Comprendre la hiérarchie des normes pour mieux comprendre la loi travail

Publié le 21/09/2016 à 07:17, modifié le 11/07/2017 à 18:28 dans Négociations collectives.

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C’est sur l’article 8 de la loi travail qu’a porté l’essentiel des contestations. En cause, l’inversion de la hiérarchie des normes sur la durée du travail et la prééminence de l’accord d’entreprise ou d’établissement. La loi étant entrée en vigueur, il est important de bien comprendre la nouvelle articulation des normes en matière de temps de travail.

Qu’est-ce que la hiérarchie des normes ?

Pour comprendre la hiérarchie des normes, il faut connaître l’ordre dans lequel elles se déclinent :

  • la constitution ;
  • les conventions internationales ;
  • les lois ;
  • les règlements ;
  • les conventions et accords collectifs ;
  • le règlement intérieur ;
  • le contrat de travail.

C’est la pyramide des normes. En droit général, chaque norme doit respecter une norme de niveau supérieur à laquelle elle apporte des précisions. En cas de conflit de normes de niveaux différents, c’est la norme supérieure qui s’applique.

Le droit spécial du travail vient inscrire un principe de faveur dans la hiérarchie des normes : « Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public ».

Selon cette disposition, introduite au Code du travail par les lois Auroux en 1982 (C. trav., art. L. 2251–1), la loi fixe un plancher de droit auquel le contrat de travail ou l’accord collectif, normes de niveau inférieur, peuvent déroger à condition que ce soit dans un sens plus favorable au salarié.

Ce principe de faveur a été, une première fois, remis en cause par la loi du 4 mai 2004. Cette loi a autorisé qu’un accord de niveau inférieur comporte des dispositions moins favorables que l’accord de niveau supérieur. Cette première fracture du droit social avait cependant été limitée par l’interdiction en matière de :

  • salaires minima ;
  • classifications :
  • garanties collectives en matière de protection sociale complémentaire ;
  • mutualisation des fonds destinés à la formation professionnelle.

De plus, la règle ne s’appliquait pas si l’accord de niveau supérieur l’avait expressément interdit.

La loi du 20 août 2008 a ensuite marqué une nouvelle étape dans l’inversion des normes. En effet, elle a permis d’outrepasser le verrouillage de l’accord de branche par accord d’entreprise pour les sujets suivants :

  • le contingent d’heures supplémentaires ;
  • l’aménagement du temps de travail ;
  • la mise en place de conventions de forfaits ;
  • le fonctionnement du compte épargne temps.

Le verrouillage de l’accord de branche restait effectif pour les autres sujets relatifs à la durée du travail.

La loi travail parachève l’inversion des normes de la durée du travail en supprimant ces limitations. Tous les items de la durée et des horaires de travail sont ouverts à la négociation dans l’entreprise ou l’établissement. La limite de ces négociations n’est plus fixée par la norme supérieure mais par l’ordre public défini par le législateur pour chaque thème.

Refonder le droit du travail et donner plus de place à la négociation

Si le droit du travail s’est construit pour palier à la situation de faiblesse du salarié face à son employeur, la loi travail s’est donnée pour objectif de favoriser la compétitivité des entreprises. Elle acte donc un changement de cap longuement annoncé et débattu.

La première pierre de ce nouvel édifice social est posée par l’article 8, consacré à la durée du travail et rédigé selon la future architecture du Code du travail. Chaque thème est ainsi articulé en 3 parties :

  • une première partie consacrée aux dispositions d’« Ordre public » ;
  • une deuxième partie fixant le « Champ de la négociation collective » ;
  • une troisième partie intitulée « Dispositions supplétives » établissant les décisions que peut prendre l’employeur en l’absence d’accord collectif.

Cet article préfigure donc la nouvelle rédaction du Code du travail dans sa partie législative. En effet, une commission d’experts et de praticiens des relations sociales doit proposer au Gouvernement une « refondation » de la partie législative du Code du travail dans un délai de 2 ans suivant la publication de la loi. Cette refondation du droit du travail attribuera une place centrale à la négociation collective.

Un nouveau Code du travail pour un nouvel ordre social orienté compétitivité.