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Une convention collective peut-elle réserver aux mères un congé supplémentaire au congé maternité ?

Publié le 30/11/2020 à 07:07 dans Conventions collectives.

Temps de lecture : 4 min

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Une convention collective peut-elle réserver un congé supplémentaire de maternité aux mères, écartant de facto les pères de son bénéfice ? Pour le juge européen, la réponse est oui, dès lors qu'il est démontré que ce congé vise la protection des salariées au regard des conséquences de la grossesse et de leur condition de maternité.

Conventions collectives : un congé supplémentaire post maternité pour les femmes élevant elles-mêmes leur enfant

Suite à la naissance de son enfant, un salarié d'une caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), avait demandé à bénéficier du congé prévu à l’article 46 de la convention collective du personnel des organismes de Sécurité sociale :

« À l’expiration du congé [maternité], l’employée qui élève elle-même son enfant a droit successivement :

  • à un congé de trois mois à demi-traitement ou à un congé d’un mois et demi plein traitement ;
  • à un congé sans solde d’un an.

Toutefois, lorsque l’employée est une femme seule ou lorsque son conjoint se trouve privé de ses ressources habituelles (invalidité, maladie de longue durée, service militaire), elle bénéficiera d’un congé de trois mois à plein salaire ».

La CPAM avait refusé la demande du salarié, faisant valoir que cet avantage conventionnel était réservé aux travailleuses qui élèvent elles-mêmes leur enfant.

Un syndicat avait alors demandé à la direction de l’organisme d’étendre le bénéfice de ces dispositions aux travailleurs de sexe masculin qui élèvent eux-mêmes leur enfant.

Nouveau refus de la CPAM, au motif que, selon le libellé du texte conventionnel, le congé prévu n’est octroyé qu’à la mère de l’enfant, le terme « employée » étant au féminin. De plus, pour la CPAM, cette disposition n'était pas discriminatoire, dans la mesure où elle est accessoire à l’article 45 de la convention collective relatif au congé maternité, lequel n’accorde un avantage qu’aux femmes.

Le syndicat avait alors saisi les prud'hommes, lesquels ont saisi à leur tour la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). La question posée aux juges européens était celle de savoir si le droit communautaire exclut ou pas la possibilité de réserver aux travailleurs de sexe féminin qui élèvent elles-mêmes leur enfant un tel congé.

Conventions collectives : le congé supplémentaire peut être réservé aux femmes si son but est de protéger la maternité

La CJUE commence par rappeler que la directive européenne intitulée « principe d’égalité entre hommes et femmes » interdit toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur le sexe, en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail.

Ceci étant rappelé, la Cour estime que rien n'interdit à un Etat membre, après le congé légal de maternité, de réserver à la mère de l’enfant un congé supplémentaire, à une condition : ce congé doit viser celle-ci, non pas en sa qualité de parent, mais au regard tant des conséquences de la grossesse que de sa condition de maternité. En d'autres termes, le congé doit être destiné à assurer la protection de la condition biologique de la femme ainsi que des rapports particuliers qu’elle entretient avec son enfant au cours de la période postérieure à l’accouchement.

Dès lors, la disposition d'une convention collective qui exclut du bénéfice d’un tel congé supplémentaire un travailleur de sexe masculin qui élève lui-même son enfant n'est valable que si elle répond à cette dernière condition. En revanche, il y a une discrimination avérée si la disposition conventionnelle réserve ce congé aux femmes en leur seule qualité de parent.

Au final, pour le juge européen, la directive européenne « principe d’égalité entre hommes et femmes » ne s’oppose pas, en soi, à une convention collective nationale qui réserverait aux travailleuses qui élèvent elles-mêmes leur enfant le droit à un congé après l’expiration du congé légal de maternité.

Encore faut-il que ce congé supplémentaire vise la protection des travailleurs de sexe féminin au regard tant des conséquences de la grossesse que de leur condition de maternité. C'est là le rôle du juge national, qui devra, dans sa vérification, prendre en compte, notamment, les conditions d’octroi du congé, les modalités et la durée de celui-ci ainsi que le niveau de protection juridique qui y est relatif.

Arrêt de la CJUE, affaire C-463/19 du 18 novembre 2020


CJUE, 18 novembre 2020, n° C-463/19 (une convention collective peut, après le congé légal de maternité, réserver à la mère de l’enfant un congé supplémentaire, à la condition que ce congé vise celle-ci, non pas en sa qualité de parent, mais au regard tant des conséquences de la grossesse que de sa condition de maternité)