port du foulard islamique par l’une de ses vendeuses.
Or, selon la Cour, l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante.
Ainsi, le licenciement de la salariée, prononcé au motif du refus de celle-ci de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle est discriminatoire et doit donc être annulé.
Dans de telles conditions, le licenciement est discriminatoire.
Cour de cassation, chambre sociale, 14 avril 2021, n° 19-24.079 (les restrictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. L’image de l’entreprise ne constitue pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante)
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