Rupture conventionnelle : pouvez-vous demander son annulation si le salarié vous a menti sur le motif de sa demande ?
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La rupture conventionnelle peut être annulée si le consentement d’une des parties a été vicié. Qu’en est-il lorsqu’une des parties a trompé l’autre sur le véritable motif de la rupture conventionnelle ? Illustration dans une affaire où c’est le salarié qui a manœuvré en faisant croire qu’il préparait une reconversion professionnelle alors qu’il avait été embauché à la concurrence.
Rupture conventionnelle : un libre consentement est essentiel
La rupture conventionnelle permet de rompre le CDI d’un salarié en respectant une procédure particulière qui démarre avec l’organisation d’un ou plusieurs entretiens avec le salarié concerné, la signature d’une convention de rupture et son homologation par l’administration.
Elle doit résulter d’un accord commun entre le salarié et l’employeur ; aucune des deux parties ne doit l’imposer à l’autre.
Même une fois homologuée, la rupture conventionnelle peut être contestée dans un délai de 12 mois. La validité de la rupture peut ainsi être remise en cause lorsqu’il y a eu une fraude ou un vice du consentement d’une des parties.
En effet, le consentement des parties doit être libre aussi bien lors du choix de la rupture conventionnelle que dans ses conditions de mise en œuvre.
Un vice du consentement peut notamment être reconnu en présence d’un « dol » c’est-à-dire des manœuvres destinées à tromper l’autre partie (stratagème, mensonge, silence sur un élément important, etc.).
Il est toutefois nécessaire que les manœuvres pratiquées soient telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
L’erreur doit en effet être déterminante du consentement de l’autre partie et il faut le prouver.
Rupture conventionnelle : l’employeur aussi peut être trompé par le salarié mais il doit le prouver
Dans la plupart des affaires qui arrivent en justice, c’est le salarié qui se plaint d’avoir été trompé et qui demande l’annulation de la rupture conventionnelle. Ce qui produit alors le cas échéant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui ouvre droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en sus de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et de l’indemnité de préavis.
Mais vous aussi vous pouvez être victime d’un dol d’un salarié et vouloir annuler la rupture conventionnelle. Ce qui produirait logiquement les effets d’une démission et vous permettrait d’obtenir le remboursement des sommes versées au salarié.
C’est ce qu’a tenté de faire un employeur dans une affaire récente. En l’espèce un conseiller commercial ayant 17 ans d’ancienneté avait conclu une rupture conventionnelle en évoquant par courrier un projet de reconversion professionnelle et de création d’entreprise dans un autre secteur. Il avait par la suite été embauché comme directeur commercial chez un concurrent.
A la demande de l’employeur la cour d’appel a annulé la rupture conventionnelle jugeant :
- que le véritable motif de la rupture conventionnelle était l'embauche du salarié par la concurrence comme directeur commercial et non un supposé projet de reconversion professionnelle ;
- et que le fait d'avoir invoqué ce projet fallacieux tout en faisant abstraction de son embauche par une société concurrente pour obtenir l'accord de son employeur est une manœuvre constitutive d'un dol.
Il manquait toutefois un élément pour annuler la rupture conventionnelle : les juges n’ont pas constaté si le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur a déterminé le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle. Or le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
L’affaire sera donc rejugée et l’employeur devra prouver que le mensonge du salarié a été déterminant et qu’il n’aurait pas consenti à la rupture conventionnelle sans.
Pour tout savoir sur la rupture conventionnelle, vous pouvez consulter notre documentation « Tissot social entreprise ACTIV » qui inclut la procédure interactive Lumio « Traiter une rupture conventionnelle individuelle ».
Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2022, n° 20-15.909 (même si le salarié présente un faux projet de reconversion professionnelle à son employeur, il faut prouver que cette manœuvre a déterminé le consentement de l’employeur à la rupture conventionnelle pour en obtenir la nullité)
Juriste en droit social
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