Transfert d’entreprise : quelles conséquences pour les salariés ?
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Votre entreprise prend de l’envergure et vous souhaitez asseoir son activité en rachetant une entreprise concurrente, votre grand-oncle oublié vient de vous léguer son entreprise, les actionnaires de votre groupe ont décidé de fusionner votre entreprise avec une autre dont l’activité est complémentaire, vous reprenez à votre compte l’activité de l’entreprise dont vous étiez prestataire…
Autant de situations différentes soumises à une règle unique : si l’entreprise change de mains, les salariés suivent. Vous êtes leur nouvel employeur.
Cette règle, mise en place par la loi et largement étendue par la jurisprudence, vise à préserver autant que possible les contrats de travail, et donc les salariés, lorsque la situation juridique de leur entreprise est modifiée.
Mais cela ne vous empêche pas pour autant, en tant que nouvel employeur, de faire évoluer les relations de travail, dans le respect des règles prescrites.
Quelles sont les situations concernées ?
Outre les cas prévus par la loi (transmission, cession, fusion, transformation du fonds et mise en société), les tribunaux appliquent les règles de protection des salariés de manière extensive. C’est le cas notamment lorsque les employeurs se succèdent à la tête d’une entreprise sans qu’il y ait nécessairement un lien juridique entre eux (cas de la donation de l’entreprise ou de la location-gérance par exemple).
Un accord collectif d’entreprise peut également prévoir le transfert des salariés en cas de succession d’employeurs (prestataire reprenant à son compte l’activité de l’entreprise par exemple).
Il est donc fort probable que vous soyez soumis au respect de ces règles. Certaines conditions doivent toutefois être remplies.
Conditions du transfert. Les règles relatives au transfert d’entreprise ne s’appliquent qu’à la condition que l’entreprise, en tant qu’entité économique :
- conserve son autonomie ;
- conserve son identité (membres de la direction, matériel, clientèle, locaux, etc.) ;
- poursuive son activité ou une partie de celle-ci.
Ainsi, le transfert de l’entreprise ou de l’activité doit s’accompagner du transfert des locaux, du matériel, de la clientèle, des marques et brevets, etc. Elle doit également s’accompagner du transfert du personnel affecté à l’activité concernée.
Que deviennent les salariés ?
Dans les cas prévus par la loi. En cas de transfert d’entreprise, tous les contrats de travail en cours sont transférés au nouvel employeur, c’est-à-dire à vous. Les contrats suspendus (congé maternité, arrêt de travail pour accident ou maladie professionnels, formation, etc.) sont également concernés.
Attention, en cas de transfert partiel de l’entreprise ou d’une activité, seuls les contrats affectés à l’activité sont transférés.
Ce transfert est automatique : il s’opère de plein droit. Cela veut dire qu’il s’impose à vous, mais également aux salariés, qui n’ont pas à donner leur accord ou leur avis sur le transfert.
Si le salarié refuse de poursuivre le contrat avec vous, il sera responsable de la rupture : son refus constitue un motif de licenciement.
Si c’est vous qui refusez de poursuivre les contrats de travail en cours, la rupture qui interviendra sera de votre fait. Vous devrez en supporter les conséquences financières (licenciement sans cause réelle et sérieuse par exemple).
En cas de transfert prévu par un accord collectif de branche. Cet accord s’impose à vous. Le transfert s’opérera selon les termes fixés par l’accord (salariés concernés, maintien des avantages, etc.).
Cette situation est souvent prévue en cas de changement de prestataire. Par exemple, la convention collective des entreprises de propreté prévoit ce cas si le marché de nettoyage accordé à une entreprise est dévolu à un nouveau prestataire.
Dans cette hypothèse, chaque salarié doit accepter, de manière expresse et individuelle, le transfert de son contrat de travail au nouvel employeur. Le refus du salarié ne peut pas constituer un motif de licenciement.
Pensez à consulter votre convention collective afin de voir si elle comporte des dispositions dans ce domaine.
Que les contrats soient à durée indéterminée ou déterminée, qu’ils soient suspendus ou non, ils continuent à être exécutés de la même manière qu’avant le changement d’employeur. Votre marge de manœuvre sur ce point est très réduite.
Maintien de l’ancienneté. Les années de service accomplies par les salariés chez l’ancien employeur restent acquises, notamment pour l’indemnité de départ à la retraite, le calcul du préavis et l’indemnité de licenciement.
En cas de départ du salarié, vous devrez lui délivrer un certificat de travail tenant compte de l’ancienneté acquise au service de l’ancien employeur.
Maintien des droits et des obligations. Le salarié conserve sa rémunération, sa qualification et, plus généralement, tous les droits (mais aussi obligations) issus du contrat de travail. Les clauses restent valables (non-concurrence, dédit-formation, etc.). Les avantages acquis doivent être maintenus (prime de 13e mois, jours de congés supplémentaires, etc.), même s’ils n’existent pas dans l’entreprise qu’ils intègrent.
Les dates de congés payés qui ont été arrêtées avant le transfert restent valables pour le nouvel employeur.
Si des arriérés de salaire (salaires échus et cotisations sociales non payés) sont dus, vous devez les payer (vous pourrez ensuite en demander le remboursement à l’ancien employeur).
Attention, certaines dettes doivent être obligatoirement payées par l’ancien employeur, et non par vous : les indemnités pour licenciement antérieur au transfert, les rappels de salaire pour les contrats rompus, les dommages et intérêts dus par la faute de l’ancien employeur.
Aménagement des conditions de travail. Vous avez la possibilité, si vous le jugez nécessaire, d’aménager les conditions de travail des salariés. Ce pourra être le cas, par exemple, lors d’une fusion de deux entreprises, afin d’harmoniser les rythmes et méthodes de travail pour l’ensemble des salariés.
Si vous modifiez les conditions de travail, c’est-à-dire des éléments qui ne sont pas inscrits dans le contrat de travail (modification des horaires de travail ou changement de poste par exemple), ce changement s’impose aux salariés, qui ne peuvent pas s’y opposer.
Si, en revanche, vous souhaitez modifier un élément du contrat de travail (durée du travail, rémunération, etc.), vous devrez alors recueillir l’accord du ou des salariés concernés. Si le salarié refuse la modification, vous avez le choix entre renoncer à la modification ou prendre l’initiative d’une procédure de licenciement (il vous faudra alors justifier d’un motif, qui ne peut en aucun cas être le refus).
Attention : la modification du contrat de travail ne peut pas avoir pour effet de faire renoncer le salarié à l’ancienneté qu’il avait acquise auprès de son ancien employeur.
Que deviennent les représentants du personnel ?
Le transfert automatique et de plein droit des contrats de travail s’impose tant aux représentants du personnel qu’aux autres salariés non titulaires de mandat.
Sauf quelques exceptions entraînant l’aménagement des fonctions, les mandats des délégués syndicaux, des délégués du personnel et des membres élus du comité d’entreprise subsistent.
Ce n’est qu’en cas de disparition de l’établissement (ex. : par absorption dans une nouvelle structure) que les mandats prennent fin.
Cas particulier du transfert partiel. En cas de transfert partiel d’une entreprise ou d’un établissement, le transfert des salariés protégés appartenant à l’effectif de cette entité nécessite l’autorisation préalable de l’Inspection du travail, qui vérifie que l’opération n’a pas pour but de mettre fin aux mandats.
En cas de refus de l’inspecteur du travail, le salarié protégé doit conserver son poste ou un poste similaire dans l’entreprise d’origine.
Pouvez-vous procéder à des licenciements ?
Une fois le transfert intervenu, vous n’êtes pas privé du droit de licencier les salariés passés à votre service si vous estimez qu’une réorganisation est nécessaire.
Mais attention, le motif du licenciement, qu’il soit personnel ou économique, doit être réel et sérieux. Soyez particulièrement vigilant sur ce point, notamment si les licenciements interviennent peu de temps après le transfert des contrats.
En effet, la cause du licenciement ne doit pas provenir du transfert des contrats. Les licenciements intervenus juste avant ou juste après le transfert peuvent être considérés comme nuls par le juge.
Concrètement, le licenciement qui n’est pas justifié par une réorganisation légitime est sans cause réelle et sérieuse.
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