Absence d’élections partielles : les salariés peuvent-ils demander réparation ?

Publié le 03/12/2020 à 07:47 dans Fonctionnement des RP.

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Si l’employeur manque à son obligation d'organiser les élections partielles des représentants du personnel après le départ de certains élus, les salariés peuvent-ils obtenir des dommages et intérêts ? Pour la Cour de cassation, tout va dépendre du préjudice subi...

Le préjudice nécessaire : quelques explications

Depuis 2003, la chambre sociale de la Cour de cassation se démarquait de certaines de ses consœurs par l’application de sa théorie du préjudice nécessaire, selon laquelle certaines fautes de l’employeur constituaient nécessairement un préjudice au salarié ouvrant droit à réparation. Ce faisant, nul besoin pour le salarié de rapporter la preuve d’un quelconque préjudice, celui-ci étant nécessairement existant dès lors que certains manquements fautifs de l’employeur étaient caractérisés.

S’appuyant sur ce courant jurisprudentiel, la Haute Juridiction a alors décliné cette notion à un certain nombre de défaillances constatées de l’employeur, leur seul constat engageant la responsabilité de ce dernier.

C’est en 2016 que la chambre sociale de la Cour de cassation décida d’atténuer significativement cette notion en posant pour principe que « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ». (Cass. soc., 13 avril 2016, n° 14-28.293)

Partant, si un salarié qui entend obtenir réparation de son préjudice doit toujours démontrer le manquement fautif de l’employeur, il lui appartient désormais de prouver la réalité et l’ampleur de ce préjudice ainsi que son lien de causalité avec la faute.

Toutefois, la théorie du préjudice nécessaire survit toujours face à deux types de manquements de l’employeur :

  • la perte injustifiée de son emploi dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 13 septembre 2017 n° 16-13.578) ;
  • l’absence d’organisation des élections professionnelles privant ainsi le salarié de la possibilité de se faire représenter ou défendre. (Cass. soc., 17 octobre 2018, n° 17-14.932 – Cass. soc., 8 janvier 2020, n° 18-20.951).

Par analogie, il aurait été permis de penser que l’absence d’organisation des élections partielles causerait, elle aussi, nécessairement un préjudice, et pourtant…

L’absence d’élections partielles : la preuve nécessaire du préjudice

Pour rappel, des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur :

  • si un collège électoral n'est plus représenté ;
  • ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus,
    sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique (C. trav., art. L. 2314-10).

Dans cette affaire, alors que trois représentants du personnel sur quatre avaient quitté la société, l’employeur a attendu qu’un salarié le sollicite pour organiser les élections partielles.

Dans le cadre d’un contentieux prud’homal traitant du harcèlement moral et de la contestation de son licenciement, ce même salarié réclame alors l’octroi de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de la défaillance de son ancien employeur en matière d’élections partielles. Sur ce point, la demande du salarié est rejetée.

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel, en ayant constaté :

  • qu’un délégué du personnel était toujours présent, d’une part et,
  • que l’employeur a déclenché les élections partielles dès première demande du demandeur au pourvoi, d’autre part,

a pu en conclure que le salarié n’était pas privé d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts de sorte que celui-ci n’a pas su prouver l’existence d’un préjudice susceptible d’ouvrir droit à réparation.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2020, n° 19-12.775

C’est ainsi que les Hauts Magistrats complètent leur jurisprudence sur la notion de préjudice nécessaire en précisant « qu’il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice lorsque, l’institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l’institution représentative du personnel, les salariés n’étant pas dans cette situation privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ».

Notez-le
Il y a tout lieu de penser qu’une telle position serait pleinement transposable dans le cadre d’un CSE.


Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2020, n° 19-12.775 (la carence de l’employeur dans l’organisation des élections partielles ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié à qui il appartient d’en démontrer l’existence s’il entend obtenir réparation)

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Florent Schneider

Juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés