Travailleurs détachés : une obligation de vigilance des donneurs d’ordre portant également sur le régime de Sécurité sociale
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Travailleurs détachés : le régime de Sécurité sociale applicable
L’affaire soumise devant la Cour de cassation concerne plusieurs salariés de nationalité polonaise et demeurant en Pologne détachés sur le territoire français. Ces salariés étrangers avaient été mis à disposition d’une entreprise de Travaux publics française par une entreprise de travail temporaire de droit chypriote.
Problème : les certificats E101/A1 délivrés par l’organisme de Sécurité sociale de l’Etat d’établissement de l’employeur, c’est-à-dire l’Etat Chypriote, ont été retirés.
La question alors soumise auprès de la Cour de cassation est de déterminer quel est l’organisme de Sécurité sociale compétent : le régime français qui correspond au lieu de travail des salariés détachés ? Le régime polonais qui correspond à la nationalité des salariés détachés ? Le régime chypriote qui correspond au lieu d’établissement de l’employeur des salariés détachés ?
Pour mémoire, le formulaire E101/A1 a été mis en place par un règlement Européen en date du 14 juin 1971 et est utilisé par les salariés détachés afin de leur permettre d’attester de la législation applicable lorsqu’ils ne sont pas affiliés dans le lieu d’exécution du travail.
Comme le rappelle la Cour de cassation, ce formulaire a pour objectif « de soumettre les travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de l’Union européenne au régime de la Sécurité sociale d’un seul Etat membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités ».
Selon la réglementation européenne mise en place, plusieurs principes sont établis :
- la règle générale est celle de l’application de la législation de l’Etat d’exercice de l’activité salariée. Deux situations font toutefois exception à ce principe :
- le travail détaché,
- l’exercice normal d’une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres ;
- lorsque l’une de ces deux exceptions s’applique, l’institution de Sécurité sociale compétente est celle de l’Etat où l’employeur exerce normalement son activité ;
- toutefois, si le salarié exerce une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres, l’institution de Sécurité sociale compétente est celle de l’Etat membre de résidence de la personne concernée.
La Cour de cassation rappelle également que l’institution de Sécurité sociale à qui il est demandé la délivrance du certificat E101/A1 doit vérifier :
- si une situation de détachement est caractérisée ;
- si la législation applicable est celle de l’Etat membre de cette institution.
Toutefois, les institutions de Sécurité sociale où est accomplie l’activité peuvent ne pas être compétentes pour retenir l’application d’une loi autre que celle de leur Etat. Ainsi, en France, la Sécurité sociale ne peut pas définir une compétence autre que celle de l’Etat français.
Dans cette situation, la Cour de cassation considère qu’il convient de retenir, pour déterminer les règles de Sécurité sociale applicables, la législation de l’Etat membre où est exercée l’activité salariée.
C’est en application de ce raisonnement, que la Cour de cassation retient, dans l’affaire qui lui est soumise, l’application de la loi française pour déterminer les règles de Sécurité sociale applicables aux salariés détachés.
Travailleurs détachés : conditions de la responsabilité solidaire du donneur d’ordre
Dans l’affaire soumise devant la Cour de cassation, la société française de TP, donneur d’ordre de la société de travail temporaire chypriote, a été condamnée solidairement au titre du travail dissimulé.
La société de TP conteste cette condamnation en considérant que les conditions prévues à l’article L. 8222-5 du Code du travail, ne sont pas remplies.
Selon la version de cet article applicable au moment du constat de l’infraction, « le donneur d'ordre, informé par écrit par un agent de contrôle, qu’un sous-traitant ou un subdélégataire se trouve en situation de travail dissimulé doit enjoindre aussitôt son cocontractant de faire cesser cette situation. À défaut, il est tenu solidairement au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges ».
La société de TP considère que cet article ne couvre pas l’intervention d’une entreprise de travail temporaire en situation irrégulière et que la solidarité financière prévue ne porte pas sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
La Cour de cassation rejette ces deux arguments de la façon suivante :
- le Code du travail (art. L. 8222-2 3°) fait référence aux « rémunérations, indemnités et charges ayant fait l’objet d’un procès- verbal pour délit de travail dissimulé » ;
- le chapitre en question, intitulé « obligations financières des donneurs d’ordre et des maîtres d’ouvrages », instaure au bénéfice du Trésor, des organismes de Sécurité sociale et des salariés une garantie des créances dues par l’employeur qui est condamné pour travail dissimulé. Cette créance est ainsi garantie par les personnes qui recourent aux services de cet employeur condamné au titre du travail dissimulé et vise à prémunir les créanciers « du risque d’insolvabilité ».
Dans ces conditions, la société de TP qui était informée de l’intervention de la société de travail temporaire en situation irrégulière au regard des formalités vis-à-vis du régime de Sécurité sociale (absence de certificats E1010/A1), aurait dû lui enjoindre aussitôt de faire cesser cette situation en lui demandant d’effectuer les formalités nécessaires.
Cette mise en demeure n’ayant pas été réalisée, la société de TP est tenue solidairement au paiement des indemnités pour travail dissimulé.
Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2020, n° 18-24451
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