Travailleurs détachés : opposabilité du certificat A1 même en cas d’erreur manifeste d’appréciation

Publié le 28/02/2018 à 08:00, modifié le 06/03/2018 à 09:12 dans Embauche BTP.

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Le certificat A1 permet d’attester que les salariés détachés sont rattachés au régime de Sécurité sociale de l’Etat d’origine pour le versement des cotisations de Sécurité sociale. La validité de ce document peut-elle être remise en cause par l’URSSAF ou les juridictions françaises en cas de doute sur la réalité du détachement ?

Travailleurs détachés : le certificat A1 confère une présomption de régularité du détachement pour les salariés

L’entreprise qui souhaite détacher ses salariés en France doit respecter certaines obligations. Elle doit notamment :

  • effectuer une déclaration de détachement préalable auprès de l’inspection du travail ;
  • désigner un représentant de l’entreprise qui sera présent sur le territoire français pendant la durée du détachement ;
  • adhérer à une caisse de congés payés et intempéries pour les entreprises relevant du secteur du BTP.

En principe, en matière de régime de Sécurité sociale, quelle que soit la nationalité de l’entreprise ou celle des travailleurs, le principe de territorialité prévaut. Par conséquent, la législation de l’Etat membre où s’exerce l’activité professionnelle est applicable.

Toutefois, en application de règlements européens, les travailleurs détachés des Etats membres, demeurent affiliés au régime de Sécurité sociale de l'Etat d’origine dans lequel ils ont leur activité habituelle tant que le détachement n'excède pas 24 mois. Ainsi, une entreprise d’un Etat membre qui détache ses salariés en France, ne sera pas soumise à la législation française pour le versement des cotisations.

Les salariés détachés doivent également se voir délivrer un certificat de détachement (anciennement certificat E101, devenu A1) par les institutions compétentes du pays d’origine. Ce formulaire atteste de la législation applicable et prouve que les cotisations de Sécurité sociale n'ont pas à être versées dans l'État où est exercée l'activité professionnelle du salarié détaché.

Ce certificat s’impose aux autres Etats membres tant qu’il n’a pas été invalidé ou retiré par les organismes de l’Etat membre qui l’ont établi.

Des difficultés peuvent apparaître lorsque la réalité du détachement est contestée par les institutions de l’Etat d’accueil.

Travailleurs détachés : les institutions et juridictions de l’Etat membre ne peuvent remettre en cause unilatéralement la validité du certificat A1

Dans une récente affaire, une entreprise ayant son siège en Allemagne et une succursale établie à Coire sur le territoire de la Confédération suisse, exploitait deux bateaux de croisière en France, sur le Rhône et la Saône.

A la suite d’un contrôle, l’URSSAF avait relevé des irrégularités relatives aux salariés occupant des fonctions hôtelières. Elle avait donc notifié à la société les chefs de redressement retenus. La société avait alors saisi la juridiction de Sécurité sociale d'une demande en annulation du redressement.

La société avait formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel. La Cour de cassation avait alors posé à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur l’opposabilité du certificat de détachement en cas d’erreur manifeste d’appréciation de la législation applicable.

Se fondant sur l’interprétation de la CJUE, la Cour de cassation précise que le certificat de détachement lie tant les institutions de Sécurité sociale de l'État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre.

Cette décision rappelle le principe du respect des compétences respectives des institutions de chaque Etat membre. Pour contester la validité du certificat A1, l’URSSAF devait s’adresser à l'institution suisse qui l’avait délivré.

La coopération s’avère donc nécessaire entre les Etats membres. En effet, l’organisme de Sécurité sociale du pays d’origine n’est pas tenu de remettre en cause la législation appliquée.

De plus, en cas d’erreur manifeste d’appréciation, l’impossibilité de rétablir la législation applicable par les institutions et juridictions de l’Etat membre d’accueil pourrait donner lieu à des pratiques de détachement non conformes.

Néanmoins, en l'absence d'accord sur l'appréciation des faits litigieux, les institutions de l’Etat membre peuvent saisir la commission administrative pour la Sécurité sociale des travailleurs migrants. Cette commission est chargée de traiter les questions administratives ou d'interprétation découlant des dispositions du règlement 987/2009, et de promouvoir la collaboration entre les États membres en matière de Sécurité sociale. Sa saisine a lieu au plus tôt, un mois après la date à laquelle l’institution qui a reçu le document a présenté sa demande. La commission s’efforcera de réaliser une conciliation dans un délai de 6 mois.

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Cour de cassation, Assemblée plénière, 22 décembre 2017, 13-25.467 (opposabilité du certificat de détachement à l’Urssaf et aux juridictions françaises, même en cas d’une erreur manifeste d’appréciation)
Règlement CE 883/2004 du 29 avril 2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale
Règlement CE 987/2009 du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement 883/2004

Ursula Akue-Goeh

Juriste en droit social