Télétravail dans la métallurgie pendant la crise sanitaire : une indemnisation obligatoire

Publié le 21/09/2023 à 08:52 dans Contrat de travail métallurgie.

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Une entreprise de la métallurgie a été condamnée par le tribunal de Paris le 23 mai 2023 à rembourser à ses salariés placés en télétravail pendant la crise sanitaire une indemnité de 2,50 euros par journée télétravaillée. Explications…

Télétravail pendant la crise sanitaire : mise en place d’une charte en cas d’échec des négociations

Dans cette affaire, l’entreprise avait, comme beaucoup d’entreprises, placé ses salariés en télétravail contraint entre le 15 mars 2020 et le 11 mai 2020. La société ne disposait pas d’accord ou de charte sur le télétravail. Aucune indemnité n’était prévue.

Fin 2020, la société a ouvert des négociations sur le télétravail. Les négociations n’ont pas abouti à la signature d’un accord. Une charte a donc été proposée au CSE.

Ce dernier a émis un avis négatif au motif que cette charte ne prévoyait aucune indemnisation du télétravail. Pour les élus, le télétravail devait être pris en charge par l’employeur à partir du moment où celui-ci s’imposait aux salariés. Le CSE a ensuite saisi la justice.

Parallèlement, les négociations se sont poursuivies dans l’entreprise. Mais, aucun accord ayant été conclu, c’est une nouvelle charte, applicable à compter du 1er janvier 2022, qui est mise en place instaurant une indemnisation de 2,50 euros par jour dans la limite de 20 euros par mois. Cette charte permettait donc de régler l’avenir, mais ne se prononçait pas sur la période antérieure.

Le télétravail doit être indemnisé même en l’absence d’accord

Pour se défendre, l’entreprise soutient :

  • que les frais professionnels liés au télétravail ne sont pas obligatoirement pris en charge, dans la mesure où, tant le Code du travail que l’ANI du 26 novembre 2020 renvoient à la négociation collective sur ce point ;
  • que ni l’indemnisation forfaitaire, ni l’indemnisation au réel ne sont possibles en matière de télétravail. Pour elle, un remboursement forfaitaire ne peut être fixé unilatéralement par l’employeur, celui-ci devant nécessairement se fonder sur une clause contractuelle.

Mais les juges ne sont pas de cet avis…

Ils se fondent sur l’ANI du 26 novembre 2020 : pour les juges de première instance, la négociation collective, si elle est ouverte dans l’entreprise, ne peut porter que sur les modalités de prises en charge et non sur le principe de cette prise en charge qui s’impose à l’employeur. Ils précisent même dans ce jugement que la prise en charge des frais exposés dans le cadre du télétravail, y compris en cas de circonstances exceptionnelles comparables à la crise sanitaire, est obligatoire pour l’employeur.

Les juges précisent également qu’une fixation forfaitaire ne nécessite donc ni clause contractuelle, ni stipulation conventionnelle et peut être mise en place de manière unilatérale. Les juges rappellent également les règles URSSAF édictées par l’ACOSS et repris par le BOSS sur le sujet soit 2,50 euros par jour. Dans la mesure où il n’existe pas d’autres référentiels, les juges se sont basés sur ce montant pour condamner la société à verser 2,50 euros par jour de télétravail au salarié.

S’agissant d’une décision de première instance, il conviendra de suivre la jurisprudence. Néanmoins, pour les entreprises n’ayant pas encore d’accord sur le point de l’indemnisation, il convient d’être vigilant.

Tribunal judiciaire de Paris, 23 mai 2023 (la prise en charge des frais exposés dans le cadre du télétravail – y compris en cas de circonstances exceptionnelles comparables à la crise sanitaire – est obligatoire pour l’employeur)