Relation amoureuse qui finit mal au travail : motif de licenciement ?
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Deux de mes salariés étaient en couple mais leur relation amoureuse s’est terminée de manière tumultueuse : envoi de nombreux mails, pose d’une balise GPS sur le véhicule de l’ancien partenaire... Puis-je licencier le salarié qui dérape ?
Relation amoureuse qui finit mal au travail : vie personnelle ou vie professionnelle ?
Lorsque la relation amoureuse entre collègues prend fin, il se peut que tout ne se passe pas très bien entre les anciens amants. Mais lorsque la relation devient houleuse, est-il possible de sanctionner le salarié qui va trop loin ?
La Cour de cassation a récemment eu à se prononcer sur cette question.
Dans l’affaire soumise à son appréciation, deux salariés d’une même entreprise avaient entretenu pendant des mois une relation amoureuse faite de ruptures et de sollicitations réciproques, laquelle s’est terminée de manière houleuse. L’un d’entre eux a finalement été licencié. A l’appui du licenciement, il était reproché au salarié :
- d’avoir installé une balise GPS sur le véhicule de la salariée afin de la surveiller à son insu ;
- de lui adresser de nombreux messages intimes en dépit du fait que l’intéressée lui avait expressément indiqué qu’elle ne souhaitait plus avoir de contact avec lui en dehors de l’activité de l’entreprise ;
- de lui avoir adressé des mails au moyen de la messagerie professionnelle pour la presser de reprendre contact et la soupçonner d’entretenir une relation avec un collègue de travail.
Le salarié a contesté son licenciement et a fait valoir qu’il avait été sanctionné pour des faits se rattachant à sa vie privée.
Relation amoureuse qui finit mal au travail : étendue du pouvoir disciplinaire limitée
La question était de savoir si un tel licenciement était-il justifié ?
La cour d’appel a constaté la matérialité des faits. Mais elle a jugé qu’ils étaient exclusivement liés aux relations privées des deux salariés et qu’ils n’étaient donc pas constitutifs d’une faute.
La Cour de cassation a confirmé la position de la juridiction d’appel. En effet, selon elle, les faits reprochés au salarié et ayant motivé son licenciement pour faute grave s’inscrivaient dans le cadre d’une « relation amoureuse faite de ruptures et de sollicitations réciproques ».
Par ailleurs, la Cour a retenu que la balise GPS posée par le salarié l’avait été sur le véhicule personnel de la salariée, que l'envoi à celle-ci de courriels au moyen de l'outil professionnel s’était limité à deux messages et que les faits n'avaient eu aucun retentissement au sein de l'entreprise ou sur la carrière de l'intéressée. Aucun harcèlement moral n’était caractérisé en l’espèce.
C’est ainsi qu’elle a jugé que ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, en sorte que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse. L’employeur a donc été condamné à payer au salarié 60 000 euros de dommages et intérêts, outre les indemnités de licenciement, de préavis et congés payés afférents.
La frontière entre vie personnelle et vie professionnelle est parfois difficile à appréhender. Dans le cas étudié, les faits n’avaient eu aucune incidence négative sur la carrière des salariés ou sur la bonne marche de l’entreprise. La Cour a donc jugé qu’ils échappaient au pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Si tel n’avait pas été le cas, elle aurait sans doute rendu une autre décision.
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Cour de cassation, chambre sociale, 16 décembre 2020, n°19-14.665 (les faits relevant de la vie personnelle du salarié et ne constituant pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail échappent au pouvoir disciplinaire de l’employeur. Dans une telle situation, le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse)
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