Vos décisions et celles de vos collaborateurs sont sous influence
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L’effet d’ancrage dans vos jugements
Dans son ouvrage de référence Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée, Daniel Kahneman montre que, lorsque vous devez faire un choix, vous faites intervenir deux processus dans votre cerveau. Un processus intuitif qui a l’avantage d’être rapide, et un processus réflexif bien plus lent que le premier. Le problème est que ce processus intuitif crée des biais de jugement, et pourtant c’est toujours lui qui est privilégié, à moins de s’obliger à en suspendre le fonctionnement au profit du second. Prenons l’exemple d’une situation où vous-même comme votre collaborateur pouvez tomber dans ces biais.
Vous souhaitez réfléchir avec un collaborateur sur un compte rendu à rendre et vous lui donnez un rendez-vous à une certaine heure. Or, imaginons qu’il arrive 15 minutes en retard. Ensuite, vous lui demandez de réaliser ce compte rendu sur PowerPoint. Or, il vous l’envoie en PDF, ce qui vous empêche de le modifier comme vous le souhaitiez. Dans ces deux cas vous êtes déçu et, surtout, vous risquez de tomber dans des considérations du type « il le fait exprès », « il n’est pas sérieux… pas organisé… pas ceci, pas cela ». Et vous trouverez sans doute que ces récriminations sont fondées. Regardons de plus près.
Votre jugement est le résultat de ce que Daniel Kahneman nomme un « effet d’ancrage. Une « ancre » est une information qui vous vient à l’esprit pour prendre votre décision. Le seul problème est que cette information vient de votre propre expérience mais peut aussi être influencée par des éléments extérieurs à vous-même, provenant de l’environnement. Vous-même, comme votre collaborateur, en êtes affectés.
L’effet d’ancrage réciproque
Voyons d’abord le côté collaborateur. Vous lui avez demandé de venir à une certaine heure. Mais sa ponctualité sera dépendante du niveau auquel il place cette notion. À ses yeux, un retard de 15 minutes peut ne pas être « si important que cela », c’est son « ancre » à lui. Cependant, cette ancre peut aussi être influencée par l’environnement au moment de la demande, tel que votre manière de l’avoir demandé, par exemple en ayant plaisanté, sans aucun lien avec cette exigence. Mais sa ponctualité sera aussi influencée par son vécu au moment de venir au rendez-vous. Par exemple, la réponse favorable d’un client à un devis, qui l’a mis dans un état de soulagement que Daniel Kahneman souligne comme propice à influencer nos décisions. En l’occurrence, lui faire considérer l’heure de rendez-vous comme « élastique »…
Voyons maintenant de votre côté, en tant que manager. A l’inverse exact de votre collaborateur, votre ancre à vous c’est « l’heure c’est l’heure », peu importe le motif du rendez-vous. Mais ce jugement que vous portez sur votre collaborateur peut aussi être le fruit de votre environnement à ce moment-là, alors qu’à un autre moment vous auriez pu être plus « compréhensif ». Par exemple, un résultat négatif de la part d’un autre collaborateur, qui vous met en difficulté, ou tout autre événement précédant votre estimation de la ponctualité de votre collaborateur. Daniel Kahneman, ainsi, montre que des aspects tels que des textes lus, ou même la météo, nous influencent dans nos décisions et nos jugements bien plus que nous ne le pensons. Ce n’est pas pour rien que les publicités abondent de mots et d’expressions qui positivent, enjolivent et rendent le monde plus beau.
Votre jugement est-il alors totalement infondé ?
Rassurez-vous, votre jugement sur « il a manqué de ponctualité » reste factuellement pertinent. En revanche, vos récriminations ne vous serviront pas à grand-chose si vous ne constatez pas que les décisions que votre collaborateur a prises étaient parfaitement fondées, à ses yeux à lui. Et c’est donc cela qu’il faut prendre en compte.
Pour cela deux réflexes importants. Tout d’abord être encore plus vigilant sur vos demandes. Il faut les exprimer avec le maximum de précisions, notamment quant aux critères de réalisation, ou sur l’importance qu’elles ont pour vous. Il aurait pu être souhaitable d’insister auprès de ce collaborateur sur la nécessité de sa ponctualité par rapport à votre propre planning. Secondement, si vous n’avez pas été précis, alors expliquez-lui ce qui est important pour vous si jamais la situation se reproduit dans le futur. Tout cela vous prémunira des conflits et de leur cortège d’incompréhensions et de frustrations qu’ils engendrent en chacun, tant manager que collaborateur.
Expert en communication interpersonnelle
20 ans d’expérience comme responsable commercial, puis comme directeur de la formation dans diverses grandes entreprises.
Consultant depuis 2004 en ingénierie pédagogique et spécialiste des domaines …
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