Salarié lanceur d'alerte : une protection renforcée contre les mesures de représailles
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La Cour de cassation a formulé des précisions importantes sur la protection dont bénéficient les salariés lanceurs d’alerte, notamment à l'égard des licenciements prononcés à la suite de leur signalement. Rendues conformément au droit applicable avant la loi Waserman, elles semblent transposables au droit en vigueur.
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Rappel des faits
Les litiges soumis à la Cour de cassation reposent sur des faits relativement similaires.
Une salariée signale des faits susceptibles de constituer un délit ou un crime. La première affaire se situe sur le terrain de la corruption et met notamment en cause son employeur tandis que la seconde se place sur celui de l’agression sexuelle entre enfants accueillis dans un même établissement.
Le signalement n’est pas accompli dans les mêmes conditions. La première salariée adresse un signalement à sa hiérarchie puis au comité éthique de son groupe. La seconde salariée relate les faits à son employeur et à l’inspection du travail qui en informera le procureur de la République. Les deux signalements n’aboutissent pas. Le comité éthique considère qu’il n’y a pas eu de situation contraire aux principes éthiques et l’enquête ouverte par le procureur est classée sans suite.
Seulement, ces salariées se voient notifier leur licenciement peu de temps après leur signalement. S’estimant victimes d’une mesure de représailles, elles saisissent la justice pour obtenir l’annulation de leur licenciement et leur réintégration.
Cependant, la Cour de cassation a été amenée à s’exprimer sur des questions différentes.
Rappel
Un salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou relaté, de bonne foi, des faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Le licenciement intervenant en méconnaissance de ce principe est nul.
Quel contrôle opéré par le juge des référés ?
Le salarié licencié consécutivement à son signalement peut saisir la formation de référé du conseil de prud’hommes compétent.
Le référé est une procédure qui intervient uniquement dans un contexte d’urgence. Les mesures en découlant sont provisoires et visent à prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Le fond du litige ne doit pas être discuté.
Comme le rappelle la Cour de cassation, le licenciement du salarié en représailles de son signalement constitue un trouble manifestement illicite. De ce fait, le juge des référés peut ordonner sa réintégration au sein de l’entreprise.
Afin de former sa conviction, il faut que :
dans un premier temps : le salarié présente des éléments de fait laissant présumer qu’il a signalé une alerte dans le respect de la procédure graduée ou relaté, de bonne foi, des faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ;
dans un second temps : l’employeur tente de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à la déclaration ou au témoignage du salarié.
Dans cette affaire, plusieurs motifs poussent le conseil de prud’hommes et la cour d’appel à considérer que la situation ne justifiait pas l’adoption de mesures d’urgence :
absence de lien manifeste entre la détérioration de la relation de travail et l’alerte ;
lettre de licenciement énonçant des motifs reposant exclusivement sur le travail de la salariée ;
compétence exclusive des juges du fond pour examiner le motif du licenciement.
Or, la Cour de cassation censure ce raisonnement.
Constatant tout d’abord que la salariée avait respecté la procédure graduée, elle déduit que les juges devaient rechercher si l’employeur rapportait la preuve que sa décision de la licencier était objectivement justifiée. Autrement dit, elle reconnaît que le juge des référés, à l’extrême limite de ses pouvoirs, devait analyser la motivation du licenciement.
Cette analyse devant permettre de déterminer si la situation présentée faisait état d’un acte de représailles et appelait par extension à l’adoption de mesures d’urgence.
La protection du lanceur d’alerte suppose-t-elle le respect de la procédure d’alerte ?
La protection du salarié à l’origine d’une alerte est fondamentale. Pour autant, elle n’est pas absolue. Quel fondement peut alors permettre de la soustraire ?
Dans cette seconde affaire, il était reproché à la salariée de ne pas avoir respecté la procédure d’alerte graduée. Or, la cour d’appel donne raison à la salariée et prononce la nullité de son licenciement, ce que l’employeur conteste.
Toutefois, la Cour de cassation suit la position des juges d’appel.
Elle précise dans un premier temps que l’application de cette protection n’est pas conditionnée au respect de la procédure d’alerte graduée.
Elle rappelle ensuite que seule la mauvaise foi peut justifier un tel licenciement. Conformément à sa jurisprudence, elle confirme que celle-ci ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. Appliquée au cas d’espèce, les juges considèrent que la salariée n’avait aucun moyen de savoir si les faits qu’elle dénonçait étaient avérés ou non. Par conséquent, son attitude ne révélait aucune forme de mauvaise foi. La protection devait s’appliquer.
Pour en savoir davantage sur la situation des lanceurs d’alerte en entreprise, les Editions Tissot nous vous suggérons de consulter notre documentation “Tissot social entreprise ACTIV”.
Cour de cassation, chambre sociale, 1er février 2023, n° 21-24.271 (lorsqu’un salarié présente des éléments permettant de présumer qu'il a valablement signalé une alerte, il appartient à la juridiction prud'homale de rechercher si l'employeur rapporte la preuve que sa décision de le licencier était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressée)
Cour de cassation, chambre sociale, 15 février 2023, n° 21-20.342 (le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions n'est pas tenu de signaler l'alerte dans les conditions organisant une procédure d'alerte graduée)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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