Un tiers à l’entreprise peut être dirigeant de fait !

Publié le 20/03/2012 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:22 dans Contrat de travail.

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La qualité de dirigeant de fait peut être retenue à l’encontre d’une personne extérieure à l’entreprise dès lors qu’elle dispose des pouvoirs sur le compte bancaire de l’entreprise, qu’elle en gère la trésorerie et recrute le personnel.

La notion de dirigeant de fait est utilisée pour sanctionner des personnes qui s’immiscent sans titre dans la gestion de l’entreprise. La direction de fait est en effet prise en compte pour appliquer à ces personnes la même réglementation et les mêmes sanctions et responsabilités que les dirigeants de droit.

Les dirigeants de fait ne sont définis par aucun texte mais cette notion s’est construite progressivement grâce à la jurisprudence : aujourd’hui, on peut retenir que le dirigeant de fait est celui qui, sans titre, s’immisce de manière active dans la gestion de la société pour accomplir des actes positifs de direction et de gestion.

Pour retenir cette qualification de direction de fait et assimiler la personne qui s’en est rendue coupable à un dirigeant de droit, les tribunaux retiennent aujourd’hui plusieurs indices et vérifient la nature, l’étendue et la réalité des pouvoirs réellement exercés :

  • en matière de gestion : décisions en matière d’investissement, signature des contrats, signature des déclarations fiscales et sociales, signature des comptes annuels, existence d’une délégation de pouvoirs donné par le dirigeant de droit, etc. ;
  • en matière financière : relations avec les banques, signature des chèques et des traites, procuration bancaire générale sur les comptes, engagement d’emprunts etc. ;
  • en matière de gestion du personnel : recrutement, autorité hiérarchique et disciplinaire, pouvoir décisionnel dans le licenciement et l’évolution des carrières et des salaires, etc. ;
  • en matière de stratégie d’entreprise : choix de passer ou non des marchés, fixation des prix pratiqués par l’entreprise, intervention dans les négociations avec ses partenaires, etc.

La plupart du temps, la qualité de dirigeant de fait va être retenue à l’encontre d’une personne qui appartient à l’entreprise : soit un mandataire social ou un associé, soit un salarié puisque l’existence d’un contrat de travail, qui suppose pourtant un lien de subordination juridique avec l’entreprise ne suffit pas à écarter la qualification de dirigeant de fait.

Cependant, la qualification de dirigeant de fait parfois peut être également retenue à l’encontre des personnes qui ne sont ni salariées de l’entreprise, ni mandataires sociaux.

Dans une affaire récente, les tribunaux ont reconnu la qualité de gérant de fait d’une SARL à un tiers à l’entreprise, qui n’avait ni la qualité de salarié, ni de détenteur d’un mandat social mais disposait de la carte bleue et de la signature sur le compte bancaire de la société, sur lequel il prélevait d’importantes sommes en engageant la trésorerie de l’entreprise comme un véritable dirigeant, opérait le recrutement du personnel et passait, pour l’administration fiscale, pour le dirigeant de la société.

Les juges assimilent en conséquence ce dirigeant de fait au dirigeant de droit de la SARL et afin d’engager sa responsabilité, retient une faute de gestion à son encontre.

Une fois de plus, la jurisprudence nous rappelle que la notion de dirigeant de fait est uniquement liée à l’existence ou non d’un pouvoir de direction, qui constitue le critère déterminant de sa définition, peu important le fait que la personne ait été extérieure à l’entreprise ou en ait été salariée ou mandataire social.


Sophie Valazza, Juriste


Cour d’appel, Paris, pôle 5, ch. 8, 18 octobre 2011, n° 10/25084