Usage : quand l’octroi d’une prime à ses salariés devient-il une obligation ?

Publié le 10/03/2017 à 08:00, modifié le 26/11/2020 à 15:49 dans Rémunération BTP.

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Le fait d’octroyer chaque année ou à une périodicité récurrente une prime à vos salariés peut vous contraindre à considérer celle-ci comme une obligation. On parle alors d’un usage. Toutefois, celui-ci ne peut être reconnu que sous certaines conditions. Illustration avec une décision de la Cour de cassation relative à un ouvrier du Bâtiment.

Usage : trois critères à respecter pour que l’usage soit reconnu

Pour être considéré comme un usage un avantage ou un élément de rémunération doit notamment respecter trois critères qui sont la généralité, la fixité et la constance.

La généralité s’entend par l’octroi de l’avantage ou l’élément de rémunération à l’ensemble du personnel ou à une catégorie de celui-ci (ouvrier, ETAM ou cadres).

La constance se caractérise par le respect d’une certaine périodicité. Il ne faut pas que ce soit un acte occasionnel.

Enfin, l’avantage doit être fixe dans son montant ou son mode de calcul. Il peut s’agir d’un pourcentage du salaire annuel par exemple.

Par exemple, si vous octroyez depuis plusieurs année une prime de noël à l’ensemble de vos salariés (ouvriers, ETAM, cadres), selon le même mode de calcul fixé à l’avance, il semble évident que les critères permettant de reconnaître la pratique comme usage sont remplis.

Vous pouvez toutefois sans vous justifier, mettre fin à un usage à condition de respecter une procédure dite de dénonciation. Il ne faut pas cependant que cela résulte de mauvaises intentions comme le fait de vouloir influencer les salariés sur un droit de grève. Si l’usage est indiqué dans le contrat de travail il faut alors obtenir l’accord du salarié.

La dénonciation d’un usage se fait en informant par écrit et individuellement les salariés ainsi que les institutions représentatives du personnel si elles existent.

Il faut également que cette dénonciation se fasse en respectant un délai de prévenance suffisant. Aucun texte ne définit de délai. En cas de contestation d’un salarié, ce sera au juge de décider si le délai de prévenance est suffisant.

Nous vous proposons un modèle de lettre annonçant aux salariés la suppression d’un usage d’entreprise relatif au versement d’une prime. Ce modèle est extrait de la documentation « Formulaire social BTP commenté » dans laquelle vous trouverez d’autres modèles notamment pour convoquer et informer vos représentants du personnel de la dénonciation de l’usage.

Usage : la preuve du caractère fixe de la prime

La suppression d’une prime ou d’un avantage salarial par l’employeur peut être contestée par un salarié si celui-ci pense bénéficier d’un usage. Néanmoins encore faut-il prouver que les 3 critères de l’usage sont réunis.

C’est ce qu’a tenté de faire un ouvrier du Bâtiment qui s’est vu privé de primes régulièrement versées pendant près de 10 ans.
En effet l’employeur avait stoppé le versement d’une prime de fin d’année et d’une prime exceptionnelle régulière.
La convention collective du Bâtiment ne prévoit pas le versement de telles primes et celles-ci n’étaient pas non plus prévues par le contrat de travail. Le salarié a donc tenté de faire reconnaitre un usage.

Toutefois, ces primes étaient basées sur les résultats de l’entreprise et n’étaient jamais du même montant. L’employeur considérait donc ces primes comme exceptionnelles et a jugé qu’il pouvait y mettre fin.

Le salarié a au contraire tenté de faire valoir qu’il s’agit bien d’une prime fixe, constante et générale. Il estimait en effet que le caractère de fixité d’une prime d’usage porte sur ses conditions de détermination, ce qui n’est pas exclusif d’une part de variabilité.

Mais les juges ont estimé que le montant des primes n’étant jamais le même il s’agissait d’une prime discrétionnaire que l’employeur pouvait verser ou non. La preuve du caractère non seulement régulier, général, mais surtout fixe dans son montant de cette prime au fur et à mesure des années n’était ici pas réunie.

Julien Maciejasz

Cour de cassation, chambre sociale, 11 janvier 2017, n° 15–15.819 (faute de répondre aux critères de constance, de généralité ou de fixité, que ce soit dans le montant ou dans le mode de calcul, le paiement d’une prime exceptionnelle et d’une prime de fin d’année ne constitue pas un usage)