Réforme de la formation professionnelle : quels changements concrets en 2015 ?

Publié le 02/02/2015 à 07:00, modifié le 11/07/2017 à 18:26 dans Formation professionnelle.

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La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle a réformé en profondeur la formation professionnelle en remodelant les obligations de l’employeur, les droits des salariés et le financement de ce dispositif. Tour d’horizon des grands changements.

Les trois piliers de cette réforme de la formation professionnelle sont :

  • le renforcement de la sécurisation des parcours professionnels par la mise en place d’un entretien bisannuel en entreprise et d’un conseil en évolution professionnelle accessible hors temps de travail gratuitement par les salariés ;
  • l’abandon du dispositif du droit individuel à la formation (DIF) pour le compte personnel de formation (CPF) qui permet au salarié de gérer l’évolution de ses compétences de façon autonome ;
  • le nouveau mode de calcul des contributions obligatoires des entreprises et la modification du mode de redistribution de ces contributions.

Concrètement, quelles adaptations devez-vous mettre en place dans l’entreprise au cours de cette année 2015, pour satisfaire à ces nouvelles obligations ?

Mettre en place les entretiens professionnels

Tous les deux ans, chaque employeur doit réaliser un entretien professionnel avec chacun de ses salariés.

L’entretien professionnel permet d’envisager, avec le salarié, ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualification et d’emploi (Code du travail, art. L. 6315–1). L’entretien doit avoir pour seul but de faire le point sur le parcours professionnel du salarié, et d’envisager les évolutions possibles et les moyens de formation associés.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 7 mars 2014, aussi vous devez avoir réalisé vos premiers entretiens au plus tard pour le 7 mars 2016.

Notez-le
Vous n’avez pas à réaliser d’entretien pour les personnels mis à disposition, les intérimaires et les sous-traitants, car ce sont leurs employeurs qui sont tenus de cette obligation à leur égard.

L’entretien professionnel remplace le bilan de seconde partie de carrière (pour les seniors) et les entretiens obligatoires à l’issue de longues périodes de suspension du contrat de travail (congé de maternité, congé parental d’éducation, congé d’adoption, congé de soutien familial, arrêt longue maladie, congé sabbatique, mandat syndical, période de mobilité volontaire sécurisée en dehors de l’entreprise).

Bon à savoir : L’obligation de l’employeur est de proposer la date de l’entretien au salarié, mais ce dernier peut refuser. Veillez dans ce cas à formaliser votre proposition et le refus du salarié par écrit et à conserver ces documents dans le dossier du salarié. Vous serez alors tenu de refaire une proposition d’entretien deux ans plus tard.

Ne confondez-pas l’entretien professionnel avec l’entretien annuel d’évaluation : ce dernier vise à évaluer le travail du salarié dans l’entreprise et ne constitue pas une obligation issue du Code du travail, même si nombre d’accords collectifs l’imposent dans les branches professionnelles.

Au bout de 3 entretiens professionnels, soit tous les 6 ans, vous devrez réaliser avec le salarié un état des lieux récapitulatif écrit du parcours professionnel du salarié dans l’entreprise, permettant notamment de vérifier que le salarié a bien eu un entretien professionnel tous les 2 ans et qu’il a bénéficié de 2 actions parmi les suivantes :

  • avoir suivi une formation ;
  • avoir bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle ;
  • ou avoir acquis des éléments de certification par la formation ou la validation des acquis de l’expérience.

Quelle sanction si vous ne réalisez pas l’entretien professionnel ?

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’employeur qui n’aura pas fait bénéficier le salarié de ces mesures devra verser sur son compte personnel de formation (CPF) un abondement de 100 heures si le salarié travaille à temps plein et de 130 heures si le salarié travaille à temps partiel (Code du travail, art. L. 6323–13). Ce dernier pourra mobiliser ces heures sans l’accord de l’employeur sur le contenu de la formation, y compris pendant son temps de travail.

Notez-le
Mettez en place un planning prévisionnel de réalisation de vos entretiens professionnels, afin d’anticiper et préparer leur réalisation, mais aussi d’éviter tout oubli si vous avez plusieurs entrées de salariés en cours d’année.

L’information du salarié sur le conseil en évolution professionnelle

Depuis le 1er janvier 2015, chaque actif, qu’il soit salarié ou pas, peut bénéficier d’un conseil en évolution professionnelle gratuit, pris en charge par l’Etat.

Cette prestation vise à favoriser l’évolution et la sécurisation des parcours professionnels en lien avec les besoins économiques des territoires, à identifier les qualifications et formations répondant à ces besoins et à envisager les financements possibles.

Concrètement, pour un salarié, cette prestation est réalisée hors du temps de travail, aussi l’employeur n’a pas à donner son accord pour que l’un de ses collaborateurs suive cet accompagnement.

Néanmoins, vous devez informer le salarié de la possibilité d’accéder au Conseil en évolution professionnelle, par exemple au cours de l’entretien professionnel.

Comment gérer le passage du DIF au Compte Personnel de Formation (CPF) ?

Depuis le 1er janvier 2015, un CPF est ouvert pour toute personne âgée d’au moins 16 ans, qu’elle soit en emploi, à la recherche d’un emploi ou accompagnée dans le cadre d’un projet d’orientation et d’insertion professionnelle. Il est ouvert dès l’âge de 15 ans pour le jeune qui signe un contrat d’apprentissage.

Les heures de formation inscrites sur le compte sont liées à la personne et demeurent acquises en cas de changement de situation professionnelle ou de perte d’emploi de son bénéficiaire.

Comment sont comptabilisées les heures de CPF ?

Depuis le 1er janvier 2015, chaque salarié, quelle que soit son ancienneté, capitalise des heures de formation à la fin de chaque année travaillée, à raison de 24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis de 12 heures sans pouvoir dépasser 150 heures pour un CDI à temps plein.

Par conséquent, chaque salarié n’aura cumulé ses premières heures de CPF qu’au bout d’un an, soit le 31 décembre 2015. Pour un temps partiel, les heures sont calculées en proportion du temps de travail effectué. Les périodes d’absence du salarié, quelle qu’en soit la cause, n’impactent pas le cumul des heures.

Le compte peut également être abondé par un accord d’entreprise, un accord de branche ou un accord conclu par les organisations syndicales gestionnaires d’un organisme collecteur paritaire agréé (OPCA) interprofessionnel.

A compter de 2016, chaque année avant le 1er mars, vous devrez communiquer la durée du travail de chacun de vos salariés à votre OPCA, afin qu’il définisse le nombre d’heures de CPF acquises (Code du travail, art. R. 6323–1).

Que deviennent les heures de DIF ?

Les heures de DIF subsistent jusqu’au 31 décembre 2020. Elles peuvent donc être utilisées jusqu’à cette date, mais seulement selon les modalités propres au CPF. Au 1er janvier 2021, les heures de DIF cumulées par le salarié et qui n’auront pas été utilisées, disparaîtront.

Votre première obligation était d’informer tous vos collaborateurs au plus tard le 31 janvier 2015 sur le nombre d’heures de DIF qu’ils ont cumulées au 31 décembre 2014. Vous avez également intérêt à leur donner des informations sur le nouveau dispositif du CPF.

Cette information doit leur permettre de se connecter au site internet http://www.le-compte-personnel-formation.com/ et de saisir les heures de DIF acquises, sur leur compteur individuel.

Le salarié gère ensuite lui-même ses souhaits d’utilisation des heures de DIF et à compter du 1er décembre 2016, des heures de CPF qu’il aura cumulées depuis le 1er janvier 2015.

Il ne devra solliciter votre accord que dans certains cas de figure :

  • sur le contenu et le calendrier de la formation si celle-ci se déroule pendant le temps de travail ;
  • sur le calendrier de la formation s’il mobilise un abondement de l’entreprise pour non-respect des obligations de réalisation de l’entretien professionnel ou s’il souhaite une formation à l’accompagnement à la VAE ou sur le « socle de connaissances et de compétences ».

Il peut également vous demander un abondement financier s’il ne dispose pas d’assez d’heures de DIF ou de CPF pour financer sa formation.

Ne confondez pas CPF et plan de formation !

Le plan de formation ne disparaît pas : l’entreprise doit toujours mettre en place des actions d’adaptation au poste de travail ou liées à l’évolution ou au maintien dans l’emploi dans l’entreprise et des actions liées au développement des compétences, réalisées en dehors du temps de travail.

La mise en place du plan de formation est une décision de l’employeur dans l’intérêt de l’entreprise tandis que l’utilisation des heures cumulées dans le cadre du DIF et du CPF est une décision personnelle du collaborateur pour développer et préserver son employabilité.

Un projet de plan de formation est élaboré annuellement ou si un accord d’entreprise le prévoit, tous les trois ans et l’employeur doit informer chaque année le comité d’entreprise avant le 31 décembre sur le contenu du plan de formation envisagé pour l’année à venir.

Les contributions à la formation professionnelle versées en 2015 ne changent pas

La réforme a modifié les contributions obligatoires dues par l’employeur au titre de la formation professionnelle continue. Ce dispositif étant applicable depuis le 1er janvier 2015, il ne concernera pour la première fois que les contributions dues en 2016, assises sur les salaires payés au cours de l’année civile 2015.

Par conséquent, pour cette année 2015, les employeurs de 10 salariés ou plus doivent verser leur contribution formation pour le 1er mars 2015 aux différents organismes collecteurs et transmettre pour la dernière fois une déclaration fiscale n° 2483 pour le mardi 5 mai à l’administration fiscale.

Les entreprises de moins de 10 salariés doivent pour le 1er mars 2015, verser leurs contributions à leur OPCA.

A compter de 2016, toutes les entreprises devront verser la totalité de leurs contributions à leur OPCA.

Contributions formations à verser en 2015, calculées sur la masse salariale de l’année civile 2014

Type de contribution EFFECTIF DE L’ENTREPRISE
Moins de 10 salariés 10 à moins de 20 salariés 20 salariés et plus
Plan de formation 0,40 % 0,90 % 0,90 %
CIF (versé à un OPACIF) 0,00 % 0,00 % 0,20 %
Professionnalisation et DIF (versé à un OPCA) 0,15 % 0,15 % 0,50 %
TOTAL 0,55 % 1,05 % 1,60 %


Contributions formations à verser en 2016, calculées sur la masse salariale de l’année civile 2015

Type de contribution EFFECTIF DE L’ENTREPRISE
Moins de 10 salariés 10 à 49 salariés 50 à 299 salariés 300 salariés et plus
Plan de formation 0,40 % 0,20 % 0,10 % Pas d’obligation
CIF Pas d’obligation 0,15 % 0,20 % 0,20 %
Professionnalisation 0,15 % 0,30 % 0,30 % 0,40 %
CPF Pas d’obligation 0,20 % 0,20 % 0,20 %
FPSPP Pas d’obligation 0,15 % 0,20 % 0,20 %
TOTAL 0,55 % 1 % 1 % 1 %

Afin de maîtriser toutes les incidences de la loi sur la réforme de la formation, les Editions Tissot vous conseillent leur formation « réforme de la formation professionnelle : ce qu’il faut savoir » qui aura lieu le 9 avril 2015 à Paris.


Par Delphine Witkowski, juriste en droit social