Salariés en forfait jours : pour l’employeur, le contrôle de la charge de travail implique parfois d'aller plus loin que la convention collective !

Publié le 10/05/2021 à 07:29 dans Conventions collectives.

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Parmi les obligations de l'employeur qui signe une convention de forfait jours avec un salarié, le contrôle du temps et de la charge de travail est incontournable. Mais attention à ne pas s'appuyer aveuglément sur ce que prévoit la convention collective en la matière : certaines d'entre elles sont régulièrement retoquées par les juges, faute d'apporter des garanties suffisantes. Et ce, parfois, contre toute attente, comme le montre une affaire jugée récemment.

Conventions collectives : un litige autour d'un forfait jours dans le secteur du spectacle vivant

Un salarié avait été embauché par une salle de spectacles en qualité d'intermittent du spectacle. A l'occasion de sa promotion en tant que directeur technique et responsable de l'accueil, il avait signé une convention annuelle de forfait de 217 jours, telle que prévue par la convention collective de la branche chanson, variété, jazz, musiques actuelles.

Notez-le
Cette convention collective n'est aujourd'hui plus en vigueur. Elle a été remplacée depuis le 1er juillet 2013 par la convention collective nationale du spectacle vivant privé.

Le salarié avait saisi les prud'hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il estimait que sa convention de forfait jours n'était pas valable, et soulevait différents aspects à l'appui de sa demande.

En se penchant sur les différents points soulevés par l'intéressé, les juges d'appel avaient conclu à la validité de la convention de forfait.

Mais devant la Cour de cassation, les choses ont pris une tournure inattendue.

Conventions collectives : la Cour de cassation intransigeante sur les garanties relatives à la santé et à la sécurité des salariés en forfait jours

La Cour de cassation s'est en effet intéressée à l'un des griefs du salarié, qui estimait que l'employeur n'avait pas satisfait à ses obligations visant à s'assurer du respect de la protection de sa sécurité et de sa santé. Il soutenait ainsi que son employeur n'avait établi aucun document de contrôle des jours travaillés, ainsi que l'imposait l'article 27.5 de la convention collective pour les cadres soumis à une convention annuelle de forfait en jours.

Or, au lieu de se pencher sur l'éventuelle carence de l'employeur, la Cour de cassation pointe l’insuffisance du texte conventionnel.

La Cour souligne que l'article 27.5 se limite à prévoir :

  • d'une part, que le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés au moyen d'un document de contrôle établi en deux exemplaires signé chaque semaine par le salarié puis par l'employeur ou son représentant. Ce document fait apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ;
  • d'autre part, que le salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé, et l'amplitude de ses journées en ajoutant que cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés.

Pour la Cour de cassation, le constat est sans appel : ces dispositions ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. Dès lors, elles ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.

Par conséquent, la convention de forfait en jours qui avait été signée sur ces bases était nulle.

Soulignons que la convention collective du spectacle vivant, qui a succédé au texte conventionnel en cause, prévoit un volet relatif aux modalités de suivi et d'évaluation de la charge de travail des salariés en forfait jours a priori plus « conséquent » et donc plus « sécurisé ».


Cour de cassation, chambre sociale, 10 mars 2021, n° 19-17.672 (les dispositions d’une convention collective qui ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé)