Accord d’entreprise minoritaire : la procédure de consultation des salariés s’assimile à une opération électorale
Temps de lecture : 5 min
La validité d’un accord d’entreprise se retrouve, dans certaines circonstances, suspendue à une approbation des salariés. Ce faisant, cette consultation doit être accomplie dans le respect des principes généraux du droit électoral. A défaut, un recours en justice peut être introduit dans les mêmes conditions qu’une contestation relative aux élections professionnelles.
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Validité d’un accord d’entreprise minoritaire : un mécanisme à double détente
La validité d’un accord d’entreprise peut être constatée de deux façons dans les entreprises pourvues d’un ou de plusieurs délégués syndicaux.
Il en va tout d’abord ainsi lorsque l’accord est signé par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés au 1er tour des dernières élections professionnelles. Dans cette circonstance, l’accord emprunte naturellement la qualification d’accord majoritaire.
Si, à l’inverse, les organisations syndicales signataires ne représentent pas la majorité des suffrages exprimés mais en recueillent tout de même plus de 30 %, l’accord est dit minoritaire et voit sa validité conditionnée à une approbation des salariés.
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Ces seuils de suffrages peuvent, le cas échéant, être atteints par une seule et unique organisation syndicale représentative.
En pratique, il revient prioritairement aux syndicats signataires d’exprimer, dans un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord, leur souhait de procéder à cette consultation ou bien leur opposition.
Lorsque ces dernières n’ont manifesté aucune intention à l’issue de ce délai, l’employeur peut personnellement solliciter l’organisation de ce référendum.
Cette demande, une fois formulée, ouvre une nouvelle période de 8 jours. Au cours de celle-ci, l’accord peut être signé par de nouvelles organisations syndicales représentatives et rallier, le cas échéant, la majorité précitée. Mais parallèlement, une organisation syndicale favorable à la consultation peut aussi rétropédaler et abandonner sa position initiale.
En somme, si au terme de cette période, la situation demeure inchangée, le scrutin doit être organisé dans un délai de 2 mois.
Accord d’entreprise minoritaire : les conditions de consultation des salariés
La consultation du personnel doit se dérouler dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon des modalités prévues par un protocole spécifique.
Conclu entre l'employeur et les syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages au 1er tour des dernières élections professionnelles, celui-ci doit fixer :
- les modalités d'information des salariés sur le texte de la convention ou de l'accord ;
- le lieu, la date et l'heure du scrutin ;
- les modalités d'organisation et de déroulement du vote (ex : vote électronique) ;
- le texte de la question soumise au vote des salariés.
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Le protocole ne doit pas être nécessairement conclu avec les syndicats signataires de l’accord soumis à consultation.
Ainsi, doivent être consultés tous les salariés qui remplissent les conditions pour être électeur, qu’importe leur intégration dans le champ d’application de l’accord.
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Une exception existe toutefois à l’égard des accords catégoriels, c’est-à-dire réservés à un seul collège électoral (ex : cadres).
Les salariés doivent être informés au moins 15 jours avant la date prévue du scrutin :
- de l'heure et de la date de celui-ci ;
- du contenu de l'accord ;
- et du texte de la question soumise à leur vote.
Dès lors, cette consultation, nécessairement réalisée pendant le temps de travail, débouchera sur la validation de l’accord collectif s'il est approuvé par la majorité des suffrages exprimés. Dans le cas contraire, l'accord sera réputé non écrit.
Ce processus de consultation n’échappe pas pour autant au risque de contentieux. Que la contestation porte sur l’électorat ou la régularité de la consultation, la solution, récemment rappelée par la Cour de cassation, reste la même : le justiciable doit saisir le tribunal judiciaire par voie de requête.
Bon à savoir
Les délais de saisine sont néanmoins différents :
- 3 jours suivant la publication de la liste électorale si la contestation porte sur l'électorat ;
- 15 jours suivant la consultation si la contestation porte sur sa régularité.
Contestation relative à la consultation des salariés : la saisine du tribunal judiciaire s’opère par voie de requête
Dans cette affaire, une entreprise procède à la consultation de son personnel afin de faire valider deux accords collectifs signés le 31 décembre 2020.
Un protocole d’accord relatif à l’organisation de ce référendum est alors conclu le 1er mars 2021. Le scrutin se déroule entre le 17 et le 19 mars.
Le 1er avril 2021, un syndicat invoque l’existence d’irrégularités dans le déroulement de la consultation et en sollicite l’annulation. Il saisit à cette fin le tribunal judiciaire de Point-à-Pitre par requête.
Seulement, les juges déclarent cette demande irrecevable. Pour ces derniers, le tribunal ne pouvait être saisi que par voie d’assignation ou de requête conjointe. Ce qui, notamment, impliquait l’obligation d’être représenté par un avocat.
Cette analyse est toutefois censurée par la Cour de cassation.
Rappelant que la consultation des salariés se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral, elle déduit que le tribunal judiciaire doit être saisi dans les mêmes conditions qu’une contestation portant sur l’électorat ou la régularité des opérations électorales. C’est-à-dire par voie de requête, conformément aux articles R. 2232-5 et R. 2314-24 du Code du travail. Hypothèses qui, de surcroît, suspendent l’obligation d’être représenté par un avocat.
Par conséquent l’affaire devra être rejugée.
Pour en savoir davantage sur les conditions de conclusion d’un accord d’entreprise, les Editions Tissot vous proposent leur documentation « CSE ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 18 octobre 2023, n° 21-60.159 (les contestations relatives aux consultations des salariés appelés à se prononcer sur la validation d'un accord d'entreprise, qui se déroulent dans le respect des principes généraux du droit électoral, sont formées par voie de requête, les parties étant dispensées de constituer avocat)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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