Rémunération dans le BTP : ne pas se tromper de périmètre pour appliquer les garanties de salaire

Publié le 03/12/2024 à 09:38 dans Rémunération BTP.

Temps de lecture : 4 min

L’employeur n’est pas parfaitement libre dans ses choix en matière d’augmentation de salaire. A côté de l’obligation générale de suivre les hausses du SMIC et des minimas conventionnels, d’autres obligations plus spécifiques existent. A l’occasion d’un récent contentieux sur la garantie de rémunérations des représentants du personnel, des précisions ont été apportées sur les salariés à comparer pour vérifier les situations de garanties de rémunération. 

Garantie de rémunération dans le BTP : la possible adaptation conventionnelle et le terme « emploi »

La question de la discrimination salariale envers les titulaires de mandats électifs ou syndicaux est souvent mise sous le tapis dans l’entreprise. Cependant, la loi et certaines entreprises ont pris cette question à bras le corps.

L’article L. 2141-5-1 du Code du travail, qui concerne uniquement les élus CSE ou les titulaires de mandats syndicaux disposant d'heures de délégation d'au moins 30 % de leur durée contractuelle de travail, impose une revalorisation annuelle des salaires. Cette mesure repose sur l’idée qu’un salarié très investi dans la défense des salariés ou de son syndicat va potentiellement subir une différence de traitement quant à son évolution salariale. La revalorisation du salaire de base du bénéficiaire de la garantie doit correspondre au moins aux augmentations générales, plus la moyenne des augmentations individuelles perçues.

Cet article ne trouve à s’appliquer qu’à défaut de dispositions en la matière dans les conventions collectives ou les accords d’entreprise. Dans les conventions collectives du BTP, il n’y a rien sur le sujet. 

Mais certaines entreprises ont bien négocié des accords sur le sujet. Exemple avec la société Eiffage Travaux publics et son accord sur le développement du dialogue social en date du 17 septembre 2013. Accord accordant une garantie de rémunération à hauteur de l’« évolution moyenne des salariés du même emploi ». 

Problème : que signifie du « même emploi » ? 

Un désaccord existait sur ce point entre un salarié de l’entreprise et son employeur. Fallait-il comparer le salarié chauffeur avec tous les autres chauffeurs de l’entreprise ou uniquement avec les chauffeurs du même coefficient hiérarchique ?

La Cour de cassation considère, en s’appuyant notamment sur la rédaction de la convention collective des ouvriers des Travaux publics, que la comparaison doit s’opérer entre salariés du même emploi, chauffeur, et du même coefficient, en l’occurrence classés niveau 3 position 2.

Important

Attention avec les rémunérations variables sur objectifs. Un salarié peut exiger une adaptation de ses objectifs tenant compte de la part de son temps de travail dédiée à ses fonctions électives ou syndicales. Cela se déduit de l’interdiction de toute discrimination syndicale et se trouve confirmé dans l’arrêt n° 22-22.283 du 3 juillet 2024 rendu par la Cour de cassation.

Garanties de rémunération dans le BTP : le champ de comparaison légal

Le raisonnement tenu par la Cour de cassation dans l’arrêt du 20 novembre 2024 repose directement sur les mécanismes servant à appliquer les revalorisations obligatoires légales. Ces mécanismes sont : 

  • la garantie de rémunération pour les représentants du personnel et syndicaux vus ci-dessus ;
  • la garantie de rémunération pour les salariées de retour de congé maternité ;
  • la garantie de rémunération pour les salariés de retour de congé adoption.

Le salarié bénéficiaire de ces garanties de rémunération peut donc revendiquer, en plus des augmentations collectives, la moyenne des augmentations individuelles attribuées à certains salariés.

Pour procéder à la réévaluation au retour du salarié bénéficiaire de la garantie de rémunération au titre du congé maternité, une circulaire du 19 avril 2007 publiée au Journal officiel du 17 mai 2007 donne le mode d’emploi. Elle décrit également le champ de comparaison pour apprécier la moyenne des augmentations individuelles. 

En comparant les salariés de la même catégorie, définie comme « relevant du même coefficient dans la classification applicable à l'entreprise pour le même type d'emploi ». C’est-à-dire dans la même logique que celle suivie par la Cour de cassation.

Ce mode de comparaison doit aussi être retenu en cas de congé d’adoption. 

Attention

Il existe deux différences notables entre les mécanismes légaux de garanties de rémunérations :

  • la première différence : le mécanisme concernant les élus et représentants syndicaux doit être appliqué chaque année alors que les deux autres mécanismes ne doivent être appliqués qu’au retour des salariés bénéficiaires ;
  • la seconde différence : pour le maintien des rémunérations individuelles, la comparaison doit s’effectuer entre salariés de la même catégorie et ayant une ancienneté comparable pour les élus et représentants syndicaux. La notion d’ancienneté n’existe pas pour les salariés en congé maternité ou d’adoption. 

A noter que la loi prévoit aussi des modalités particulières de comparaison lorsque le nombre de salariés est insuffisant pour mener une comparaison en suivant le principe « même coefficient et même type d’emploi ».


Cour de cassation, chambre sociale, 20 novembre 2024, n° 23-19.897 (le respect de l'évolution minimale garantie aux salariés titulaires d'un mandat de représentation s'apprécie au regard de l'évolution des rémunérations des salariés relevant de la même position au sein du même niveau de qualification conventionnelle)

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Olivier Castell

Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr

Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …