Action collective et défense individuelle des salariés : jusqu'où un syndicat peut-il intervenir ?
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Lorsque des irrégularités affectent l’intérêt collectif d’une profession, le syndicat qui la représente peut agir en justice. Mais peut-il, à cette occasion, réclamer la régularisation des situations individuelles des salariés découlant de cette irrégularité ?
Action collective d’un syndicat : la possibilité de dénoncer une irrégularité
Les syndicats professionnels ont le droit d'intenter une action en justice et peuvent, à ce titre, exercer les droits réservés à la partie civile pour des faits causant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent (Code du travail, art. L. 2132-3).
Ainsi un syndicat peut saisir le juge pour dénoncer une irrégularité commise par l'employeur au regard :
de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ;
du principe d’égalité de traitement.
Il est également recevable à demander des dommages-intérêts pour réparer le préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, et peut demander la cessation de l’irrégularité contestée.
Le syndicat peut-il toutefois demander la régularisation de la situation individuelle des salariés concernés ?
Action collective d’un syndicat : l’impossibilité de demander la régularisation de la situation individuelle des salariés
Le syndicat qui agit dans l'intérêt collectif de la profession ne peut pas demander au juge de régulariser la situation individuelle des salariés concernés (correction d'un retard de promotion ou d'un retard de salaire par exemple).
Ce type de demande relève en effet du droit individuel de chaque salarié à défendre ses propres intérêts, et non de l'action collective d'un syndicat.
C’est ce qu'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 6 novembre 2024.
Illustration
Dans cette affaire, un syndicat avait saisi le tribunal judiciaire afin qu’il condamne une société à respecter les dispositions d’un accord collectif. Il réclamait également que les salariés concernés par la violation de l'accord collectif soient repositionnés à un échelon correspondant à leur ancienneté, que les salaires soient réajustés rétroactivement et que la société leur verse des dommages-intérêts.
En cassation, les juges se sont prononcés sur la capacité à agir des syndicats, rappelant les règles précitées relatives au droit d’action des syndicats.
Ils ont constaté qu’en l’occurrence, l’action du syndicat avait pour vocation de faire reconnaître l’irrégularité d’une situation dans l’entreprise (la prolongation du gel des salaires alors même que l’accord prévoyant cette mesure était caduque) et d’y mettre fin. Considérant que cette irrégularité portait atteinte à l’intérêt collectif de la profession, ils ont jugé que le syndicat était recevable à agir.
En revanche, la Haute juridiction a retenu que le syndicat ne pouvait pas demander au juge de régulariser la situation individuelle des salariés concernés. Une telle demande relevait en effet de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts, et non de l’intérêt collectif de la profession.
La Cour de cassation n’a donc pas fait droit à la demande du syndicat relative au repositionnement des salariés à un échelon correspondant à leur ancienneté, au réajustement de leur salaire et à l’attribution de dommages et intérêts.
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Cour de cassation, chambre sociale, 6 novembre 2024, n° 22-17.106 (si un syndicat peut agir en justice pour dénoncer une irrégularité causant un préjudice à l'intérêt collectif de la profession, il ne peut obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts)
Juriste et autrice en droit social
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