Une insuffisance dans le suivi de la charge de travail peut entraîner la nullité du forfait jours, même si l’on se fie à sa convention collective !

Publié le 08/11/2021 à 15:08 dans Conventions collectives.

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Signer une convention en forfait jours implique pour l’employeur d'être particulièrement vigilant, notamment quant aux dispositions relatives à la santé et à la sécurité du salarié. Et si s’appuyer sur sa convention collective peut être utile, attention à veiller à ce qu'elle contienne des garanties suffisantes. Faute de quoi, la sanction peut être lourde…

Conventions collectives : un litige autour du forfait jours d'un directeur d'agence

Un salarié avait été embauché par une banque en qualité d'agent administratif. A l'occasion de sa promotion en tant que directeur d'agence, il avait signé une convention de forfait jours prévoyant 206 jours de travail annuel.

Suite à sa démission, le salarié avait saisi les prud'hommes afin, notamment, d'obtenir la nullité de sa convention de forfait en jours. Il estimait que celle-ci contenait des garanties insuffisantes par rapport à sa santé et à sa sécurité.

Notez-le
Lorsque l'employeur signe une convention de forfait jours avec un salarié, il doit notamment veiller à :
- ce que la charge de travail de l'intéressé soit raisonnable et permette une bonne répartition dans le temps de son travail ;
- la bonne articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle du salarié.

Les juges du fond avaient rejeté la demande du salarié. Ils avaient analysé les dispositions relatives au forfait jours prévues par la convention collective du Crédit agricole qui lui était applicable.

Les juges avaient ainsi rappelé que la convention collective et son annexe 2 autorisent la signature d'une convention de forfait pour un cadre du niveau de responsabilité et d'autonomie du salarié.

Ils avaient ensuite souligné que la convention de forfait en jours signée par le salarié prévoyait :

  • que la durée quotidienne de travail devait rester en moyenne inférieure à la durée maximale prévue pour les personnes dont le décompte du temps de travail s'effectue en heures, soit alors 10 heures ;
  • qu'en cas de situation durable d'amplitude journalière forte de travail, un point serait fait avec la hiérarchie pour rechercher des moyens d'y remédier ;
  • et que le salarié bénéficiait, au-delà des 2 jours de repos hebdomadaires consécutifs dont le dimanche, de 56 jours de congés dans l'année, compte tenu d'un droit à congé payé complet.

En d’autres termes, pour les juges du fond, les dispositions que contenait le forfait jours remplissaient les exigences en matière de protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Conventions collectives : nullité du forfait jours dépourvu de suivi effectif et régulier par l'employeur de la charge de travail

Mais, saisie à son tour, la Cour de cassation n'a pas été de cet avis.

La Cour commence par rappeler que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. Un principe qui implique que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Or, la Cour souligne que les dispositions de l'annexe 2 de la convention collective du Crédit agricole se bornent à prévoir que :

  • le nombre de jours travaillés dans l'année est au plus de 205 jours, compte tenu d'un droit à congé payé complet ;
  • le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d'un bilan annuel, défini dans l'accord ;
  • un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail, notamment les 11 heures de repos quotidien, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Pour la Cour de cassation, le constat est sans appel : ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé. Par conséquent, la convention de forfait en jours était nulle.

Notez-le
Depuis la loi travail, l’employeur peut prendre des mesures pour garantir la santé et la sécurité des salariés en forfait jours. Et par conséquent ne pas subir les lacunes de son accord conventionnel en la matière (C. trav. art. L. 3121-65).


Cour de cassation, chambre sociale, 13 octobre 2021, n° 19-20.561 (toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires)