Rupture de la période d’essai : les règles à connaître
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Pour disposer d'informations actualisées, nous vous recommandons notre documentation « Tissot social entreprise ACTIV » qui inclut la procédure interactive « Gérer la rupture de la période d'essai » pour vous accompagner dans cette démarche.
Une période d’essai pour quoi faire ?
La loi définit la période d’essai comme une phase transitoire « permettant à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié ». Il s’agit de tester les compétences professionnelles du salarié et sa capacité d’adaptation à occuper son poste de travail.
La période d’essai permet également au salarié d’apprécier si, une fois dans l’entreprise, les conditions de travail lui conviennent et si le poste est conforme à ses aspirations.
Durant cette période, employeur et salarié conviennent de différer leur consentement définitif jusqu’à l’arrivée d’une échéance constituée par le terme de la période d’essai.
La période d’essai n’est pas obligatoire. Elle ne se présume pas et doit, pour exister, être fixée dès l’engagement du salarié (contrat de travail ou lettre d’engagement) dans son principe et dans sa durée.
Elle constitue ainsi une première phase du contrat de travail qui a une durée maximale fixée par le Code du travail, les conventions collectives ou le contrat de travail et qui peut, sauf abus, être rompue librement sous réserve du respect d’un délai de prévenance.
Au terme de la période d’essai, le salarié est définitivement embauché.
Rupture de la période d’essai : on n’applique ni les règles du licenciement, ni celles de la démission…
Au cours de la période d’essai, chaque partie dispose d’un droit de résiliation discrétionnaire. Aussi, sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, l’employeur et le salarié peuvent rompre le contrat au cours de l’essai unilatéralement :
- sans motif : l’employeur comme le salarié peuvent se contenter de notifier à l’autre partie leur décision de mettre fin à l’essai sans motiver leurs raisons ;
- ni formalisme : la décision de mettre fin à l’essai ne doit pas obligatoirement être notifiée par écrit, sauf si celle-ci a un caractère fautif ou si des dispositions conventionnelles prévoient le contraire. Il n’y aura pas d’entretien préalable lorsque l’employeur décide de mettre fin à la période d’essai. Toutefois, si l’employeur invoque une faute du salarié, il est tenu de respecter la procédure disciplinaire ;
- ni indemnité : aucune indemnité de rupture ne doit être versée au salarié par l’employeur qui met fin à l’essai. Il en va de même lorsque l’initiative de la rupture émane du salarié.
Notez-le
L’envoi d’une lettre recommandée AR (ou sa remise en main propre contre récépissé) permet à l’employeur de prouver, non seulement qu’il a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail avant l’expiration de la période d’essai, mais aussi qu’il a respecté le délai de prévenance prévu par la loi. Il en va de même lorsque le salarié prend l’initiative de la rupture.
Afin de notifier la rupture de la période d’essai en toute sécurité, les Editions Tissot vous proposent un modèle extrait de leur documentation « Modèles commentés pour la gestion du personnel ».
Rupture de la période d'essai par l'employeur (modèle de lettre)
Cette liberté de rupture par l’employeur est restreinte à l’égard de certaines catégories de salariés :
- les salariés protégés : avant de rompre la période d’essai d’un salarié protégé, l’employeur devra obtenir l’autorisation de l’administration. A défaut, la rupture de l’essai est nulle ;
- les accidentés du travail ou les salariés atteints d’une maladie professionnelle et dont le contrat se trouve suspendu : l’employeur ne peut résilier le contrat que pour faute grave ou pour impossibilité de maintenir ce contrat par suite d’un motif non lié à l’accident ou à la maladie (Code du travail, art. L. 1226–9).
Période d’essai et suspension de contrat |
Compte tenu de la finalité de l’essai, la jurisprudence considère que la durée de l’essai est prorogée en cas d’absence du salarié. En effet, du point de vue de l’employeur, l’essai permet d’apprécier les qualités professionnelles du salarié, du côté du salarié d’apprécier si, une fois en poste, le travail pour lequel il a été embauché lui convient dans les conditions dans lesquelles il l’exerce. C’est chose impossible quand il y a suspension du contrat ! D’où une prorogation de la période d’essai en cas de suspension du contrat de travail, quelle qu’en soit la cause, pour une durée égale à celle qui restait à courir au moment de la suspension. Cette prolongation est calculée en prenant en compte l’ensemble des jours calendaires inclus dans la période de suspension et non seulement les jours ouvrables. Attention, seule l’absence du salarié justifie la prorogation de la période d’essai. |
En revanche, les parties doivent respecter un délai de prévenance obligatoire…
L’employeur, comme le salarié, sont obligatoirement tenus par le Code du travail de respecter un délai de prévenance s’ils souhaitent rompre la période d’essai. Il s’agit d’un délai minimum courant entre le moment où une des parties décide de rompre la période d’essai et le moment où celle-ci devient effective.
Si l’employeur souhaite rompre le contrat de travail du salarié au cours de la période d’essai, il devra observer un délai minimum de prévenance, dont la durée dépend du temps de présence du salarié dans l’entreprise.
Temps de présence du salarié | Durée du délai de prévenance de l’employeur |
Jusqu’à 8 jours | 24 heures |
Entre 8 jours et 1 mois | 48 heures |
Entre 1 mois et 3 mois | 2 semaines |
Au-delà de 3 mois | 1 mois |
Le délai de prévenance de l’employeur ne doit pas avoir pour effet de prolonger la période d’essai, renouvellement inclus, au-delà de ces maxima légaux.
Par conséquent lorsque l’employeur prend l’initiative de la rupture, il devra notifier celle-ci suffisamment tôt avant la date d’expiration de la période d’essai de façon à permettre au salarié d’effectuer un préavis pendant celle-ci.
Si le salarié prend l’initiative de quitter l’entreprise, le délai de prévenance est de 24 heures si sa présence est inférieure à 8 jours. Au-delà, le délai est de 48 heures.
En outre, le délai de prévenance ne pourra avoir pour effet de dépasser la durée maximale de la période d’essai.
Rupture de la période d’essai : et si le délai de prévenance est dépassé ? |
Dans une affaire soumise à la Cour de cassation en janvier 2013, un employeur a décidé de rompre la période d’essai d’une salariée au bout de 6 mois. Il prévient la salariée de la rupture le dernier jour de l’essai. N’ayant pas respecté le délai de prévenance de 1 mois qui lui était imposé par la loi, il décide de verser un mois de salaire supplémentaire à la salariée. Pour la salariée, cela ne suffit pas ! D’où l’action en justice qu’elle intente pour essayer de faire requalifier la rupture de son contrat en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle n’est pas entendue par les juges de la Cour de cassation. Ils estiment que, l’employeur ayant bien mis fin à la période d’essai avant son terme, il n’y a pas eu licenciement et ce, malgré le fait que le délai de prévenance n’ait pas été respecté. |
Les obligations patronales suite à la rupture de la période d’essai
L’employeur qui met fin à la période d’essai doit :
- remettre au salarié un certificat de travail et une attestation Pôle emploi (quelle qu’ait été la durée de l’essai) ;
- régler les salaires dus pour la période d’activité, ainsi qu’une indemnité de congés payés ;
- délivrer un reçu pour solde de tout compte.
Rupture de la période d’essai : gare à ne pas commettre d’abus de droit
Si chaque partie au contrat dispose d’un droit « discrétionnaire » de mettre fin à l’essai, et si l’employeur n’a pas à justifier d’un motif réel et sérieux pour rompre la période d’essai, la rupture doit toutefois être en lien avec son objet c’est-à-dire avec les compétences du salarié et leur adéquation aux besoins de l’entreprise.
Elle peut être considérée comme abusive notamment si elle n’est pas liée aux compétences du salarié (discrimination, raison économique, etc.).
Aussi, la rupture de la période d’essai par l’employeur risque-t-elle d’être déclarée abusive lorsque la décision n’est pas motivée par des raisons professionnelles (ex. : rupture motivée par une suppression de poste ou inspirée par une volonté de nuire, et/ou témoigne d’une légèreté blâmable).
Pour constater l’abus, la Cour de cassation va au-delà de l’examen du motif de la rupture. Elle apprécie aussi les circonstances entourant cette rupture : situation sociale du salarié, âge, embauche suite à une démission, durée de la période d’essai exécutée, précipitation avec laquelle celle-ci est intervenue.
Notez-le
rupture intervenue une semaine après l’embauche d’un salarié âgé de 45 ans alors que celui-ci venait de démissionner, qu’il effectuait un stage d’adaptation aux techniques de la société et qu’il n’avait pas encore été mis en mesure d’exercer ses fonctions. Pour les juges, l’employeur a agi avec une précipitation blâmable et a abusé de son droit de résiliation ; rupture après 2 jours de travail d’une période d’essai fixée à un mois, et sans avoir pu apprécier sa valeur professionnelle.
Par Caroline Gary, Chargée de relations humaines en entreprise
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