Un surnom peut laisser supposer l’existence d’une discrimination fondée sur l’origine

Publié le 03/10/2023 à 10:00 dans Contrat de travail.

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Une discrimination fondée sur l’origine est, à l’instar d’autres motifs, prohibée et réprimée par la loi. Dès lors, peut-elle prendre forme à travers l’usage d’un surnom dont la teneur renvoie à l’appartenance, véridique ou supposée, d’un salarié à une nation ? Retour sur la récente réponse formulée par la Cour de cassation.

Discrimination : rappel des règles de preuve applicables

Dès lors qu’il invoque l’existence d’une discrimination, le salarié bénéficie, au civil, d’un aménagement de la charge de la preuve.

Ce qui, dans un premier temps, le conduit à devoir exposer des éléments de fait laissant supposer l'existence d’une discrimination. Dès lors, ce dernier ne doit pas se limiter à de simples allégations. Il doit, au contraire, faire naître un « doute raisonnable dans l’esprit du juge ».

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Les preuves présentées par le salarié doivent être obtenues de manière loyale.

Si le juge constate la recevabilité des éléments présentés par le salarié, il vous revient, dans un second temps, de démontrer que votre agissement est, à l’inverse, justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mais alors, un salarié peut-il invoquer l’emploi d’un surnom à son égard au soutien de sa prétention ?

Discrimination fondée sur l’origine : l’usage d’un surnom peut permettre d’en présumer l’existence

La présente affaire s'amorce par le licenciement d’une salariée, alors employée en qualité d’opératrice de vidéocodage.

S’estimant victime de harcèlement moral et d’une discrimination en raison de son origine, cette dernière saisit le juge prud’homal de diverses demandes indemnitaires.

Elle reproche, entre autres, à sa supérieure hiérarchique de l’avoir surnommé « la libanaise » à plusieurs reprises. S’appuyant sur plusieurs attestations, la salariée met en avant que ces faits se sont produits, certes en sa présence, mais également en son absence.

Pourtant, ses demandes sont rejetées à hauteur d’appel. D’après les juges du fond, les propos en cause sont à l’évidence inappropriés. Toutefois, ces derniers estiment que la salariée aurait dû démontrer que cela avait entrainé une discrimination, c’est-à-dire une différence de traitement entre elle et les autres salariées.

La Cour de cassation casse logiquement l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris et en balaye les motifs.

Pour justifier sa décision, la Haute juridiction effectue deux rappels notables.

Tout d’abord, elle indique qu’une discrimination peut être caractérisée par tout agissement lié à un motif discriminatoire prohibé.

Elle précise ensuite que, contrairement à ce qui a été avancé par les juges d’appel, l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.

Partant de ces constats, la Cour de cassation en déduit que l’usage de ce terme constituait un élément permettant de supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’origine de la salariée.

L’affaire devra donc être rejugée.

Cette solution semble, à notre sens, transposable à l’usage d’autres surnoms dont le sens renverrait à d’autres motifs discriminatoires interdits (genre, état de santé, religion, âge, etc.). Inutile d'expliciter les innombrables et cinglants qualificatifs qui vous viennent à l'esprit, rappelons simplement que vous devez redoubler de vigilance sur les effets, trop souvent minimisés, de cette pratique courante.

Pour en savoir davantage sur la lutte contre les discriminations en milieu professionnel, les Editions Tissot vous suggèrent leur documentation « Gérer le personnel ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 20 septembre 2023, n° 22-16.130 (en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée était désignée parfois, soit directement devant elle, soit en son absence, comme « la libanaise », ce qui constituait un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'origine de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot