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Une salariée m’annonce qu’elle est enceinte : quels sont ses droits pendant sa grossesse ?

Publié le 24/04/2017 à 07:15, modifié le 28/07/2017 à 14:26 dans Contrat de travail.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

L’une de vos salariées vient de vous apprendre qu’elle attend un heureux évènement. Vous vous demandez donc quels sont ses droits pendant le déroulement de la grossesse.

Il est tout d’abord utile, avant d’aborder les différents droits de la femme enceinte, de rappeler qu’en tant qu’employeur, vous ne devez en aucun cas prendre en considération l’état de grossesse de votre salariée pour prendre une décision (accès à une formation, promotion, mutation, affectation, rémunération, rupture de la période d’essai, etc.). Dans le cas contraire, cette mesure est considérée comme discriminatoire (Code du travail, art. L. 1132–1).

La salariée enceinte peut-elle refuser d’effectuer certaines tâches, missions ou travaux ?

La salariée qui attend un enfant peut bénéficier d’un changement temporaire d’affectation :

  • si son état de santé médicalement constaté l’exige, elle est peut être affectée temporairement dans un autre emploi, et ce, à son initiative ou à la vôtre (Code du travail, art. L. 1225–7).
    Si vous n’êtes pas d’accord avec votre salariée, seul le médecin du travail peut établir la nécessité médicale du changement d’emploi et l’aptitude de celle-ci à occuper le nouvel emploi envisagé. Sachez que l’affectation dans un autre établissement est subordonnée à l’accord de l’intéressée.
    Cette affectation temporaire ne peut excéder la durée de la grossesse et prend fin dès que l’état de santé de la salariée lui permet de retrouver son emploi initial ;
  • sur demande de la salariée qui travaille habituellement de nuit ou lorsque le médecin du travail constate par écrit que le poste de nuit est incompatible avec son état, une affectation à un poste de jour doit être mise en place pendant la durée de la grossesse (Code du travail, art. L. 1225–9). Là encore, si vous envisagez une affectation dans un autre établissement, la salariée doit donner son accord.
    Si vous ne pouvez pas lui proposer un autre emploi, vous devez faire connaître les motifs qui s’opposent à une nouvelle affectation à la salariée et au médecin du travail, et ce, par écrit. Dans un tel cas, le contrat de travail de votre collaboratrice est suspendu jusqu’au congé de maternité et celle-ci perçoit une allocation journalière versée par la CPAM ainsi qu’une indemnité complémentaire à votre charge qui correspond, pendant les 30 premiers jours à 90 % de la rémunération brute que la salariée aurait perçue, puis pendant les 30 jours suivants, au 2/3 de cette même rémunération (Code du travail, art. D. 1226–1) ;
  • lorsque la salariée occupe un poste de travail l’exposant à certains risques (exposition à certains agents chimiques dangereux, au virus de la rubéole ou de la toxoplasmose, etc.), vous êtes tenu de lui proposer un autre emploi compatible avec son état, au besoin par la mise en oeuvre de mesures temporaires telles que l’aménagement de son poste de travail ou son affectation dans un autre poste de travail (Code du travail, art. L. 1225–12 et suivants). Tenez compte des conclusions écrites du médecin du travail. Si cela est impossible, le contrat de travail est suspendu dans les conditions susmentionnées.

Ces changements ne doivent entraîner aucune diminution de la rémunération.

La salariée peut-elle bénéficier d’une réduction de sa durée du travail durant la grossesse ?

Aucune disposition légale n’accorde à la salariée enceinte une réduction de sa durée du travail.
Pour autant, de très nombreuses conventions collectives sont plus favorables dans ce domaine et permettent à la salariée qui attend un bébé, par exemple, de :

  • sortir plus tôt ou arriver plus tard au travail ;
  • prendre des pauses, etc.

Vous devez donc vérifier l’ensemble des dispositions conventionnelles (convention collectives et accords collectifs) qui s’appliquent à votre entreprise, ainsi que les usages de votre profession.

De surcroît, rien ne vous empêche de vous arranger avec votre salariée, même en l’absence de dispositions plus avantageuses.

Pendant la grossesse, la salariée peut-elle bénéficier d’autorisation d’absences ?

Votre salariée, dès lors qu’elle est enceinte, a le droit de s’absenter pendant ses heures de travail, afin de se rendre aux 7 examens médicaux obligatoires dispensés dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse (Code du travail, art. L. 1225–16). Pour cela, elle doit avoir médicalement attesté son état de grossesse (remise d’un certificat médical).

Les rendez-vous médicaux concernés sont les suivants (Code de la santé publique, art. R. 2122–1) :

  • le premier examen médical prénatal qui a lieu avant la fin du 3e mois de grossesse (échographie) ;
  • 6 autres examens ayant lieu à une périodicité mensuelle à partir du 4e mois de grossesse et jusqu’à l’accouchement.

Ces absences n’entraînent aucune baisse de la rémunération et sont considérées comme du temps de travail effectif pour la détermination des congés payés et au titre de l’ancienneté.

Vous ne pouvez en aucun cas refuser d’autoriser votre salariée à se rendre à ces examens médicaux. Pour autant, si vous le souhaitez, vous pouvez lui demander un justificatif pour son absence.

De plus, votre salariée va pouvoir, en fin de grossesse, s’arrêter de travailler car elle a droit à un congé de maternité (Code du travail, art. L. 1225–17). La durée de ce congé varie selon le nombre d’enfants à naître et déjà à la charge de la salariée (entre 16 semaines pour la salariée qui attend un seul enfant et qui en a, au plus, 2 à charge et 46 semaines pour la salariée enceinte de triplés ou plus).

Vous devez vérifier les dispositions conventionnelles applicables à votre entreprise car elles peuvent prévoir un nombre d’absences plus élevé ou un congé de maternité plus long ou mieux indemnisé, que vous êtes tenu de respecter et d’accorder à votre salariée.

Puis-je licencier une salariée qui attend un enfant ?

La salariée bénéficie, pendant sa grossesse, d’une protection contre le licenciement.

En effet, lorsque votre salariée est enceinte (grossesse médicalement attesté), vous ne pouvez rompre son contrat de travail (rupture du CDD, licenciement) pendant (Code du travail, art. L. 1225–4) :

  • la grossesse ;
  • l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit ;
  • les congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ;
  • les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Néanmoins, si celle-ci commet une faute grave, non liée à l’état de grossesse, ou si vous êtes dans l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif toujours étranger à l’état de grossesse (suppression du poste pour motif économique, etc.), alors vous pouvez envisager le licenciement.

Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail. La protection contre le licenciement est donc totale pendant toute la période de suspension.

Sachez également que vous ne pouvez pas entamer la procédure de licenciement pendant cette période. Il vous est interdit, pendant la période de suspension du contrat de travail, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif (personnel ou économique), mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

Si vous passez outre la protection contre le licenciement, vous prenez un gros risque car le licenciement sera, à n’en pas douter, considéré comme nul et vous serez condamné au paiement (Code du travail, art. L. 1225–71) :

  • de diverses indemnités selon la typologie du licenciement prononcé (si elle ne sollicite pas sa réintégration, une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des 6 derniers mois lui est accordée) ;
  • des salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité ;
  • d’éventuels dommages et intérêts.
Notez-le
Si la salariée décide de rompre son contrat de travail et que son état de grossesse est médicalement attesté, elle peut démissionner sans avoir à effectuer une période de préavis.

Ainsi, une salariée enceinte dispose de plusieurs droits. Respectez-les !