Transfert conventionnel des contrats de travail : différences de traitements justifiées

Publié le 15/12/2017 à 08:00 dans Contrat de travail.

Temps de lecture : 5 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

Dans certaines branches d’activité, le transfert automatique des contrats de travail entre deux sociétés successives est organisé par voie d’accord collectif. Les salariés nouvellement transférés, ne bénéficiant pas de certains avantages accordés aux salariés déjà présents peuvent-ils alors invoquer une inégalité de traitement ? Les juges ont répondu par la négative.

Différences de traitement : principe

En tant qu’employeur, vous devez assurer une égalité de traitement entre tous les salariés qui se trouvent dans une même situation au regard d’un avantage donné. La violation des dispositions relatives à l’égalité de traitement engage votre responsabilité tant pénale que civile et octroie la possibilité de demander la nullité de la mesure discriminatoire.

Pour autant, l’interdiction des discriminations au travail ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.

Rappelons que dans plusieurs arrêts du 27 janvier 2015, la Cour de cassation avait décidé que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. La charge de la preuve avait donc été inversée.

La loi travail du 8 août 2016 est également venue restreindre le concept d’égalité de traitement lorsqu’un accord de branche étendu organise la poursuite des contrats de travail en cas de succession d’entreprise, les salariés du nouveau prestataire ne peuvent invoquer de différences de rémunération avec les salariés déjà présents. Il faut savoir qu’avant les ordonnances Macron, les salariés situés sur le même site de l’entreprise pouvaient toujours invoquer une inégalité de traitement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui (Code du travail, art. L. 1224-3-2).

La haute juridiction vient de se prononcer sur l’étendue de la notion d’égalité de traitement dans une affaire où était en cause une prime de treizième mois.

Différences de traitement : justifiées en cas de transfert conventionnel des contrats de travail

Lors d’un transfert d’entreprise (notamment pour succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société), le droit pose le principe du maintien des contrats de travail en cours (C. trav., art. L. 1224-1). Pour ce faire, la jurisprudence exige que deux conditions soient réunies :

  • le transfert d’une entité économique autonome (ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre) ;
  • le maintien de l’identité de l’entité transférée avec poursuite ou reprise de cette entité par le repreneur.
Notez-le
Le nouvel employeur est tenu, envers le salarié transféré, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification. Il n’est alors lié que par les clauses du contrat de travail des salariés repris et non les usages en vigueur chez l’ancien employeur.

Si ces deux conditions ne peuvent pas être réunies, le transfert des contrats peut être opéré en application d’un accord collectif ou par accord entre les parties.

Ainsi, pour garantir le maintien de l’emploi de salariés affectés à l’exécution d’un marché qui serait attribué à une autre société, les partenaires sociaux des principales branches concernées ont conclus des accords collectifs imposant au nouveau prestataire la reprise desdits salariés. Ces accords fixent les conditions à remplir par les salariés pour être repris par le nouveau prestataire ainsi que les obligations respectives de la société entrante et de la société sortante.

Il avait été admis que les salariés transférés par voie conventionnelle puissent invoquer une inégalité de traitement par rapport aux salariés déjà présents dans l’entreprise.

Toutefois, dans la lignée des récentes évolutions relatives à l’égalité de traitement, la Cour de cassation vient d’abandonner cette jurisprudence.

En l’espèce, en raison de la perte de marché d’une société de propreté, et en application de l’accord de branche du 29 mars 1990, des salariés ont vus leur contrat de travail transféré auprès de la nouvelle entreprise prestataire. Les salariés déjà présents dans l’entreprise entrante percevaient une prime de treizième mois qu’ils avaient conservée à l’occasion de leur propre transfert. Ne bénéficiant pas de cette prime, les salariés nouvellement transférés ont saisi le conseil des prud’hommes aux fins d’obtenir le paiement de cette dernière.

La cour d’appel avait fait droit aux allégations des salariés en condamnant l’employeur à leur payer ce treizième mois au motif que les salariés accomplissaient le même travail, pour le même employeur, sur le même site et que la différence de traitement n’était pas justifiée par des raisons objectives.

Un revirement de jurisprudence est opéré par la Cour de cassation qui considère que lors d’un transfert conventionnel de contrat de travail, la différence de traitement entre les salariés transférés et ceux déjà présents n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et est automatiquement justifiée au regard du principe d’égalité de traitement.

Il n’est donc plus envisageable pour un salarié de soulever une inégalité de traitement dès lors que son contrat a fait l’objet d’un transfert par voie conventionnelle.

Les juges transposent donc la jurisprudence relative à la présomption de justification des inégalités de traitement relevant d’un accord collectif tout en tenant compte de l’évolution de la législation.

Ce n’est plus une simple présomption, la différence de traitement est considérée comme étant justifiée dès lors qu’elle relève de la voie conventionnelle. La cour de cassation n’évoquant pas la notion de différence de rémunération mais plus généralement celle de différence de traitement, nous pouvons considérer que toute différence de traitement est justifiée.

Cour de cassation, chambre sociale, 30 novembre 2017, n° 16-20.532 (lors d’un transfert conventionnel de contrat de travail, la différence de traitement entre les salariés transférés et ceux déjà présents n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et est automatiquement justifiée au regard du principe d’égalité de traitement)
Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

Leslie Lacalmontie

Juriste-rédactrice