Temps de trajet dans le BTP : les ouvriers de chantiers sont-ils assimilables à des salariés itinérants ?
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Se rendre de son domicile à son lieu de travail, c’est le quotidien de tous les salariés. Et tous connaissent le principe selon lequel ce temps n’est pas rémunéré. Mais ce principe est remis en cause lorsque le salarié dispose de nouveaux lieux de travail chaque jour. La Cour de cassation vient d’adapter sa jurisprudence en la matière avec le droit européen, nécessitant pour les entreprises du BTP d’auditer leurs pratiques internes.
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Indemnisation du temps de trajet BTP : un nouveau principe pour les itinérants
Le cadre juridique légal de l’indemnisation du temps de trajet quotidien entre le domicile et le lieu de travail repose sur deux articles du Code du travail.
Le premier est l’article L. 3121-1 qui énonce « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». Le second est l’article L. 3121-4 qui énonce « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ».
Ces deux articles ont été complétés par des jurisprudences. Notamment une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 17-26.286) en date du 5 juin 2019 qui explique que l’employeur doit indemniser le temps de trajet entre le domicile et un lieu exceptionnel de travail pour la fraction de ce temps dépassant le temps de trajet habituel du salarié. L’ensemble du temps de trajet ne constitue toutefois pas du temps de travail effectif. La contrepartie doit donc être fixée par accord d’entreprise ou décision unilatérale de l’employeur.
Quid de la prise en charge du temps de trajet pour les salariés itinérants tels que les commerciaux de terrain ou les chargés d’approvisionnement des chantiers ? Pour eux, le temps de trajet entre le domicile et les premier et dernier client n'est pas payé en temps de travail effectif. Mais la décision du 5 juin 2019 s’applique : une contrepartie doit être accordée au salarié si ce temps de trajet dépasse le temps normal de trajet du salarié itinérant.
Voilà le principe. Mais ce principe doit être adapté quand les conditions de l’article L. 3121-1 sont réunies. Cela a déjà conduit la Cour de cassation dans une décision du 3 juin 2020 (n° 18-16.920) à trancher : le trajet effectué entre le domicile et le client avec un véhicule de l'entreprise contenant parfois des colis appartenant au client doit être qualifié de temps de travail effectif et indemnisé comme tel. Cette jurisprudence ne trouve pas à s’appliquer directement dans le secteur du BTP.
Dernière décision en date de la Cour de cassation : le 23 novembre 2022, le salarié effectue le trajet entre son domicile et ses clients. Pendant ce trajet, le salarié utilise le kit main libre de son véhicule pour appeler les clients et ses collègues, prendre des rendez-vous, etc. Les juges en tirent comme connaissance que, même lors du temps de trajet, si le salarié est à la disposition de l'employeur et ne peut pas vaquer librement à des occupations personnelles, alors ce temps de trajet doit être intégralement considéré comme du temps de travail effectif. Payé selon le taux horaire habituel du salarié, et entrant en compte pour le calcul des heures supplémentaires.
Conseil
Cette décision trouve bien à s’appliquer pour un certain nombre de salariés dans le BTP. A savoir tous les salariés ne disposant pas de lieu de travail ou habituel. Pour éviter un risque d’actions en rappels de salaire, il pourrait être intéressant pour l’entreprise de mettre en place des avenants contractuels ou une note de service demandant aux salariés de ne pas utiliser les moyens de communication à leur disposition avant l’arrivée sur leur lieu de travail ou avant une certaine heure. Cela faciliterait le décompte du temps de travail effectif et le versement de la rémunération due.
Indemnisation du temps de trajet BTP : pas de changement pour les salariés de chantiers
Et pour les salariés du BTP se rendant quotidiennement sur des chantiers ? Quid du traitement du temps de trajet entre leur domicile et ces différents chantiers ?
La décision du 23 novembre 2022 ne semble pas remettre en cause les principes en vigueur jusqu’alors. Sous réserve bien entendu que le salarié ne soit pas en train de réaliser une mission pour l’employeur lors de ce trajet.
Quelles missions seraient susceptibles de conduire à qualifier le temps de trajet intégralement de temps de travail effectif ? On pourrait envisager la situation d’un salarié amené à réaliser sur le trajet des appels téléphoniques pour organiser le chantier, l’intervention des équipes, la livraison du matériel ou l’intervention des autres corps de métier.
On pourrait peut-être même envisager la situation du salarié devant amener avec un véhicule mis à sa disposition du matériel sur le chantier. Cette dernière situation n’a toutefois pas été clairement définie à ce jour par les juges.
Important
Pour un salarié se rendant sur les chantiers en petits déplacements selon le mode de transport qu’il choisit, l’employeur n’a aucune indemnisation à lui verser au titre de ce trajet hors prise en charge éventuelle de la moitié du coût de l’abonnement au transport public ou du versement d’une prime de transport. Pour le salarié à qui il est demandé expressément par l’employeur de conduire un véhicule transportant d’autres collègues sur le chantier, le temps de trajet du conducteur est bien qualifiable de temps de travail effectif. Si ce conducteur se rend d’abord au siège avant de récupérer les autres salariés, la fraction du temps de trajet entre domicile et siège est la seule qui n’est pas qualifiable de temps de travail effectif. Ces différentes situations restent traitées comme habituellement, sans impact à notre sens de la décision du 23 novembre 2022.
Cour de cassation, chambre sociale, 23 novembre 2022, n° 20-21.924 (le temps de trajet entre le domicile et les premier et dernier clients, est pris en compte dans le temps de travail effectif lorsque le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles)
Expert en droit du travail et relations sociales, www.didrh.fr
Auteur des documentations SOCIAL BATIMENT, SOCIAL TRAVAUX PUBLICS et RESPONSABLE ET GESTIONNAIRE PAIE BTP pour les Editions Tissot. Formateur en droit du travail auprès des entreprises et des …
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