Rupture conventionnelle : les clés pour réussir sa rupture

Publié le 09/11/2015 à 06:50, modifié le 11/07/2017 à 18:19 dans Rupture du contrat de travail.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail qui semble très simple, mais qui est très encadré. Durant l’année 2015, la Cour de cassation a rendu de nombreuses décisions notamment concernant la négociation d’une rupture conventionnelle avec une femme en congé de maternité, la validité de la convention lorsqu’il y a des erreurs de date de rupture ou de montant de l’indemnité de rupture.

La rupture conventionnelle vous permet de convenir, d’un commun accord avec votre salarié, des conditions de la rupture de son contrat de travail à durée indéterminée (CDI).

Elle a l’avantage d’autoriser votre salarié à percevoir non seulement une indemnité de rupture, mais aussi des allocations chômage.

Rupture conventionnelle : avec quels salariés pouvez-vous la négocier ?

La rupture conventionnelle ne peut être conclue qu’avec des salariés en CDI.

Pendant la suspension du contrat de travail

La question est de savoir si vous pouvez négocier une rupture conventionnelle avec un salarié dont le contrat de travail est suspendu : congé parental d’éducation, arrêt maladie, etc.

Si le salarié ne bénéficie d’aucune protection particulière pendant la suspension de son contrat, vous pouvez négocier une rupture conventionnelle. C’est le cas par exemple des salariés :

  • en congé parental d’éducation ;
  • en congé sabbatique ;
  • en congé sans solde, etc.

Alors qu’ils n’ont pas de mandat représentatif du personnel, certains salariés bénéficient d’une protection particulière. C’est le cas, par exemple, d’une salariée en congé maternité ou d’un salarié arrêté suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle : la rupture de leur contrat est rigoureusement encadrée par le Code du travail (art. L. 1225–4 et L. 1226–9).

En 2009, l’administration préconisait de ne pas conclure de rupture conventionnelle avec un salarié bénéficiant d’une protection particulière (par exemple un salarié en AT-MP ou une salariée en congé de maternité).

Une position que ne partage pas la Cour de cassation puisqu’elle a admis, en septembre 2014, qu’une rupture conventionnelle pouvait être conclue pendant une période de suspension du contrat de travail consécutive à un AT-MP (voir notre article « Rupture conventionnelle : elle peut être conclue avec un salarié victime d’un accident du travail ! »).

Et en mars 2015, la Cour de cassation a estimé qu’une rupture conventionnelle pouvait être conclue avec une salariée :

  • pendant les périodes de suspension du contrat de travail liées au congé de maternité ;
  • pendant les 4 semaines qui suivent l’expiration de ces périodes.

Pour plus de précision, vous pouvez consulter notre article « Rupture conventionnelle : peut-on la signer avec une salariée en congé de maternité ? ».

Notez-le
Les représentants du personnel sont aussi des salariés protégés, mais ils peuvent bénéficier de la rupture conventionnelle (procédure spécifique).

Litige entre le salarié et son employeur. Une rupture conventionnelle peut être signée alors qu’il existe un différend entre les parties au contrat de travail. Cette situation n’affecte pas, par elle-même, la validité de la rupture conventionnelle si le consentement du salarié a été libre, qu’il n’a pas été obtenu par des moyens de pression (menace, violence, etc.).

Situations exclues

GPEC et PSE. La rupture conventionnelle ne peut pas être mise en œuvre lorsque le contrat prend fin dans le cadre d’un accord collectif de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Licenciement économique. L’administration admet qu’une rupture conventionnelle puisse intervenir alors même que l’entreprise rencontre des difficultés économiques qui l’amènent à se séparer de certains salariés. Mais attention toutefois, la rupture conventionnelle ne doit pas être un moyen pour contourner les garanties données aux salariés en matière de licenciements économiques et collectifs (reclassement, etc.). Pour l’administration, un effort doit être fait pour informer les salariés sur l’étendue de leurs droits afin qu’ils ne soient pas privés des garanties attachées aux accords GPEC et aux plans de sauvegarde de l’emploi.

Rupture conventionnelle : se mettre d’accord sur la procédure

Vous organisez avec votre salarié, au cours d’un ou plusieurs entretiens, les modalités de la rupture :

  • le montant de l’indemnité de rupture (au minimum le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, voir ci-dessous) ;
  • la date de fin de contrat, qui ne peut pas intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation ;
  • etc.

Déroulement des entretiens

Le salarié peut se faire assister lors des entretiens de rupture conventionnelle :

  • soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un délégué syndical, d’un membre du comité d’entreprise, d’un délégué du personnel ou de tout autre salarié ;
  • soit, en l’absence de représentants du personnel, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative, disponible en mairie.
Notez-le
La Direction générale du travail a précisé, dans une circulaire du 30 juillet 2012, que vous deviez informer le salarié de cette possibilité de se faire assister.

Il faut également informer le salarié de la possibilité qui lui est ouverte de prendre les contacts nécessaires, notamment auprès de Pôle emploi, pour envisager la suite de son parcours professionnel avant de consentir à la rupture conventionnelle.

Si le salarié est assisté, vous avez également la faculté de l’être :

  • par une personne de votre choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
  • ou, si votre entreprise compte moins de 50 salariés, par une personne appartenant à votre organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.
Notez-le
Le salarié doit vous informer de son choix d’être assisté avant l’entretien ; il en est de même pour vous.

Pour vous aider dans votre démarche, les Editions Tissot mettent à votre disposition un modèle personnalisable de convocation à l’entretien préalable, extrait de la documentation « Modèles commentés pour la gestion du personnel » :

Modèle de convocation à l’entretien préalable (doc | 2 p. | 64 Ko)

Signature de la convention

Une fois d’accord, vous rédigez une convention de rupture.

A compter de la date de signature de cette convention, chaque partie dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter.

Le courrier de rétractation est adressé à l’autre partie signataire de la rupture conventionnelle. Ainsi, si vous décidez de vous rétracter, vous adressez un courrier au salarié. N’adressez pas une lettre de rétractation à la DIRECCTE ou la rétractation ne sera pas valide.

Le délai de 15 jours commence à courir le lendemain de la signature de la convention. Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prolongé jusqu’au 1er jour ouvrable suivant.

Notez-le
La convention doit être établie en 3 exemplaires : un pour vous, un pour le salarié et le dernier qui doit être transmis à l’administration pour homologation. Chaque exemplaire doit être signé et daté. La signature doit être précédée de la mention manuscrite « lu et approuvé ».

Le salarié doit absolument avoir un exemplaire de la convention. Dans le cas contraire, la rupture conventionnelle est considérée comme nulle. Ce qui équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse !

Homologation de la rupture conventionnelle

Si personne ne s’est rétracté, vous ou votre salarié adressez une demande d’homologation de votre convention à l’unité territoriale départementale de la DIRECCTE (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi).

Cette demande d’homologation de la rupture conventionnelle est obligatoirement établie sur un document-type.

Notez-le
Les parties (employeur et salarié) indiquent en plus de leur adresse, et numéro de téléphone, leur courriel, ainsi que la date de naissance du salarié.

Si la rupture concerne un représentant du personnel, la demande doit être envoyée, via un formulaire légèrement différent, à l’inspection du travail.

Rupture conventionnelle d’un CDI d’un salarié protégé (pdf | 2 p. | 235 Ko)

Saisir sa demande d’homologation en ligne

Lancé par le ministère du Travail, le site http://www.telerc.travail.gouv.fr/ vous permet désormais de saisir votre demande d’homologation sur Internet.

Ce service n’est toutefois pas utilisable s’agissant d’une rupture conventionnelle conclue avec un salarié protégé.

Attention, ce site ne permet pas de directement envoyer une demande d’homologation par Internet mais seulement de remplir la convention de rupture en ligne. A l’issue de la saisie, il vous faudra en effet toujours l’imprimer en 3 exemplaires signés et datés.

L’intérêt principal de ce service est de bénéficier d’une saisie assistée. Vous pouvez en effet ainsi contrôler que :

  • les champs obligatoires sont bien renseignés ;
  • les délais légaux sont respectés ;
  • l’indemnité de rupture est au moins égale au minimum légal. Attention, on parle ici du minimum légal. Votre convention collective prévoit peut-être des indemnités de licenciement plus favorables. Dans ce cas, ce service ne vous alertera pas si le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle est inférieur à ce qui votre convention collective vous impose.

Ce site offre également la possibilité de télécharger et imprimer une attestation d’homologation, à l’issue du délai d’instruction de 15 jours si aucun rejet de la demande n’est intervenu.

L’administration dispose donc d’un délai de 15 jours ouvrables pour homologuer votre convention de rupture, à partir du lendemain de la réception de la demande.

Pendant cette période, le contrat de travail continue à s’appliquer normalement.

A défaut de réponse de l’administration dans ce délai de 15 jours, la rupture conventionnelle est considérée comme homologuée (Code du travail, art. L. 1237–14).

La date de rupture du CDI ne peut intervenir que le lendemain du jour de l’homologation.

Notez-le
Une erreur commune du salarié et de l’employeur sur la date de la rupture conventionnelle n’entraîne pas la nullité de la convention de rupture .Il en est de même si le montant de l’indemnité accordée au salarié est inférieur à celui qui lui est dû (à savoir le montant de l’indemnité de licenciement). Pour qu’il y ait nullité de la rupture conventionnelle, il faudrait que le salarié démontre que cette erreur a vicié son consentement (voir l’article « Rupture conventionnelle : une erreur sur la date de la rupture ou une indemnité trop faible remet-elle en cause sa validité ? ».

Votre convention doit prendre en compte l’ancienneté du salarié au moment de la rupture effective du contrat, c’est-à-dire après l’homologation. Cette information est importante notamment pour calculer l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle versée au salarié.

Rupture conventionnelle et transaction

Même si la terminologie est proche, la transaction se distingue de la rupture conventionnelle. Elle ne constitue pas un mode de rupture du contrat de travail mais sert à éviter les contestations qui peuvent naître après cette rupture. Il est possible de conclure une transaction après une rupture conventionnelle. Il faut toutefois respecter 2 conditions :

  • la transaction doit intervenir postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité administrative (autorisation de l’inspecteur du travail si la rupture est négociée avec un salarié protégé) ;
  • l’objet de la transaction est de régler un différend relatif à l’exécution du contrat de travail sur des éléments non compris dans la convention de rupture. Il ne doit pas être lié à la rupture du contrat de travail.

Rupture conventionnelle : quel est le montant minimum de l’indemnité spécifique ?

La rupture conventionnelle permet au salarié de bénéficier d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Elle est au moins égale à l’indemnité de licenciement. Mais faut-il prendre en compte l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ?

Tout dépend si votre entreprise applique l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008

Sont concernés les employeurs adhérents des syndicats patronaux signataires (MEDEF, CGPME, UPA) ainsi que les autres employeurs entrant dans le champ de l’ANI soit en pratique les employeurs du secteur privé, exception faite, notamment, des professions libérales, du secteur associatif et des employeurs de salariés agricoles.

Pour les entreprises n’entrant pas dans le champ d’application de l’ANI du 11 janvier 2008

L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est au moins égale à l’indemnité légale de licenciement.

Pour rappel, l’indemnité légale de licenciement est de 1/5 de mois de salaire par année d’ancienneté, majorée de 2/15 de mois par année au-delà de 10 ans d’ancienneté.

Pour les entreprises entrant dans le champ d’application de l’ANI du 11 janvier 2008

Pour ces entreprises, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être inférieure ni à l’indemnité légale, ni à l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Il convient donc de comparer les 2 montants et d’appliquer le plus avantageux.

Mais que faire lorsque votre convention collective prévoit deux types d’indemnité de licenciement ? En effet, il arrive que certaines conventions collectives prévoient deux types d’indemnité de licenciement :

  • une pour motif personnel ;
  • une autre pour motif économique.

Dans ce cas-là, pour que la rupture conventionnelle soit homologuée, l’indemnité spécifique de rupture doit être au moins égale :

  • à l’indemnité légale de licenciement si au moins une des indemnités prévues par la convention collective est inférieure à l’indemnité légale ;
  • à l’indemnité conventionnelle la plus faible si les indemnités prévues par votre convention sont toutes supérieures à l’indemnité légale de licenciement.

Rupture conventionnelle : calcul du montant de l’indemnité spécifique

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, la moyenne des 12 ou des 3 derniers salaires bruts mensuels.

Pour calculer la moyenne des 3 derniers mois, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, est prise en compte dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Le salarié a touché une prime annuelle de 1.500 euros, 2 mois avant la rupture de son contrat. Pour le calcul du salaire moyen des 3 derniers mois, vous devrez intégrer cette prime à hauteur de : 1.500 × 3 / 12 = 375 euros.

Cas du salarié ayant moins d’un an ancienneté

Ces salariés n’ont, en théorie, pas le droit de bénéficier de l’indemnité légale de licenciement.

Dans ce cas, l’indemnité est calculée au prorata du nombre de mois de présence.

Un salarié a 6 mois d’ancienneté et un salaire brut mensuel moyen de 1.500 euros.

L’indemnité due au salarié sera au minimum de 1.500 × 1/5 × 6/12 = 150 euros.