Suppression d’un usage d’entreprise : comment s’y prendre ?

Publié le 15/06/2009 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:19 dans Rémunération.

Temps de lecture : 6 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Depuis plusieurs années, vous avez pris l’habitude de verser aux salariés une prime de 13e mois ou de donner des jours supplémentaires de congés. Il s’agit d’un usage d’entreprise. Mais des problèmes économiques vous poussent à vouloir arrêter cette pratique. Comment faire ? Voici la procédure à suivre pour dénoncer un usage d’entreprise.

Qu’est-ce qu’un usage d’entreprise ?

L’usage d’entreprise correspond à une pratique ou un avantage régulier que vous accordez librement à vos salariés sans qu’un texte de loi, une convention collective ou un accord collectif ne vous l’impose.

Pour être qualifié d’usage, l’avantage accordé doit réunir trois critères :

  • la généralité : l’avantage bénéficie à l’ensemble du personnel salarié ou à une catégorie bien déterminée (le personnel de l’atelier ou des bureaux par exemple) ;
  • la fixité : l’usage s’applique selon des modalités fixes, stables. Par exemple, si vous versez une prime annuelle, son mode de calcul doit être constant et fixé à l’avance, avec des critères objectifs ;
  • la constance : l’avantage est versé régulièrement et l’a déjà été plusieurs fois de suite, se distinguant ainsi d’une mesure ponctuelle.
Si l’usage d’entreprise est indiqué dans le contrat de travail, la procédure de dénonciation est différente : vous devrez modifier le contrat, et donc obtenir l’accord du salarié.

Ainsi, une simple pratique devient un usage dès lors qu’elle cumule ces trois conditions. L’appréciation se fera au cas par cas en fonction de la pratique concernée.

Exemples d’usages :

Constituent des usages d’entreprise :
  • une prime de fin d’année (fixité) accordée à tous les salariés (généralité) tous les ans depuis l’année 2003 (constance) ;
  • un départ de l’entreprise 2 heures plus tôt tous les derniers vendredis de chaque mois (fixité) pour tous les employés et ouvriers (généralité) depuis 2 ans (constance).



Comment supprimer un usage d’entreprise ?

Pour dénoncer un usage, c’est-à-dire y mettre fin, vous devez respecter une procédure spécifique. Si cette procédure n’est pas correctement mise en œuvre, l’usage continuera de s’appliquer.

Il faut respecter deux étapes distinctes :

  • étape 1 : l’information des représentants du personnel ;
  • étape 2 : l’information des salariés.


Conseil : il est préférable d’informer en premier lieu les représentants du personnel, même si rien ne vous y oblige.


Étape 1 : l’information des représentants du personnel

Informez le comité d’entreprise (CE) ou, à défaut, les délégués du personnel (DP) :

  • des raisons de la dénonciation ;
  • de la nature de l’avantage supprimé ;
  • de la date de suppression effective après respect du délai de prévenance.


L’information est donnée en réunion après inscription dans la convocation et dans l’ordre du jour. Veillez à ce que la dénonciation figure bien dans le compte-rendu de la réunion.

L’envoi d’un courrier adressé à chaque représentant ou un courrier confidentiel envoyé au secrétaire du CE n’est pas suffisant. Dans ces cas, la procédure sera déclarée irrégulière.

Attention : même si les représentants du personnel ont accepté la dénonciation, cela ne vous dispense pas d’en informer les salariés. A contrario, le fait que les représentants aient manifesté leur opposition ne vous empêchera pas de supprimer l’usage.


Étape 2 : l’information des salariés

Informez les salariés concernés de votre intention de supprimer l’usage, par une lettre spécifique adressée individuellement à chacun d’entre eux (remise en mains propres contre décharge ou en recommandé avec accusé de réception).

Il n’est pas suffisant :

  • d’afficher une note d’information sur un panneau de l’entreprise ;
  • de tenir une réunion générale d’information, même si tous vos salariés sont présents ;
  • de faire mention de la dénonciation sur les bulletins de salaire.


L’accord des salariés n’est pas nécessaire, sauf s’il s’agit d’une disposition figurant dans leur contrat de travail.

Cependant, afin de privilégier le dialogue dans votre entreprise, n’hésitez pas à prendre le temps de leur expliquer votre décision.

Retrouvez en téléchargement gratuit un modèle de lettre annonçant aux salariés la suppression d’un usage d’entreprise relatif au versement d’une prime.


Que se passe-t-il en l’absence de représentants du personnel ?

Dans ce cas, il vous suffit d’informer vos salariés.

Mais attention : la procédure de dénonciation sera nulle si l’absence de représentants du personnel est due à une négligence de votre part (vous n’avez pas organisé les élections des DP ou du CE ou vous n’avez pas établi un procès-verbal de carence prouvant l’absence de candidatures lors des élections). Il faudra organiser des élections avant de pouvoir dénoncer votre usage.


Dans quel délai devez-vous dénoncer l’usage d’entreprise ?

Le droit du travail ne fixe aucun délai entre le moment où vous informez les représentants du personnel et les salariés et celui où vous supprimez effectivement l’usage. Selon les juges, ce délai de prévenance doit être suffisant pour permettre d’éventuelles négociations. A nouveau, cette appréciation se fera au cas par cas.

Exemple :

Le délai de prévenance sera suffisant si la dénonciation est communiquée au cours du mois de juin pour le versement d’une prime de 13e mois en décembre.
Il sera insuffisant si la dénonciation a lieu le 1er septembre pour un versement à la fin du mois.


Notez-le : le délai légal de dénonciation d’un accord collectif (3 mois) ne s’applique pas à un usage d’entreprise, mais il peut servir de référence.

Lors de la dénonciation, les représentants du personnel pourraient vous demander de négocier un accord pour compenser la suppression de l’usage : rien ne vous y oblige. Il n’existe en effet aucune obligation pour qu’un accord se substitue à l’usage.


La dénonciation d’un usage d’entreprise doit-elle être motivée ?

Non. Il n’est pas obligatoire de communiquer un quelconque motif, que ce soit aux représentants du personnel ou aux salariés.

Mais attention à ne pas supprimer un usage pour un motif illicite :

  • représailles suite à une grève ;
  • sanction à caractère disciplinaire ;
  • etc.


Dans ce cas, la procédure serait nulle.


Un accord collectif peut-il suspendre l’application d’un usage d’entreprise ?

Si un nouvel accord collectif a le même objet que l’usage, la suppression de ce dernier est automatique. Aucune procédure de dénonciation n’est requise et ce, même si l’accord est moins favorable.

Dans le cadre d’une harmonisation des usages de l’entreprise, un accord collectif peut les remettre en cause, dans leur ensemble. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire que les usages soient individuellement identifiés pour les supprimer.



Pour plus de précisions sur les règles de suppression d’un usage d’entreprise, d’un engagement unilatéral ou d’un accord atypique, les Editions Tissot vous proposent un extrait de leur ouvrage « Gestion du personnel simplifiée ».


Article publié le 15 juin 2009