Représentants du personnel : gérer les heures de délégation

Publié le 27/09/2010 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:21 dans Relations avec les représentants du personnel.

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Pour leur permettre d’exercer leur mandat, vous devez accorder, tous les mois, à vos représentants du personnel des heures dites de délégation. Découvrez les clés pour bien gérer ces heures et éviter tous conflits.

Le nombre d’heures de délégation en fonction du mandat

Nous vous présentons ci-après les crédits d’heures légaux des principales institutions représentatives présentes dans les entreprises. Sachez que votre convention collective peut prévoir des crédits d’heures supérieurs.

Seuls les membres titulaires ont droit à des heures de délégation. Les suppléants ne peuvent les utiliser que lorsqu’ils remplacent un titulaire.

Délégués du personnel (DP). Ils ont droit à :

  • 10 h dans les entreprises de moins de 50 salariés ;
  • 15 h dans les autres.

Comité d’entreprise (CE). Les membres du CE ont droit à 20 h par mois.

Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le nombre d’heures de délégation varie selon l’effectif de l’entreprise :

50 à 99 100 à 299 300 à 499 500 à 999 1000 à 1499 1500 et +
2 h 5 h 10 h 15 h 15 h 20 h

Pour connaître le nombre d’heures de délégation auquel ont droit les autres représentants du personnel (délégué syndical, délégation unique du personnel, par exemple), n’hésitez pas à consulter la fiche « Comprendre les heures de délégation » issue de notre ouvrage « Gérer le personnel ».

Possibilité de cumul. Un salarié qui cumule plusieurs mandats peut « additionner » ses crédits d’heures.

Deux exceptions :

  • les salariés à temps partiel : leur temps de travail mensuel ne doit pas être réduit de plus d’1/3 par l’utilisation du crédit d’heures. Le solde éventuel sera pris en dehors de l’horaire de travail et payé en heures supplémentaires ;
  • les salariés qui font partie de la délégation unique du personnel : le délégué du personnel cumulant ses fonctions avec celles de membre du CE bénéficie d’un crédit d’heures de 20 heures maximum par mois.

La gestion des heures de délégation

Interdiction de les soumettre à une autorisation préalable

Vous n’avez pas le droit de contrôler en amont l’utilisation qui est faite des heures de délégation : les représentants du personnel peuvent en faire usage comme bon leur semble, dans la limite du crédit mensuel dont ils disposent et dans le cadre de leur mandat, bien entendu. Ils n’ont pas à obtenir votre autorisation préalable avant d’utiliser des heures.

Possibilité d’instaurer une information préalable : les bons de délégation

Il s’agit d’un document que chaque représentant du personnel remplit, avant l’utilisation d’heures de délégation, pour indiquer son heure de départ, la durée prévisible de son absence et son heure effective de retour.

Il permet de comptabiliser les heures de délégation prises et de mieux organiser le travail en l’absence du représentant du personnel.

Mais attention : ces bons de délégation ne doivent en aucun cas constituer un moyen de contrôler l’activité du représentant du personnel.

La mise en place de bons de délégation doit donner lieu à une concertation préalable avec l’institution concernée.

Les représentants du personnel sont ensuite tenus de les utiliser, sous peine de commettre une faute qui pourra être sanctionnée.

Notez-le
Le temps passé aux réunions avec l’employeur (ordinaires ou extraordinaires) ne s’impute pas sur le crédit d’heures. En revanche, le temps consacré à la préparation d’une réunion ou à la rédaction de son compte-rendu est imputé sur le crédit d’heures.

La rémunération des heures de délégation

Assimilation à des heures de travail « normales »

Les heures de délégation doivent être payées au même titre et à la même échéance que des heures de travail « normales » : le salarié ne doit subir aucune perte de salaire du fait de l’accomplissement de son mandat.

Cette règle vaut même si vous avez des doutes sur le bien-fondé de l’utilisation de certaines heures.

Par ailleurs, si les heures de délégation sont prises en dehors de l’horaire habituel de travail (pour rencontrer des salariés ne travaillant pas aux mêmes horaires, par exemple), elles doivent être majorées au titre des heures supplémentaires et ouvrent droit, le cas échéant, à un repos compensateur, voire aux majorations pour travail de nuit.

Bulletin de paie

Il est strictement interdit de faire apparaître une ligne spéciale sur le bulletin de paie relative aux heures de délégation et ce, quel que soit l’intitulé de cette ligne (c’est-à-dire même en les « déguisant » sous une appellation du type « heures travaillées II » ou « heures assimilées »). La rémunération d’heures de délégation doit être absolument transparente sur le bulletin.

En revanche, vous êtes tenu d’annexer au bulletin de paie une fiche sur laquelle doivent apparaître les heures rémunérées. Si les heures ont été prises sur l’horaire de travail habituel, la mention « maintien de salaire » est suffisante. Dans le cas contraire, le montant de leur rémunération devra être détaillé.

L’établissement de cette fiche est obligatoire dès lors qu’au moins une heure de délégation a été prise dans le mois. Elle a la même valeur juridique que le bulletin de paie, ce qui signifie que vous risquez jusqu’à 450 euros d’amende par fiche non éditée alors qu’elle aurait dû l’être (ou par fiche erronée).

Contester l’utilisation des heures de délégation

Editions TissotSi vous souhaitez avoir des explications sur la façon dont un représentant du personnel a utilisé ses heures de délégation, vous ne pourrez le faire qu’après les lui avoir payées.

Vous pourrez ensuite lui demander de justifier l’utilisation de ces heures de délégation, par lettre recommandée avec accusé de réception.

En l’absence de réponse, ou si la réponse vous conforte dans l’idée d’une mauvaise utilisation des heures de délégation, vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes d’une demande en remboursement des heures indûment réglées.

Si l’abus du représentant du personnel est manifeste, par exemple s’il s’avère que ce dernier a utilisé son crédit d’heures pour s’occuper d’affaires personnelles, vous pourrez prononcer une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Le dépassement du crédit d’heures mensuel

Le crédit d’heures mensuel octroyé à un représentant du personnel peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles. Ces dernières doivent correspondre à des situations inhabituelles, nécessitant un surcroît de démarches et d’activités en raison :

  • soit de la soudaineté ou de l’imprévisibilité de l’événement ;
  • soit de l’urgence des mesures à prendre.
Notez-le
Constituent des circonstances exceptionnelles : un accroissement d’activité dû à un mouvement de grève ayant affecté tous les ateliers et qui s’est prolongé sur plusieurs mois ; un projet de licenciement collectif important. Ne constituent pas des circonstances exceptionnelles : une grève de courte durée n’affectant qu’un service et qu’une petite fraction du personnel ; la préparation d’un arbre de Noël.

Concernant ces heures de dépassement, vous avez la possibilité d’exiger que le représentant du personnel établisse l’existence de circonstances exceptionnelles préalablement à leur paiement.

Audrey Ninucci

Sources
Code du travail, articles L. 2315–1 à L. 2315–3 (délégués du personnel), L. 2325–6 à L. 2325–9 (comité d’entreprise), L. 4614–3 à L. 4614–6 (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) ; L. 3123–29 (temps partiel)
Cour de cassation, chambre criminelle, 12 avril 1988, n 87–84148 (l’employeur ne peut pas instaurer une procédure d’autorisation préalable à l’utilisation du crédit d’heures).
Cour de cassation, chambre sociale, 18 mai 1993, n°96–43453 (les heures de délégation doivent être rémunérées comme des heures de travail « normales », y compris comme heures supplémentaires si elles ont été prises en dehors de l’horaire habituel).